Rencontre avec Florian Zeller, le réalisateur du film bouleversant The Son avec Hugh Jackman
Depuis la littérature, où il excellait, Florian Zeller a gagné Hollywood en passant par le théâtre. Un Oscar du meilleur scénario en 2021 l’ayant mis sur la voie de la réalisation, ce passionné enchaîne aujourd’hui avec délice les heures de tournage avec les plus grandes stars. Alors que son nouveau film, The Son, sort cette semaine, retour sur son parcours fulgurant.
À partir des années 2000, Florian Zeller a crevé l’écran, jeune romancier et dramaturge prolifique, capable de remporter le prix Interallié 2004 avec La Fascination du pire, mais aussi de remplir les théâtres avec ses mots joués par de grands comédiens, comme Fabrice Luchini dans Une heure de tranquillité en 2013. C’était déjà beaucoup. Mais depuis une décennie, un déplacement a eu lieu, un agrandissement de focale sans précédent. Le monde s’est ouvert au désormais quadra à la plume alerte. Ses pièces ont triomphé à l’étranger, de New York à Londres. À Hollywood, l’Académie des Oscars lui a décerné en 2021 la statuette du meilleur scénario adapté (avec Christopher Hampton), pour son film The Father. Une rareté pour un Français. Florian Zeller est aujourd’hui un cinéaste reconnu et ne compte pas en faire une occupation annexe. “J’ai l’impression d’avoir passé les quinze dernières années de ma vie dans des théâtres, et j’ai beaucoup aimé ça. Il y a un mystère lié au spectacle vivant qui ne cesse de me fasciner. Mais sans l’abandonner pour autant, ce à quoi j’ai envie de me consacrer pour le moment, c’est le cinéma.”
The Son, le nouveau film de Florian Zeller avec Hugh Jackman et Laura Dern
À la dernière Mostra de Venise, Florian Zeller a présenté son deuxième long-métrage, The Son (avec notamment Hugh Jackman, Vanessa Kirby et Laura Dern), confirmant son appétit pour le grand écran. Faut-il y voir un changement radical de pratique et d’ambition, un passage de l’écrit à l’image ? Plutôt une continuité, à en croire l’intéressé. “J’ai commencé à écrire dans l’adolescence, comme un prolongement de la lecture mais aussi une façon de découvrir qui j’étais, ou celui que j’essayais de devenir. Je n’avais pas vraiment de projet professionnel, juste une envie qui a mis quelques années à trouver sa forme. De ce point de vue, l’écriture a toujours fait partie de ma vie. Ce qui est apparu de façon plus inattendue, c’est ma fascination pour les comédiens, qui m’a mené vers le théâtre, puis le cinéma. J’ai du mal à dissocier le désir de réaliser The Father, par exemple, avec celui de travailler avec Anthony Hopkins. Et cela a été la même chose pour The Son avec Hugh Jackman…”
Des paroles pour le grand chanteur français Christophe
Actif sur tous les plans, voyageur impénitent, Florian Zeller occupe sa vie avec le travail. Il l’explique d’ailleurs sans détour. “J’ai l’impression de travailler tout le temps. Mais parce que j’ai la chance de faire quelque chose qui me passionne, ce n’est pas un problème pour moi. Je ne me donne pas d’horaires pendant lesquels je me force à travailler, plutôt des horaires pendant lesquels je me force à ne pas travailler. C’est comme ça que je vis. De façon obsessionnelle.” De ce point de vue, celui qui a aussi écrit des paroles de chansons pour le regretté Christophe (“Je l’ai adoré. Ce qui m’a le plus impressionné chez lui, c’est sa liberté…”) a trouvé dans le cinéma un art à sa mesure. “Quand on fait un film, cela prend toute la place. C’est une opportunité toujours unique, intimidante et merveilleuse. Pour moi, ce vertige tient au fait que tout compte au cinéma, chaque détail, chaque décision, du décor en passant par la direction d’acteur, de la musique aux choix de la lumière. C’est un art complet, total, épuisant, mais inépuisable.”
Durant la période du COVID-19, tous les artistes se sont posé la question de leur pertinence. Interrogé à ce sujet, Florian Zeller dit avoir été, comme les autres, “bousculé par cette pandémie” et milite pour une attention quotidienne à l’art et à la beauté. “Je ne sais pas comment rester pertinent, mais ce qui me semble certain, c’est que dans un monde d’incertitudes, de peurs et de précarité, la beauté est quelque chose d’essentiel, et qui donne un sens à la vie.” Pour continuer à l’effleurer au quotidien, le natif de Paris se ménage des plages hors des contraintes sociales et professionnelles : “Il y a toujours ce retour au vide, au silence et à la solitude. Sinon, on est vite gagné par le mouvement de la vie, et cela éloigne de l’écriture.”
The Son (2023) de Florian Zeller avec Laura Dern et Hugh Jackman, au cinéma le 1er mars 2023.