30 nov 2022

Rencontre avec Cyril Lignac, le chef pâtissier qui a conquis les Français

Parmi les chefs superstars français, Cyril Lignac est souvent présenté comme étant le plus médiatique. À la tête d’un empire récemment étendu à Londres, l’homme au caractère affable est surtout à la pointe de son époque, profondément engagé pour la modernisation de la gastronomie. Alors que son émission, Tous en cuisine, a remis le couvert sur M6, Numéro Homme l’a rencontré.

Portrait par Stéphane Gallois.

Texte par Olivier Joyard.

Cyril Lignac, photographié le 13 septembre 2022 dans son restaurant Ischia, rue Cauchy, Paris XVe. Coiffure et maquillage : Audrey Laforge avec les produits Wella Professional et Embryolisse

Cyril Lignac, le chef préféré des Français

 

Le “gourmand, croquant” qui l’a rendu célèbre semble à la fois proche et lointain. Si la quarantaine n’a pas fondamentalement changé Cyril Lignac, qui reste le premier chef médiatique de France, éternel sourire aux lèvres et manières joyeuses, sa longévité force le respect, sa trajectoire également. En 2019, après sept ans d’étoile Michelin, l’homme de Rodez décidait de fermer son restaurant Le Quinzième, révélant quelque chose de sa nature profonde, un désir de rompre avec la figure du grand chef français à toque, pour s’évader vers des territoires moins corsetés. Trois ans plus tard, aucun regret : “Je ne dénigre pas les étoiles, je me suis battu pour la mienne. Mais, à un moment, j’ai voulu passer à autre chose car j’ai eu l’impression d’avoir écrit la dernière page du livre. Aujourd’hui, la modernité se situe ailleurs, dans des restaurants beaucoup plus simples, un service rapide, pourquoi pas au comptoir, avec une culture de la cuisine très bonne, épicée, voyageuse. C’est ce que j’aime : des restaurants qui me font plaisir et dans lesquels les clients se sentent bien aussi.

 

Cyril Lignac se trouve à la tête de ce qu’il faut bien appeler un empire de la gastronomie, avec six restaurants parisiens, un autre à Londres dans le quartier de Mayfair et six pâtisseries délicieuses, dont une toute fraîche à Saint-Tropez. Sans oublier son compte Instagram dédié aux recettes et suivi par plus de trois millions de personnes, ainsi que de nombreuses apparitions télévisuelles dans Le Meilleur Pâtissier ou encore Tous en cuisine, l’émission qui a rendu le confinement plus supportable pour les foodies. Ses journées commencent tôt et se terminent tard, en général vers 23 heures, sans que cela ne semble entamer la bonne humeur légendaire du cuisinier, qui explique réfléchir à ses plats lors de moments de pure contemplation. “J’ai beau avoir un côté hyperactif, je suis aussi très contemplatif. Quand j’ai l’occasion de m’arrêter un peu, je reste au lit, je me mets sur un transat et je réfléchis. Je regarde des photos de mes plats et je me demande comment les améliorer.”

 

Cyril Lignac, un chef pâtissier devenu homme d’affaires

 

De ces rêveries solitaires sortent des assiettes au classicisme assumé, mais tournées vers un imaginaire enveloppant (son expression clé : “J’ai la culture de la cuisine gourmande”), avec comme objectif une simplicité et une netteté très contemporaines. À l’unisson, sa cuisine et sa pâtisserie font de celui qui a été formé par Alain Passard et Pierre Hermé un emblème de la gastronomie populaire et raffinée. À l’heure où le prix de l’alimentation inquiète, le modèle Lignac tombe à pic. “Là où j’ai grandi, dans l’Aveyron, on n’avait pas beaucoup d’argent, mais on pouvait vivre simplement en mangeant bien. Ma tante élevait des poulets, on faisait les canards gras et on préparait des conserves pour l’hiver. Ma mère cuisinait un sauté de veau avec de la viande locale, que l’on mangeait pendant trois jours. J’ai appris à cuisiner avec peu et à faire bon. Cela ne m’a pas quitté.

 

En 2021, l’ouverture du Bar des Prés Mayfair, à Londres, a offert à Cyril Lignac une renommée internationale et l’occasion d’incarner l’influence toujours vivace de la gastronomie française.Même si c’est très français de s’auto- flageller, dans la cuisine comme dans la littérature, l’art ou l’architecture, je ne crois pas que les autres soient meilleurs que nous. J’ai tendance à dire que le monde entier nous envie. Je vois que beaucoup de chefs étrangers viennent apprendre notre cuisine, que nous la partageons bien volontiers et qu’elle rayonne. Il y a une mondialisation, c’est une évidence, mais la cuisine française possède un raffinement, une exigence, quelque chose de lyrique que n’ont pas les autres.” Et le créateur du meilleur baba de Paris de conclure, avec une punchline qui sonne comme une évidence : “La cuisine française est cohérente par sa variété et son ancrage dans tous les terroirs. On n’aura pas demain à Los Angeles un agneau de l’Aveyron.

 

Restaurant Ischia de Cyril Lignac, rue Cauchy, Paris 15e. Et les pâtisseries Lignac dans le 15e, 16e et 17e arrondissement. Tous en cuisine, diffusée actuellement sur M6.