15 juin 2021

Que vaut “Mixte” la série sixties d’Amazon Prime entre premiers émois et gomina ?

La première série totalement française d’Amazon Prime Vidéo nous emmène dans le sud de la France, au moment où la mixité entre pour la première fois au lycée. En huit épisodes, Mixte est une plongée drolatique dans les sixties, entre virées en solex et sexisme ordinaire. Un programme rafraîchissant, plus proche du teen show que de la fresque historique. 

C’est la rentrée au lycée Voltaire, décor vintage et fictif de la série Mixte, fraîchement débarquée sur Amazon Prime Vidéo… mais ce n’est pas une rentrée comme les autres. Nous sommes en 1963 et, pour la première fois dans un lycée français, des filles partageront le même établissement que les garçons pour préparer le précieux et redouté “bachot”. Une poignée de jeunes adolescentes plus ou moins bien peignées – onze au total – font ainsi leur entrée dans la cour du lycée Voltaire, un matin de septembre ensoleillé, sous les regards tantôt fuyants tantôt insistants d’une centaine de jeunes garçons aux cheveux gominés. Le décor est planté : bienvenue dans les sixties, ère des balades en solex et autres “mob”, des baby-boomers et des yéyés. Pour raconter ce basculement historique dans la mixité, la créatrice de la série, Marie Roussin (Les Bracelet rouges), s’est inspirée d’un article de presse paru sur le premier établissement français à l’avoir initié. Pour autant, la série glisse rapidement vers le teen show, sans jamais se prendre vraiment au jeu de la fresque historique. Bastons qui dégénèrent, baisers volés et remontrances de professeurs collet monté sont en effet les principaux rouages de l’intrigue de cette série fleur bleue, plutôt destinée à un public jeune. Rythmée par une bande-son très rock, qui donne du tonus et du corps aux épisodes, la série respire surtout la douceur adolescente et l’odeur rafraîchissante des premiers émois. 

Des personnages attendrissants, un casting rafraîchissant 

 

Dans cette attendrissante peinture de la jeunesse des années soixante, on s’attache rapidement à certains personnages, incarnés par des acteurs qui font leur âge sans manquer de maturité dans leur jeu. On est tout de suite charmé par la jeune Anouk Villemin dans le rôle de la jolie et drolatique Simone, issue d’une famille pied-noir et fraîchement débarquée d’Algérie pour étudier en France, qui brille par sa bonne humeur et son côté légèrement décalé. On découvre aussi le jeune Vassili Schneider en rebelle gringalet, qui tient parfaitement son rôle de petit tyran face à Henri Pichon dit “cochon”, son principal souffre-douleur incarné par un touchant Nathan Parent. Chez les adultes, on retrouve Pierre Deladonchamps (Les Chatouilles, Plaire, aimer et courir vite) métamorphosé en “surgé” (surveillant général) coincé mais charmant, et plus complexe qu’il n’y paraît. Les rôles féminins portés par Nina Meurisse (Place Publique, Camille) et Maud Wyler (Mytho) s’attachent quant à eux à représenter les premiers pas d’une émancipation féminine, deux ans avant que les femmes obtiennent le droit d’exercer une activité professionnelle sans l’accord de leur conjoint, ou d’ouvrir un compte bancaire à leur nom. Néanmoins, la série ne fait pas l’économie de quelques clichés : les bouchers-charcutiers sont rustres et violents et la mère célibataire tombe sous le charme de tous les beaux parleurs qui passent dans son bar – et en profitent pour draguer sa jolie fille, aux faux airs de Brigitte Bardot. 

 

Une chronique des années lycée

 

Dans la série, le sexisme ordinaire des années soixante transparaît à l’occasion de petites humiliations (une jeune fille est contrainte d’aller se passer de l’eau sur le visage pour retirer son maquillage) et de remarques cinglantes, sans pour autant prendre toute la place, le scénario tournant principalement autour d’événements clés liés à la vie du lycée : tournois de football, élection du chef de classe, préparation d’exposés… La promesse politisée du pitch n’apparaît donc finalement qu’en filigrane dans les premiers épisodes. Ce n’est pas un problème, car ce qui fait le charme de la série, c’est peut-être d’avantage son côté humoristique que son approche historique : grâce à des répliques cocasses et bien amenées – ne manquant jamais de finesse – on rit souvent et franchement. Dans la veine de la désopilante série Au service de la France, qui se déroule elle aussi dans les années 60, Mixte est une série à la fois plaisante et dépaysante, et l’assurance de passer un bon moment. Les quatre premiers épisodes sont déjà disponibles sur la plateforme, et les quatre suivant seront diffusés le lundi 21 juin. Si une saison 2 devait avoir lieu, elle devrait se dérouler en 68, au moment des révoltes étudiantes : de quoi, peut-être, donner une couleur politique plus affirmée à la série. 

 

Mixte, de Marie Roussin, disponible sur Amazon Prime Vidéo.