5 août 2021

Pourquoi la série à succès “In Treatment” nous passionne-t-elle depuis plus de quinze ans ?

Qui n’a jamais rêvé de s’infiltrer dans le cabinet du psy pour suivre un patient pendant sa séance ? Construite sur cette idée, la série israélienne BeTipul a été adaptée avec un énorme succès dans plus de vingt pays, notamment aux États-Unis, sous le titre In Treatment. La chaîne américaine HBO vient de produire une toute nouvelle saison, toujours aussi efficace, distrayante et addictive.

© OCS

En ces temps d’introspection forcée, voir d’autres que nous énumérer leurs peines, leurs angoisses et leurs soucis existentiels sur le canapé d’un psy a quelque chose d’enthousiasmant. Il y a plusieurs mois, En Thérapie faisait sur Arte un carton inattendu, saisissant avec justesse le désir d’être écouté qui anime nos sociétés, et les traumatismes à la fois intimes et collectifs à l’oeuvre depuis quelques années. L’atmosphère plombée d’une époque passait sur le gril d’un concept imparable : un psy, un patient, un épisode.

 

Cette idée géniale, si télévisuelle, nous la devons à Hagai Levi. Le créateur israélien de BeTipul dans le courant des années 2000 a vu adapter sa série partout dans le monde. Si la version française fut la vingtième déclinaison du concept original, le remake américain fut, lui, l’un des tout premiers à voir le jour. Il y a près de quinze ans, rebaptisée In Treatment [En analyse] avec Gabriel Byrne dans le rôle principal, cette série fit sensation durant trois saisons tendues. Mais sentant certainement la nécessité de creuser à nouveau le concept, HBO a commandé une nouvelle saison, née ce printemps. Plus qu’un toilettage, il s’agit d’un véritable reboot puisque le psy est désormais une psy, Brooke Lawrence, incarnée par l’excellente Uzo Aduba, vue dans Orange Is the New Black.

 

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À Los Angeles, cette femme noire d’une quarantaine d’années reçoit des patients chez elle ou les écoute via Skype, signe des temps. La série s’intéresse à trois d’entre eux : Eladio, un jeune Latino homosexuel en pleine interrogation sur ses choix de vie et son utilité, est en proie à de lourdes insomnies. Colin, millionnaire quinqua sortant tout juste de prison pour fraude, incarnation de l’homme blanc de plus de 50 ans si décrié, est envoyé dans cette cure par la justice. La troisième est une adolescente noire, Laila, dont la grand-mère conservatrice souhaite qu’elle consulte car elle a “choisi” selon elle de devenir lesbienne, mais qui, elle, préfère parler de son “addiction au sexe” dès la première séance… Autre protagoniste de la série : la psy référente, amie et collègue à qui se confie l’héroïne sur la mort récente de son père, aussi bien que sur ses amourettes à la fois incandescentes et frustrantes avec un dénommé Adam.

 

Dans In Treatment, la vision anglo-saxonne de la thérapie qui se déploie – très différente de la psychanalyse –, met en avant la psy comme une femme ouverte qui échange avec ses patients et leur raconte des histoires personnelles, sans toujours respecter la frontière symbolique avec eux. C’est très fructueux du point de vue narratif (on ne s’ennuie jamais), mais un peu convenu dans la manière de s’appesantir sur la psychologie du personnage central au détriment des autres qui, eux, reviennent seulement tous les quatre épisodes. Cependant, nos réserves cèdent rapidement devant l’efficacité absolue du concept, qui rend captivantes des paroles intimes, avec une simplicité totale. Même si la mise en scène tente d’y échapper régulièrement, le champ-contrechamp s’impose comme la figure stylistique centrale, avec cette impression que les personnages nous regardent autant que nous les regardons. Ensuite, In Treatment prend clairement dans cette nouvelle saison un virage inclusif, dans l’air du temps, d’une façon nuancée et subtile. Sa grande force est d’interroger les représentations, les pensées toutes faites, plutôt que d’imposer un angle de vue. En ce sens, nous sommes devant une grande série démocratique.

 

 

In Treatment, saison 4. Sur OCS.