6 oct 2020

Working Men’s Club ravive enfin la flamme du rock

À seulement 19 ans, Syd Minsky-Sargeant et le Working Men’s Club réveillent le rock à coup de tubes punk et dance tout droit sortis d’un trou perdu de la campagne anglaise. Dévoilé il y a quelques jours, leur premier album sobrement intitulé Working Men’s Club pourrait bien être la bande-son rock du moment.

Le rock a perdu de sa superbe. Dépassé dans les charts par la pop dès les années 80 et dépouillé de son état d’esprit contestataire par le hip-hop dans les années 90, le rock n’est pas non plus resté une musique d’avant-garde, la place étant dérobée par la musique techno qui règne sur les salles underground. Il suffit d’écouter le dernier single des Rolling Stones paru pendant le confinement pour comprendre le problème : à bientôt 80 ans, le rock a de plus en plus du mal à se renouveler. Faute de nouvelles têtes, les playlists des amateurs de rock sont hantées par des artistes disparus ou du moins proches de le devenir.

 

Une fois par décennie, il arrive tout de même que certains groupes ressuscitent le rock et arrivent à nous surprendre le temps d’un album comme les Strokes avec Is This It en 2001 ou Tame Impala avec Innerspeaker en 2010. Le groupe qui va réveiller le rock lors des dix années à venir est désormais connu : il s’agit du Working Men’s Club et il vient de sortir son premier album sobrement intitulé Working Men’s Club, comme pour mieux se présenter.

 

Sans surprise, le Working Men’s Club nous vient du Royaume-Uni et pas de n’importe quelle région. Celle du Yorkshire de l’Ouest, une diagonale pluvieuse coincée entre Leeds et Manchester qui fût autrefois un important bassin industriel anglais. C’est d’ailleurs de ce passé ouvrier que le groupe tire son nom : les Working Men’s Club étaient des lieux de socialisation proches des syndicats, qui permettaient aux travailleurs et à leurs familles d’avoir accès à la culture et aux loisirs à moindre coût. Une période que regretteraient presque les membres du groupe, qui expriment dès le premier couplet du morceau Valleys leur chagrin d’être né “piégé dans une ville”, “sans idées”, “sans échappatoire rapide” où “l’hiver est une malédiction”.

Syd Minsky-Sargeant, leader du Working Men’s Club

Voix grave nonchalante, guitares saturées et synthétiseurs, le premier album du Working Men’s Club fleure bon la Haçienda, club mythique de Manchester qui accueillait aussi bien des groupes de rock comme New Order et les Happy Mondays que les premières raves techno européennes. Pourtant, l’intrusion de la musique électronique dans les sonorités post-punk de ce groupe de lycéens – orchestrée par le producteur Ross Orton (Arctic Monkeys, M.I.A., The Fall) – n’a pas plu à tous les membres fondateurs. De plus en plus souvent remplacé par une boîte à rythmes, le batteur claque la porte quelques mois avant la production de l’album, suivi par la guitariste. Du trio originel ne reste plus que le chanteur et leader Syd Minsky-Sargeant, et c’est déjà beaucoup. 

 

À seulement 19 ans, Syd Minsky-Sargeant a déjà tout d’une rock star. Un physique hypnotisant, à la fois tendre et dangereux, une âme de poète, qui cultive ses souffrances pour écrire les textes étonnants de maturité du Working Men’s Club et un tempérament de tête brûlée, formidable pour placer quelques saillies sur la société anglaise en interview. Une énergie incontrôlable qui déborde aussi sur scène : une dizaine de jour avant le confinement, Syd Minsky-Sargeant a fini torse nu au milieu de la foule lors d’un concert donné pour le festival La Route du Rock, réchauffant à lui tout seul l’hiver breton. 

 

“Working Men’s Club” (2020) [Heavenly/PIAS], disponible.