Who is Tommy Genesis, new sexual hip-hop star ?
Provocante, la jeune rappeuse joue pleinement de sa sensualité pour imposer son flow lancinant et ses textes crus. Et fait habilement monter le désir avant la sortie de son deuxième album, Genesis. Elle sera en concert à La Bellevilloise le 22 février.
Par Thibaut Wychowanok.
Portraits Yulya Shadrinsky.
Nue, allongée dans un bain comme maculé de liquide séminal, Tommy Genesis prend des poses lascives. Ses fesses bombées pointent en dehors de l’eau. Sa petite gueule d’ange lance, en contrepoint, des regards ingénus. Dans Tommy, sa dernière vidéo parue fin 2017, la rappeuse originaire de Vancouver offre la quintessence du personnage ambivalent qu’elle s’est créé : une lolita (on ne connaît pas son âge) jouant sciemment de tous les fantasmes d’une société sexualisée à outrance, de l’innocence pervertie à la teenage girl libidineuse. Son flow passif agressif est à l’avenant, comme sa musique : moite et lancinante, elle couve une tension latente qu’une éjaculation punk vient parfois soulager (Tommy Genesis hurlant à la fin du morceau).
Le sexe fait vendre, surtout lorsqu’il est maîtrisé avec autant d’acuité et d’intelligence.
Depuis son premier album World Vision, en 2015, Tommy Genesis s’est imposée en “Madonna de la génération Y” : visage de la campagne automne-hiver 2016 de Calvin Klein, elle apparaît aussi au côté de M.I.A. pour un film Mercedes-Benz, et au premier rang des défilés de Sies Marjan et Fenty x Puma à la Fashion Week. Le sexe fait vendre, surtout lorsqu’il est maîtrisé avec autant d’acuité et d’intelligence. Celle, par exemple, de se faire la porte-parole, dans ses textes, d’une adolescence sans repères et livrée à une sexualité débridée (le morceau They Cum They Go : “Ils jouissent et ils s’en vont”). On pense autant au film Kids de Larry Clark qu’au récent long-métrage français Bang Gang (une histoire d’amour moderne) d’Eva Husson. Tommy Genesis fait mouche, également, lorsqu’elle revendique construire son identité sous (et surtout grâce) au regard de l’autre, en faisant d’elle-même un objet de désir, à l’instar de sa génération de l’ego roi, nourrie à Instagram et Snapchat.
“La seule personne qui façonne mon identité, c’est moi.”
Invitée du festival Pitchfork, en novembre, à Paris, elle confirmait : “Dans mon travail, la question de l’identité et de l’affirmation de soi est plus importante que celle de la sexualité.” Enfant d’un couple mixte (son père est d’origine indienne), Tommy Genesis raconte avoir été confrontée au racisme. Et avoir surmonté cette honte pour en faire une fierté. “Lorsque je me filme nue dans la vidéo de Tommy, continue-t-elle, le plus important n’est pas que je sois nue, mais que ce soit moi qui me filme. Est-ce que vous savez combien d’hommes ont essayé de faire cette vidéo ? De façonner ma sexualité selon leur vision ? Avec Tommy, je me suis dirigée, j’ai choisi mon équipe, j’ai édité le film. La seule personne qui façonne mon identité, c’est moi. J’ai pris le pouvoir.”
Repérée en 2015 par le label Awful Records, qui fait la preuve avec son rap lancinant aux accents R’n’B qu’Atlanta n’est pas que la ville de la trap et du gangsta rap, Tommy Genesis s’inscrivait alors dans une famille musicale en pleine expansion (de Father à Abra). Pourtant, en 2017, elle décide de jeter aux oubliettes son deuxième album, World Vision 2 (qui ne sortira donc jamais) pour s’émanciper. “C’était un album de rap et je ne m’y retrouvais plus. Je veux que chacun de mes nouveaux morceaux incarne pleinement qui je suis. Je veux parler d’amour, de romance, d’amitié et de mélancolie.” En toute logique, la Canadienne a décidé d’intituler l’album qui le remplacera Genesis, son vrai prénom. Une sacralisation ultime de l’ego pour susciter un désir plus brûlant ?