8 sept 2020

Sgt. Pepper’s des Beatles fête ses 50 ans : l’histoire d’un album culte

Avec leur huitième album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, les Beatles signaient en 1967 un chef-d’œuvre révolutionnaire, fou et ambitieux, systématiquement cité comme l’un des plus grands albums de tous les temps. Alors qu’il célèbre ses 50 ans, Numero.com revient sur l’histoire de ce tournant historique de la pop.

Une remise en question

Quand les quatre garçons dans le vent s’apprêtent à enregistrer Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, ils sont épuisés par la Beatlemania. Après une tournée des États-Unis, où Paul McCartney raconte que le groupe n’arrive pas à s’entendre sur scène à cause des cris des fans, le groupe souhaite un nouveau départ, loin de la pression du public. Ils exigent d’arrêter les concerts à répétions et veulent placer la barre très haute en studio comme l’explique Lennon : “C’est que si nous ne tournons plus, nous pouvons enregistrer de la musique que nous n’aurons pas à interpréter live, et cela veut dire que nous pouvons créer quelque chose qui n’a jamais encore été entendu, un nouveau genre de disque avec de nouveaux genres de sons.” Ce cri de liberté dont on prédisait qu’il leur ferait perdre des fans (c’est en fait le troisième disque le plus vendu de tous les temps) est le départ de ce qu’on appelle leurs “Studio Years”. 

Un travail dantesque

Pour la première fois de sa carrière, le quatuor veut prendre son temps. Les quatre musiciens passent ainsi de longues nuits avec leurs ingénieurs du son et leur producteur George Martin pour utiliser toute la technologie des studios Abbey Road et inventer de nouvelles techniques, comme un nouveau bouton sur un magnétophone ou la synchronisation de deux magnétos. En 129 jours (de décembre 1966 à avril 1967) ils expérimentent à loisir et enregistrent finalement les treize chansons de l’album, mais aussi Penny Lane et Strawberry Fields Forever – qui parlent de l’enfance de Lennon et McCartney et sortiront en single – ainsi que d’autres morceaux encore. L’enregistrement aurait duré plus de 300 ou 700 heures au total, ce qui était loin d’être la norme à l’époque pour un disque “pop” qui ne requiert pas plus de 4 jours à mettre en boîte. 

Un disque conceptuel

Ce n’est pas seulement musicalement que le groupe anglais veut oser. Paul McCartney a une idée folle : former un groupe fictif au nom à rallonge, dont les membres porteraient uniformes de parade colorés et des moustaches, qui qui partirait en tournée à la place des vrais Beatles. À Toronto en 1966, le policier qui gérait leur sécurité s’appelait le Sergent Randall Pepper. C’est lui qui aurait inspiré la formule  Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Il s’agit pour beaucoup d’un album concept car c’est la fanfare du club des cœurs solitaires du sergent Poivre” qui accueille le public à son concert. En ouvrant la pochette mythique signée Peter Blake, l’un des pères du pop art, on découvre une planche d’accessoires à découper. Autre originalité, l’album se conclut par un accord joué en même temps sur tous les pianos d’Abbey Road par les membres des Beatles et un sifflement à haute fréquence seulement audible par les chiens.

Des influences riches

Avec Rubber Soul (1965) et Revolver (1966), les Beatles se sont éloignés quelque peu du rock ‘n’ roll de leurs débuts pour inclure de nouvelles influences moins occidentales. Parmi elles, la musique indienne, passion du guitariste George Harrison et la musique classique et baroque. Ils affectionnent également des instruments comme l’orgue Hammond, le piano électrique, les cordes, les cuivres, le sitar ou encore des percussions hindoues. A l’époque, Frank Zappa, Pink Floyd, Jimi Hendrix, Phil Spector les Doors, le Velvet Underground et Brian Wilson montrent qu’on peut aller très loin pour repenser le format pop. Les chansons pop peuvent être plus longues, complexes, épiques et encore plus vibrantes que ne le voudraient les contraintes radio et majors.

Un hymne à la joie

Pour le poète Allen Ginsberg l’album représentait « une exclamation de joie ; une découverte de la joie et de ce que cela signifiait d’être en vie ». L’écoute du disque donnait de l’espoir au moment du meurtre de Che Guevara, des émeutes raciales de Detroit, la guette du Vietnam et de la révolte dans les universités britanniques de l’époque. L’un des morceaux « Getting Better » annonce d’ailleurs dans ces paroles : « ca ne peut pas être pire ». Optimiste et annonciateur du « summer of love », l’album à la pochette colorée semblait vouloir dire que les choses iraient mieux (l’avant 68), portant en lui l’idée d’une révolution. Les paroles poétiques quasi surréalistes et les milles idées par minute contenues par des morceaux psychédéliques comme le passionnant « A Day In A Life » en font une expérience dont on ressort assurément différent et plus vivant encore aujourd’hui.