Superpoze, explorateur génial d’une électro cosmique
Numéro a rencontré Superpoze, producteur respecté et surtout prodige de l'électro française dont le deuxième album, “For We the Living“, est enfin disponible. Une plongée musicale entre vastes paysages sonores et pop cérébrale.
Par Chloë Fage.
Photos Jules Faure.
Superpoze aka Gabriel Legeleux est, depuis son premier album “Opening” sorti en 2015, considéré comme la relève de la scène électronique française. Il vole très vite de ses propres ailes en montant son label à seulement 19 ans et apprend en autodidacte les ficelles de la musique électro. Ses sonorités planantes et mélodies cosmiques l'amènent à collaborer avec de nombreux artistes, de Dj Pone à Nekfeu en passant par Fakear. Le jeune Français revient avec un deuxième album intitulé “For We the Living” aux accents toujours aussi aériens et dont le thème déroute autant qu'il intrigue : comment représenter la fin du monde et l'idée de catastrophe. Numéro a voulu en savoir plus.
Numéro : Pourquoi avoir choisi de construire ce nouvel album autour du thème de la fin du monde et de la catastrophe ?
Superpoze : Lorsque j’ai commencé à réfléchir à “For We the Living“, je lisais beaucoup de textes sur le land art, et notamment certains écrits de l’artiste Walter De Maria. Dans “On the importance of natural disasters” qui a inspiré le dernier titre de l’album, De Maria estime que les catastrophes naturelles ont été regardées d’une mauvaise manière : tout le monde y voit la mort et la tristesse alors qu’il faudrait plutôt les célébrer en tant que forme artistique ultime. Elles permettent de faire l'expérience de sensations extraordinaires. Je voulais que l'on retrouve dans l'album ce que l’on éprouve face à une éruption volcanique ou un tremblement de terre par exemple… De ce texte de De Maria a découlé également mon envie de susciter cette même sensation de vertige dans l'album. Ce que j’appelle un “vertige métaphysique”, comme celui que l'on peut voir à l'œuvre dans des films de science-fiction, “Premier contact” ou “Interstellar”. Cette idée que nous sommes infiniment petits dans l’infiniment grand.
Comment retranscrire ce sentiment de vertige musicalement ?
C’est une sensation parfaite pour la musique instrumentale. J’ai travaillé sur des progressions très longues qui mènent à des montées assez euphorisantes, scindées par des ruptures nettes comme dans le titre “For We the Living” qui est coupé par un accord de piano. Le moment de basculement est essentiel.
“Je voulais que l'on retrouve dans l'album ce que l’on éprouve face à une éruption volcanique ou un tremblement de terre.”
On qualifie souvent votre musique de cinématographique pour sa faculté à raconter une histoire et surtout à dessiner des paysages sonores. Est-ce que le cinéma vous inspire, au-delà de la science-fiction ?
La musique, comme le cinéma, est un art de l’espace-temps. Elle n’existe que dans une chronologie. Il y a un début et une fin. Je la pense donc d'un point a à un point b, comme un voyage. C'est là où la notion d'espace intervient également. Quand j’ai commencé à m'intéresser à des films qui traitaient d'une manière ou d'une autre de la fin du monde, comme “Donny Darko”, “Take Shelter” ou “Melancholia”, je me suis rendu compte que ce thème lui aussi avait à voir avec l'espace et le temps : la fin renvoie au temps, le monde à l'espace.
L’album est presque intégralement instrumental, à l'exception de la voix de Dream Koala. Pourquoi ce choix ?
Nous formons je crois un excellent duo artistique. Nous avons les mêmes ressentis musicaux… Et je ne voulais pas poser ma voix. J’ai un petit complexe depuis le conservatoire où je participais à une chorale. Je n’ai pas un timbre très intéressant… Je trouve aussi que les musiques instrumentales ouvrent peut-être plus de portes à l’interprétation du public. On pose plus facilement les images que l’on veut.
“Je pense ma musique d’un point a à un point b, comme un voyage.”
“Je travaillais dans deux pièces, l'une avec des instruments et l'autre avec des synthés, dans un va-et-vient permanent entre l'organique et l'électronique.“
Où avez-vous enregistré l'album ?
Je suis parti entre mars et avril dans une maison dans le sud de la France très isolée. Je travaillais dans deux pièces, l'une avec des instruments et l'autre avec des synthés, dans un va-et-vient permanent entre l'organique et l'électronique.
Vous avez crée votre label à 19 ans. Où en est-il aujourd'hui ?
Mon label est aujourd'hui plus un moyen pour moi de faire de la musique qu'une structure visant à développer un vrai catalogue d’artistes. Concernant les artistes que j’aime bien, je leur conseillerais plutôt de monter leur propre label. Il faut tourner la page des grandes maisons de disques elles ne comprennent rien. Je suis distribué par une major mais je n’ai jamais parlé création avec eux.
For We the Living (Combien Mille Records/A+LSO) de Superpoze disponible le 24 février.
À LIRE AUSSI : Peter Peter, le Québécois qui redéfinit les règles de la pop francophone
LA SÉLECTION DE LA RÉDACTION : Walter De Maria dévoile une nouvelle œuvre par-delà la mort