11 fév 2019

Rencontre avec Gus Dapperton, le prodige de la pop qui rêve de cinéma

De passage à Paris dans le cadre de sa tournée européenne, l'interprète de “My Favorite Fish” s'est prêté au jeu de l'interview pour Numéro. Son prochain album, son coup de foudre, son désir de grand écran… Direct et spontané à l'image de sa pop rafraîchissante, le New-Yorkais de 21 ans s'est confié en toute simplicité. Rencontre. 

Par Laura Catz.

Dans votre nouveau clip, vous avez laissé tomber la coupe au bol et le blond peroxydé pour un blond fluo. Ce nouveau look est-il destiné à conquérir un nouveau public ?

Un jour, ma sœur m’a demandé si j’allais garder ma coupe au bol pour le restant de ma vie. J'ai d'abord répondu "oui" avant de réaliser que “merde, pas vraiment en fait”. J'aime simplement m'amuser avec mes cheveux, peu importe ce que pensent les autres. J'ai donc tenté plusieurs expériences capillaires avant de retrouver ma coupe au bol chérie. 

 

Avec My Favorite Fish, vous remettez le tempo lent de la love song au goût du jour. Pourquoi cette transition entre l'indie pop et le R'n'B et pourquoi ce titre ?

Je suis un peu nostalgique de la période où j'ai grandi, au début des années 2000… Le R'n'B triomphait. Je traverse des phases, comme ça… Je dirais que c’est un pic émotionnel d'amour. C’est venu naturellement et ça sonne sûrement plus romantique que du hip-hop pur. Concernant le titre de l’album, My Favorite Fish, j’ai volé l’expression à ma copine qui me désigne comme son poisson favori ! Des expressions cool de ce genre, elle en connaît un rayon. Je pense sincèrement qu’elle me compare à un poisson, mais pour moi, il y a un million de significations, et cette expression me suivra à vie.

 

 

“J'ai passé quelques auditions, j'adorerais être acteur

 

 

En parlant de votre petite amie, Jess, quelle a été votre réaction la première fois que vous vous êtes vus ? Racontez-nous votre première rencontre.

C’était comme dans un film, un vrai coup de foudre. Je l’ai rencontrée sur un shooting, car elle est photographe. Lorsqu’elle s’est présentée, c’était subitement comme si tout ce qui était autour n’existait pas, j’entendais la musique dans ma tête. À la fin de la journée, je lui ai proposé d’aller boire un verre, on a passé un super moment et lorsque je suis rentré chez moi, j’ai écrit la chanson d’une traite puis je la lui ai envoyée. Elle a aimé. Et c'est une superbe photographe ! D’ailleurs, les photos prises ce jour-là sont mes préférées. 

 

Quand vous écrivez vos chansons, vous jouez énormément avec les métaphores et les doubles-sens. Quelles sont celles dont vous êtes le plus fier ?

World Class Cinema est probablement ma préférée. Parfois, mes paroles sont très confuses, et d’autres sont tellement accessibles qu'on pense qu’elles n’ont pas de message adjacent. En réalité, je rêve d’une sextape dans World Class Cinema. Il y a aussi d'autres références, mais bien plus personnelles…

Avez-vous reçu quelques propositions pour le cinéma ?

Hmmm, non… À vrai dire, si. J’ai passé quelques auditions. J’adorerais être acteur.

 

 

“La musique, j'en fais d’abord pour survivre, pour exprimer mes émotions.”

 

 

Expliquez-nous le titre de votre premier, Where Polly People Go to Read, dont la sortie est prévue le 19 avril.

Je me suis inspiré de l’énergie positive qui émane des gens ouverts d’esprit, issus d'horizons divers, qui se réunissent, partagent des idées, étudient et collaborent ensemble. S'ils sont étranges pour beaucoup, voire perçus comme des aliens, car sans doute trop optimistes et enthousiastes, leur esprit atteint des sommets lorsqu'ils s'allient. C'est une déclaraiton d'amour aux gens qui m'inspirent, notamment la plupart de ceux avec qui je travaille. C'est en tout cas le monde dans lequel je voudrais vivre, et les gens dont j’amerais être entouré. 

 

Parmi les commentaires YouTube sous “My Favorite Fish”, on peut lire : “This is how it feels to eat a sandwich without the crust”. Quelles sont les meilleures déclarations que vous ayez reçues ?

Je l'ai vu ! J'ai adoré ! C'est la première fois que je vois ce genre de commentaire. Là où je suis le plus touché, c'est lorsque les gens me disent que ma musique les aide à traverser une période difficile. La musique, j'en fais d’abord pour survivre, pour exprimer mes émotions. Je suis ravi si les personnes qui m'écoutent peuvent s’identifier à ce que je dis. Mais ce commentaire est juste incroyable. 

 

 

“Je n’essaie pas de ressembler à quelqu’un de différent, je veux juste être moi.”

 

 

Vous êtes souvent comparé à Justin Timberlake ou David Bowie. Quels éléments leur avez-vous emprunté ?

Je suis largement inspiré par David Bowie, c'est un véritable artiste, jusqu'au bout du des doigts et en passant par chacune de ses musiques, le choix de ses visuels… Il s’exprime avant tout ouvertement et sans contraintes. Je ne me suis pas tellement inspiré de Justin Timberlake, mais cela m'amuse de justifier mon album par le fait que j'adore tout ce qui est produit par Pharell et Timbaland, et puis c'est un chanteur incroyable, pas moi.

 

 

Vous avez seulement 21 ans et maîtrisez parfairement votre image, d'autant plus que vous cultivez un look androgyne. D'où vient ce style décalé ?

Au lycée, j’étais du genre “je m’en fous du regard des autres”. Aujourd'hui encore lorsque je vois ma sœur s’appliquer du vernis à ongles, je me dis “pourquoi pas moi”, ce qui ne la dérange d'ailleurs pas du tout. À l’école, j'essayais de porter mes costumes d’Halloween, je les mixais à des vêtements plus traditionnels, ce que je fais toujours avec ma garde-robe… Je n’essaie pas de ressembler à quelqu’un de différent, je veux juste être moi. Les gens essaient de bousculer le concept de genre, mais en réalité, il n’y a que deux vestiaires : un masculin, un féminin. Je ne me sens d'aucun côté du spectre, je suis sur un spectre totalement différent. C'est une nécessité à laquelle je dois m’adapter, je préfère m'en amuser. En résultent mes tenues improbables, mon maquillage et ma coupe… Peu importent les conséquences.  

 

 

“Au lycée, j’étais obsédé par les films français de la Nouvelle Vague, notamment ceux de Jean-Luc Godard.”

 

 

On écoute volontiers votre musique dans un environnement extérieur, lors de festivals comme We Love Green par exemple, auquel vous avez participé l'été dernier. Diriez-vous qu'elle est aussi appréciable dans des endroits plus underground ? 

J'ai adoré ce festival. Forcément, je préfère quand les gens viennent à mon concert, dans des salles plus petites, qui permettent une plus grande proximité avec le public, pour vivre une véritable communion. Le moment est plus intime. 

 

Comme les métaphores, vous portez une attention tout particulière aux clips, très réussis. Ils sont d'ailleurs semblables à des courts-métrages. Quels films vous ont inspiré ?

J’ai toujours grandi avec des histoires fantastiques. Au lycée, j’étais obsédé par les films français de la Nouvelle Vague, notamment ceux de Jean-Luc Godard. Mais je suis toujours le premier à aller au cinéma pour voir le dernier film cool. Récemment, j’ai vu La Favorite, et j'ai adoré Call Me By Your Name. Parmi les réalisateurs qui m'inspirent, je citerais Sophia Coppola et Wes Anderson.

 

Comment se passe la collaboration avec Matt Dillon Cohen, habitué à réaliser vos clips. 
On procède par étapes, d’abord j’écris la chanson, on en parle, puis l’idée générale émerge. La plupart du temps, je le laisse tout faire car j’ai totalement confiance en sa vision. Mais il y a énormément de vidéos auxquelles j'ai participé, et qui sont très drôles, surtout avec le côté DIY. J'ai d'ailleurs réalisé My Favorite Fish

 

Pourriez-vous expliquer pourquoi la voiture est-elle omniprésente dans les clips depuis la nuit des temps ? Le clip qui accompagne votre titre I think to Prune Your Talk Funny est un exemple de plus. 

Très bonne question…

Gus Dapperton, Where Polly People Go to Read, sortie prévue le 19 avril