Qui se cache derrière le phénomène électro Acid Arab ?
Avec son premier album, Acid Arab réconcilie les cultures sur le dancefloor avec les montées d’acid euphorisantes. Le bien nommé Musique de France fait rimer musique orientale et amour de l’électronique dans une transe sans frontières.
Texte : Violaine Schütz.
1.Une grande famille
Acid Arab est né de la rencontre de deux Parisiens, Guido Minisky et Hervé Carvalho, qui officient depuis plus de dix ans dans le milieu clubbing en tant que DJ’s. Tout a commencé par un groupe Facebook où ils invitaient les autres à poster des morceaux acid, et des titres orientaux, avant d’officialiser leur union musicale dans le désert tunisien. Comme dans les mariages du Sud de l’hémisphère, plus on est de fous, plus on s’amuse. Et chez Acid Arab, c’est carrément l’auberge espagnole. Il y a les collaborateurs de toujours, on retrouve I:Cube, DJ Gregory, Étienne Jaumet, Crackboy et Gilb’R…Puis les nouveaux amis de Musique De France, leur premier album, aux nombreux featurings sorti après une série de maxis baptisés Collections et une compilation sur le label Versatile. On y croise Kenzi Bourras, claviériste de Rachid Taha, Rizan Said (qui a travaillé avec Omar Souleyman), le chanteur turc et joueur de saz, Cem Yildiz, Sofiane Saidi, nouvelle figure du raï, le musicien gnawa Jawad El Garrouge, le groupe de filles yéménites installées en Israël A-Wa ou encore Rachid Taha imitant à la perfection Alan Vega.
2. Une ode à l’acid house
Pour Acid Arab, le brassage culturel passe d’abord par la rencontre entre des sons. Electro minimaliste, techno oldschool, énergie punk, disco, trap, folie raï, rythmiques africaines, le duo enrichit son melting pot de la furie hédoniste du son de la basse analogique créée par le mythique synthétiseur-séquenceur Roland TB-303. Cette machine est l’une des signatures de l’acid house. Née à Chicago dans les années 80, l’acid house a ensuite pris d’assaut le Royaume-Uni et le Europe dans des rave survoltées où la liberté était fortement encouragée. Le smiley, symbole de cette époque, convient bien à la transe exaltée dans laquelle nous plonge les disques et surtout les lives d’Acid Arab.
3. Une caverne d’Ali Baba culturelle
Le duo parisien ouvre la porte aux découvertes. Proche du Syrien Omar Souleyman et du label Versatile, le binôme a aussi permis de mettre en lumière le travail du cinéaste algérien culte mais méconnu chez nous, Ahmed Zir. Ce dernier leur a donné la permission d’utiliser pour le clip de leur morceau Sayarat 303, son court-métrage Seuls les oiseaux de 1987. Cette fable métaphysique évoque l’esprit de résistance en milieu urbain et annonce les révoltes de jeunes qui auront lieu en Algérie un an plus tard. Cet amateur humaniste et philosophe, a vu ses ouvres montrées au MOMA de New York et au MuCEM à Marseille. Soit le « Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée » qui contribue à dessiner une image positive de la migration. La boucle est bouclée.
4. Un message pacifique
En mêlant rythmes ancestraux, africains ou maghrébins et sonorités électro depuis 2012, comme si les deux genres avaient toujours été fait l’un pour l’autre, Acid Arab réussit un heureux mariage païen. Cet éloge du métissage prend tout son sens avec le titre de l’album, Musique de France, qui sonne comme une (re)définition d’une France mélangée, dense et forte, en écho au groupe Carte de Séjour qui reprenait Douce France. A l’heure de Trump gouverne la plus grande puissance mondiale et où les débats sur les migrants font rage, cette musique accouchée un studio Shelter du très cosmopolite Xe arrondissement de Paris fait taire toute parole déplacée sur l’intégration en un beat bien calé.
Acid Arab – Musique de France (Crammed Disc), disponible sur toutes les plateformes.