21 avr 2022

Qui est Melody’s Echo Chamber, la chanteuse psychédélique entre Tame Impala et Lana Del Rey ?

Les fans de Mélody Prochet alias Melody’s Echo Chamber ont appris à patienter. Dix ans après son très beau premier album, produit par Kevin Parker de Tame Impala, et quatre ans après son second opus, Bon Voyage, la talentueuse Melody’s Echo Chamber dévoile enfin, ce 29 avril, Emotional Eternal, un troisième disque doux et mélancolique à l’instar des précédents. Rencontre avec l’artiste pour qui le pop-rock psychédélique s’adresse directement à l’âme.

Sa candeur, sa voix angélique et ses mélodies teintées de puissante mélancolie font volontiers penser à un croisement entre Lana Del Rey et Tame Impala. Bercée par la musique classique dont les compositions de Claude Debussy et Olivier Messiaen, c’est vers la vingtaine que la jeune femme commence à s’intéresser à la musique alternative. Elle découvre des artistes comme Broadcast, Red Krayola, Stereolab ou encore Jonny Greenwood, le bassiste de Radiohead dont elle est toujours aussi fan aujourd’hui. Dès son premier album Melody’s Echo Chamber (2012), réalisé en collaboration avec Kevin Parker de Tame Impala, la chanteuse éponyme marquait l’univers de la pop française avec ses morceaux planants et son pop-rock psychédélique empreint de nostalgie. C’est d’ailleurs aussi sa voix éthérée que l’on entend sur le très beau morceau du musicien australien Nothing That Has Happened So Far Has Been Anything We Could Control (2012). Ce 29 avril, après une longue attente de quatre ans, elle est de retour avec son troisième album, Emotional Eternal.

© Diane Sagnier

Numéro : Dans ce troisième album, vous avez collaboré avec le groupe de rock suédois Dungen. Pour le premier, c’était avec Kevin Parker de Tame Impala. Pourquoi ces choix ?

Melody’s Echo Chamber : Kevin Parker et Dungen m’ont apporté beaucoup d’inspirations. J’ai apprécié explorer des paysages sonores et des environnements assez épiques en voyageant dans leur pays respectifs, l’Australie et la Suède. Ce fut deux échappées belles pour moi. Il y a un énorme contraste entre ces deux contrées. C’est l’opposé même. Mais la nature y est dans les deux cas absolument majestueuse. Ces petites bulles de temps et d’espaces m’ont permis de pouvoir m’échapper et être plus créative. Cela m’a aussi permis de sortir des choses qui étaient en moi mais qui ne sortaient pas forcément lorsque j’étais à Paris. Pour ce troisième disque, je me suis trouvée un autre monde mais cette fois-ci près de ma région d’origine, la Provence.

 

Pourquoi n’avoir jamais voulu travailler seule ?

Lorsque je travaille seule, j’ai tendance à effacer, recommencer, effacer, … C’est sans fin, sans structure. Je suis face à un miroir et c’est très déstabilisant pour moi. Pour la plupart des personnes, ça fonctionne, mais moi je me perd dans mes errances et dans mes rêveries. J’ai besoin de structure et de personnes qui m’entourent. Je trouve ça super agréable de partager ces moments-là. C’est assez magique.

 

Comment se passe le processus de création quand il y a la distance au milieu ?

Pour mon second album, Bon Voyage, j’avais déménagé en Suède, donc on se retrouvait là-bas en studio. Mais pour celui-ci, j’ai pu y aller seulement quelques fois donc j’ai commencé par travailler des démos sur mon logiciel et eux m’envoyaient les leurs. Un peu à l’arrache mais ça a fonctionné. Lorsque j’y allais durant cinq jours, il fallait vraiment se concentrer afin de savoir exactement ce qu’on voulait faire. À chaque fois, nous étions très concentrés et productifs, on a aussi moins laissé de place à l’errance.

 

Comment définiriez-vous ce nouvel album ?

Il évoque pour moi une sorte de circularité de la vie. C’est aussi une sorte d’élaboration d’un refuge sonore, avec des paysages un peu distordus pour que je puisse m’échapper de temps en temps et aller m’y promener. Je désirais aussi laisser un peu plus d’espaces aux auditeurs pour qu’ils puissent eux aussi aller se perdre dans les espaces de rêveries que l’on a créés.

Où vous sentez-vous le plus à votre place ?

Là où je me sens le mieux, c’est lorsque j’ai une perspective sur mon environnement : entourée de grands espaces et de nature. Ça peut être à plein d’endroit sur la Terre mais je me sens mieux quand ça respire et quand je suis entourée de nature. Ceci-dit, maintenant j’ai trouvé mon refuge dans les alpes de Haute-Provence. Autour de moi, il y a des champs de lavande, des oliviers, des montagnes, une perspective comme ça qui respire et qui est très douce. En ville, je me sentais très mal.

 

La nature a toujours été importante pour vous ?

Inconsciemment, je pense. Je crois que je m’en suis rendue compte lors de ma première échappée en Australie. C’est là où d’un coup je me suis rendu compte que l’environnement avait un impact sur moi. Ensuite, j’ai retrouvé ce sentiment avec la neige, la forêt, les grands espaces de la Suède puis ici, dans le Sud. C’est aussi une thématique qui m’est chère.

 

Vous la mettez aussi très en avant dans vos clips…

Oui le clip de Personal Message est très important pour moi. J’avais vu un documentaire incroyable du directeur artistique David Corfield  sur la communication des arbres dans le système qu’est la forêt. Je lui ai alors demandé de me faire un clip avec ce même thème, avec un arbre en 3D et ses immenses racines, et le résultat est magnifique. Ça a été un processus très organique. Je suis contente du message que ça peut transmettre.

Et le clip de Looking Backyard est aussi en 3D, pourquoi ce choix ?

J’étais tombée sur le travail de Hyoyon Paik, une directrice artistique basée à Séoul et New York. J’ai remarqué les mondes distordus qu’elle imaginait, des paysages où la nature reprenait ses droits sur l’humain et ça me plaisait beaucoup. J’avais en tête de faire un clip venu d’un autre monde. J’aime le côté distordu que l’on peut créer avec la 3D que l’on ne peut pas forcément réaliser en images réelles sauf si l’on a un gros budget et une grosse production. Et aussi, je n’avais pas envie d’apparaître dans le clip. Je me suis beaucoup amusée à collaborer avec elle. Elle a aussi réalisé le clip du morceau Alma_The Voyage, aussi présent sur cet album. C’est toujours cette idée de partage qui amène à des surprises. Si on fait toujours les mêmes choses, on tourne un peu en rond sans s’ouvrir à l’inconnu et moi je le trouvais intéressant ce chemin vers l’inconnu. Je l’accueille plus qu’avant.

 

Pourquoi avez-vous pensé arrêter la musique après Bon Voyage ?

Après avoir laborieusement terminé Bon Voyage, qui pour moi, n’était pas fini et que j’ai dû me dépêcher de terminer, la période était trop intense. J’ai eu besoin de silence et de savoir que je pouvais fermer la porte de la musique, car elle me procurait trop de stress. Je m’étais mise dans des conditions trop difficiles qui ne convenaient pas à ma nature. Puis, il y a eu cette fameuse nuit, la première ou ma fille et moi étions séparées. Cela a déclenché la mécanique de l’album. Le morceau Alma_The Voyage c’est un petit poème d’amour à ma fille et à la vie en général. Je me suis retrouvée seule avec un débordement émotionnel. J’avais rejeté la musique mais finalement cette nuit-là j’ai été inspiré. C’était la seule façon familière et cathartique pour moi de me purifier de ce trop-plein d’émotion.

 

Finalement Emotional Eternal est né. Quand arrivera la suite ?

Je me rend compte que la vie est pleine de surprises, car je ne pensais vraiment pas faire un troisième album. Pour l’instant, je vis une espèce de dialogue interne, je n’ai pas trouvé de solution pour faire des concerts sans pression. Je n’ai pas encore trouvé le bon état d’esprit. J’ai de super opportunités pour jouer mais c’est vrai que je ne suis pas encore prête pour remonter sur scène. Je ne sais pas si je le serai un jour, néanmoins, j’ai vraiment envie de faire un nouveau disque mais ça aussi, ce sera une surprise. Performer sur scène, c’est un autre métier. Les tournées aux Etats-Unis étaient géniales mais c’est vrai que pour le peu de temps sur scène où on se régale, il y a des mois et des mois de travail, ça coûte beaucoup d’argent, c’est beaucoup de business et ce n’est pas forcément de qui me plait le plus.

 

Emotional Eternal (2022) de Melody’s Echo Chamber, disponible partout.