30 avr 2020

Quand Evanescence rencontre les Destiny’s Child avec la pop star Rina Sawayama

À l’aube des années 2020, les nouvelles stars de la pop sont de plus en plus nombreuses à repousser les limites des catégories musicales. Grimes et Charli XCX, souvent citées, sont en première ligne d’une pop futuriste et hybride à la croisée des genres. Avec son premier album “SAWAYAMA”, qui fait rimer metal et R’n’B, la jeune nippo-britannique Rina Sawayama n’est pas loin derrière. 

De ses mèches roses épinglés dans le clip de Cherry à son brushing orangé dans celui de XS, Rina Sawayama change de style capillaire comme de genre musical, d’un couplet à un autre, en un claquement de doigts. À bientôt trente ans, la mannequin et chanteuse vient de sortir son premier album, SAWAYAMA, le 17 avril dernier. La Britannique d’origine japonaise y rend hommage au R’n’B du début du siècle tout en explorant les affres de l’adolescence, des réseaux sociaux, du capitalisme et de tous les points noirs de notre société. 

 

 

Quand Evanescence rencontre les Destiny’s Child

 

 

Je ne crois pas aux plaisirs coupables, point barre. Je n’ai pas honte d’affirmer que j’aime la musique bien mielleuse.” Du nu-metal de Korn au R’n’B de Destiny’s Child, tout en passant par la pop de Britney Spears, SAWAYAMA est un premier album qui mêle les influences aussi éloignées qu’inavouables. Dynasty, qui ouvre ce premier disque, est d'ailleurs une référence directe au groupe de metal Evanescence dont Rina Sawayama semble imiter les mélodies vocales lyriques et les arrangements mêlant les instruments caractéristiques du rock à ceux d'un orchestre symphonique. D’autres morceaux comportent les mêmes riffs de guitare caractéristiques du genre, du violent STFU au puissant XS, une véritable critique de la société de consommation qui musicalement parvient à faire rimer R’n’B et metal. 

 

Assurant les premières parties de la pop star Charli XCX, Rina Sawayama appartient à une nouvelle génération de chanteuses pop futuristes à la croisée des genres. De la musique de la jeune Poppy, protégée énigmatique de Marilyn Manson dont le dernier album incarnait cette hybridation à la perfection, à celle du groupe tokyoïte Babymetal, la pop, le rap, le punk et le nu-metal semblent désormais pouvoir coexister en harmonie.  

Les affres de l’adolescence 

 

À 15 ans, Rina Sawayama ouvre pour la première fois la porte d'un cabinet de thérapeute. Atteinte de troubles de l’alimentation, l’adolescente passe beaucoup d’heures sur le divan, une expérience sur laquelle elle écrit beaucoup et qui lui apprend à mettre des mots sur ses émotions. Ses chansons, depuis la sortie de Rina, son premier EP en 2017, traitent d’autant de sujets liés à l’adolescence que la dépendance à Internet et la découverte de la sexualité. Le clip de Cherry fait d'ailleurs écho à une quête de l’identité sexuelle, Rina Sawayama étant ouvertement pansexuelle comme elle l’affirme dans une F.A.Q (foire à questions) postée sur sa chaîne YouTube.

 

Pop star 2.0, l’artiste n’hésite pas à échanger avec ses fans, qu’elle appelle les “pixels” sur les réseaux sociaux. Le jour de la sortie de son premier opus, ils étaient des milliers à le découvrir ensemble lors d’une séance d'écoute interactive. En bonne enfant du nouveau millénaire, Rina Sawayama imbibe fortement sa palette musicale des influences de son époque, s'étendant des années 90 à aujourd'hui. Paradisin est un hymne de pop sucrée, rythmé par des synthétiseurs probablement dérobés à Nintendo, dans lequel elle chante ses journées d’adolescente désœuvrée passées à traîner avec ses amis. Dans le clip de Cyber Stockholm Syndrome, elle incarne une cyber-idole, perdue entre néons roses et bleus.

Le Japon vu par l’Occident 

 

Suis-je japonaise ? Quand je me rends au Japon, je me sens telle une étrangère. Mais est-ce que je me sens chez moi en Angleterre ?” Les questionnements identitaires de Rina Sawayama reflètent ceux qui traversent les enfants d’immigrés de tous les pays. Ayant grandi en Angleterre, elle sort diplômée de Cambridge en 2012 en politique, psychologie et sociologie. Dans plusieurs entretiens avec les médias, elle évoque la façon dont la culture asiatique est appropriée par le courant mainstream. Si elle refuse de rentrer dans les cases et de passer pour une icône de la culture nippone, elle cite volontiers Utada Hikaru, la mère de la pop japonaise, comme une influence majeure. 

 

J’ai grandi en observant le Japon avec une vision occidentale. Aujourd’hui, je le perçois différemment. Cette relation est devenue plus évidente en apprenant l’histoire de ma famille”. Certains morceaux de SAWAYAMA affronte de plein fouet les questions liées à l’immigration et surtout, au racisme qui en découle, et dont Rina Sawayama a souffert. Dans STFU, le titre le plus rock de l’album, la chanteuse attaque : “Have you ever thought about taping your big mouth shut?/‘Cause I have many times, many times” (“As-tu déjà pensé à scotcher ta grande bouche ? / Car j’y ai pensé, souvent”). Un message explicite qui saura certainement se faire entendre. 

 

Rina Sawayama, SAWAYAMA, disponible depuis le 17 avril chez Dirty Hit.