5 sept 2024

Les confessions d’Angèle : “Il faut avoir un minimum envie de plaire pour faire ce métier”

Superstar magnétique de la pop, auteure-compositrice-interprète ultra talentueuse, actrice prometteuse et icône engagée de la Gen Z, la Belge Angèle a conquis l’étranger, où l’on découvre, émerveillé, sa fraîcheur et ses paroles à l’irrésistible vulnérabilité. Après des concerts à New York et à Londres, elle a impressionné le monde entier lors d’une performance magnétique à la cérémonie de clôture des JO de Paris 2024 en août dernier, à Paris. Retour sur notre rencontre avec une artiste aussi fédératrice qu’intimiste et authentique.

propos recueillis par Violaine Schütz.

Angèle © Compte Instagram d'Angèle.

Angèle © Compte Instagram d’Angèle.

Angèle © Compte Instagram d'Angèle.

Angèle © Compte Instagram d’Angèle.

Angèle © Compte Instagram d'Angèle.

Angèle © Compte Instagram d’Angèle.

Des millions d’écoutes et de vues… Deux albums épatants – Brol et Nonante-cinq, regorgeant d’hymnes générationnels – sur l’amour ou les temps modernes –, des concerts spectaculaires à guichets fermés, une prestation spectaculaire à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques 2024, un documentaire Netflix sans filtre, des apparitions remarquées à Coachella et au Met Gala, des rôles au cinéma et un contrat d’ambassadrice Chanel

Et pourtant la talentueuse auteure-compositrice-interprète, musicienne et superstar belge Angèle, semble être restée, à 28 ans, étonnamment humaine, vulnérable, proche de ses fans et fidèle à ses engagements.

Interview d’Angèle, la superstar très humaine de la pop qui a conquis l’étranger, de Coachella au Met Gala

L’icône féministe et LGBT est capable, tour à tour, d’évoquer, en interview, son chien Pépette ou sa grand-mère, de distribuer des gaufres à toute l’équipe sur le tournage d’une vidéo ou de s’afficher en train de faire des grimaces, ou  d’exposer ses poils sous les bras, sur les réseaux sociaux, loin des diktats de perfection. 

Angèle, qui vient d’une famille d’artistes et a commencé très jeune à chanter, en s’accompagnant au piano, dans les cafés de Bruxelles, après une école de jazz, a foulé la scène de la Wembley Arena à Londres. Mais elle reste la BFF dont tout le monde rêve. Une jeune fille sincère et drôle qui, lors de notre entretien virtuel via Zoom, laisse sa caméra allumée, nous permettant de la voir, en tee-shirt oversize et démaquillée, à mille lieues de la tenue de femme fatale follement glamour qu’elle arborait tout récemment au Met Gala.

« Vivre libre« , chante icône de la Gen Z sur l’un de ses tubes. Libre, elle l’est assurément, dans sa manière de redéfinir le statut de pop star comme celui des filles de son âge, artistes ou pas. Douce et insolente, effrontée et angoissée, fédératrice et intimiste, puissante et pleine de failles, mélancolique et acidulée, mainstream et branchée… Angèle a imprimé sa touche, unique et attachante, tout autour du globe. Un tour de force pour la Belge authentique qui reste très attachée à ses racines. Alors que l’étranger se l’arrache et qu’elle est en tournée hors de l’Europe, Angèle nous confie ses doutes, mais aussi ses fiertés et ses joies.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle et Damso © Nick Helderman.

Angèle et Damso © Nick Helderman.

Angèle et Damso © Virgile Guinard.

Angèle et Damso © Virgile Guinard.

Angèle dans le clip de Le temps fera les choses.

Angèle dans le clip de Le temps fera les choses.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Virgile Guinard.

Angèle © Virgile Guinard.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Virgile Guinard.

Angèle © Virgile Guinard.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Angèle © Manuel Obadia-Wills.

Ma génération a une notion du temps assez particulière, dans le sens où on a pris l’habitude que tout aille très vite.” Angèle

Numéro : Où vous trouvez-vous au moment où nous nous parlons et comment allez-vous ?

Angèle : Il est 10 heures du matin et je suis à New York, car je vais y donner des concerts durant trois soirs, et ça va très bien, merci. Ce que je suis en train de vivre s’avère intense, mais en même temps, tellement cool. J’ai fini par comprendre que j’aime l’intensité (rires).

Vous venez de sortir en single le morceau Le temps fera les choses qui parle du temps qui passe comme d’un pansement. Vous parlez souvent dans vos textes du temps qui s’écoule trop vite. Pourquoi avoir sorti une chanson si pleine de sagesse à ce moment-là de votre carrière ?

C’est une bonne question. Cette chanson est arrivée comme ça, sans que je me dise : « Je dois écrire une chanson là-dessus. » Je dirais presque qu’elle s’est écrite toute seule, car elle s’est imposée à moi de manière si naturelle que je n’ai même pas l’impression que c’est moi qui l’ai écrite ! Effectivement, la notion du temps a toujours été hyper importante dans mon écriture et dans ma façon de penser. Je crois que ma génération a une notion du temps assez particulière, dans le sens où on a pris l’habitude que tout aille très vite. On vit dans un monde où tout est très rapide et se trouve parfois dénué de sens. On accorde beaucoup d’importance à la vitesse et à la performance et il arrive qu’on perde un peu la qualité au profit de la quantité, ce qui peut s’avérer très anxiogène. Prendre le temps, c’est quelque chose que je dois apprendre car je ne l’ai pas beaucoup pratiqué dans ma vie. Quand je prends du recul sur tout ce qui s’est passé dans ma carrière… [Elle s’interrompt.] En disant le mot « carrière », j’ai l’impression que ce n’est pas le bon mot et qu’il est encore trop tôt pour l’employer…

Et pourtant si, vous avez déjà derrière vous une belle carrière…

Oui, peut-être que je peux dire ce mot (rires)… Bref, quand je regarde en arrière concernant cette carrière, c’est assez fou de réaliser que ça s’est passé en peu de temps, finalement. Alors c’est rassurant de se dire que, quand il y a des blessures ou des endroits où ça coince, ce n’est parfois qu’une question de patience pour que ça aille mieux. Ça a été vraiment mon leitmotiv à des moments où, dans ma vie, y compris au-delà de mon métier et de mon existence publique, j’ai été très angoissée. Comme tout le monde, j’ai des peurs et je me pose beaucoup de questions. Je me suis donc accrochée à cette phrase : « Le temps fera les choses« , car c’est parfois la dernière des solutions. Le dernier recours pour les chagrins, c’est le temps. Voilà, c’est un peu le principe de cette chanson.

Le trio Angèle, Kavinsky et Phoenix sur Nightcall lors de la cérémonie de clôture de Paris 2024.

Même si je suis très anxieuse, et que, par conséquent, je prépare les choses en amont, j’essaie de pas trop réfléchir à ce qui va arriver.” Angèle

Vous avez joué trois soirs de suite à New York et, en mai 2023, vous vous produirez à la Wembley Arena de Londres. Comment vous y êtes-vous préparée mentalement et physiquement ?

Je crois que je suis quelqu’un qui vit vraiment dans le présent. Même si je suis très anxieuse, et que, par conséquent, je prépare les choses en amont, j’essaie de pas trop réfléchir à ce qui va arriver. Je pense déjà beaucoup et parfois même trop. Donc, tout ce qui n’est pas vraiment de mon ressort et tout ce que je ne peux pas maîtriser, j’essaie en général de pas y penser. Il m’arrive même d’être un peu dans le déni. Je ne me suis pas vraiment préparée mentalement à cette tournée aux États-Unis, parce que je le voyais avant tout comme une opportunité, un plus, plutôt que comme un moment où je devais prouver quoi que ce soit. Et heureusement que je l’ai vue ainsi, parce que je suis plutôt agréablement surprise des retours du public. Je n’avais pas d’attentes particulières, si l’on compare aux attentes que je pourrais avoir en France, par exemple. Je ne suis pas partie ici en étant stressée et en me disant : « Là, c’est le moment où je dois jouer ma carrière. » Donc ça, déjà, c’est assez cool. 

Comment êtes-vous perçue dans les pays anglo-saxons ?

Je n’en sais rien (rires). Nous nous demandions vraiment quel public nous allions voir ici, parce que nous avons joué dans une multitude de salles différentes, de taille plus ou moins vaste selon les villes. Et encore, là, ce n’est pas fini parce que je suis assez curieuse de voir quel sera le prochain public que nous croiserons. Mais en tout cas, jusqu’à présent, j’ai observé que le public était assez mélangé. Ce ne sont pas que des Français ou des francophones. Ce qui constitue une bonne surprise parce que je me disais avant de débuter ces concerts : « Est-ce que j’ai un autre public que les Français ou que les francophones ? » Et la réponse est oui, donc je suis déjà contente. Parfois, il y a des gens dans la salle qui ne parlent pas du tout français, qui ne comprennent pas les textes, et qui sont en train de regarder Google Translate pour les déchiffrer. Il y en a qui ont des liens avec la francophonie et qui sont en train d’apprendre le français ou qui ont envie de l’apprendre. Je crois qu’ici, mon travail est apprécié pour le côté européen et pour les textes en français qui ont du sens. Ce sont les retours qu’on me fait le plus. On me parle beaucoup de l’image et des textes, et comme c’est ce que je veux véhiculer, ça me va très bien. 

Est-ce que le fait d’être appréciée par un public non francophone, et donc, d’être adoubée au-delà de la barrière de la langue est quelque chose de libérateur ? 

Oui. Ça revient à la question de la pression, finalement. Il y a moins de pression dans le fait de jouer à New York ou en Angleterre que de jouer devant mon public belge ou français, parce que mon public de toujours pourrait avoir des attentes particulières et que j’ai envie de le garder. Je suis très attachée à la relation privilégiée que j’ai avec les premiers et les premières personnes qui étaient là dès le début et qui continuent de me suivre. Mais cela crée quelque chose de très intense au niveau des attentes, et ce, des deux côtés. Jouer aux États-Unis, c’est juste une opportunité et une chance de trouver un public qui ne va pas forcément tout comprendre, mais qui sera content d’être là, et d’avoir fait le chemin de venir jusqu’au concert, alors même qu’il ne comprend pas mes paroles.

Angèle – 95 Tour ❤️ Plus de sens (223).

Il faut avoir un minimum envie de plaire pour faire ce métier.” Angèle

Dans le clip de ce nouveau single, que vous avez réalisé aux côtés du chorégraphe Mehdi Kerkouche, vous vous essayez à la danse contemporaine avec une femme plus âgée…

J’aime le fait que, dans ce clip, je m’essaie à une pratique que je ne maîtrise pas. Je ne suis pas du tout une danseuse contemporaine, mais j’ai toujours aimé danser, et je danse lors de mes concerts. Pour cette vidéo, je me suis laissée porter par Mehdi Kerkouche et par Amy Swanson, la danseuse avec laquelle je partage cette chorégraphie et qui possède une expérience folle. Les semaines passées à travailler autour de ce clip m’ont tellement nourrie que ça valait le coup de sortir de ma zone de confort et de me mettre, peut-être, en danger. D’ailleurs, j’ai l’impression que quand les gens voient quelqu’un qui n’est pas forcément à sa place dans un domaine, ça crée un malaise et une sorte de refus du type : « Non, ce n’est pas bien. » Mais quand la fragilité est assumée, ça plaît. En tout cas, c’est quelque chose que j’aime bien voir, personnellement, et que j’aime bien montrer. 

Cette incursion dans la danse, comme vos rôles au cinéma, était-elle une façon de sortir de votre zone de confort qu’est la musique ?

J’ai récemment compris que j’aimais beaucoup me mettre en danger, alors même que je suis quelqu’un de très prudent. C’est paradoxal, mais j’aime bien l’aventure et je m’ennuie assez vite, donc je suis quelqu’un qui fait parfois des choses avant d’y réfléchir. Je suis dans le contrôle et très, très soucieuse, évidemment, de ce qu’on pense de moi. Sinon, je ne ferais pas ce métier. Parce qu’il me semble qu’il faut avoir un minimum de ça en soi, c’est-à-dire, avoir envie de plaire, pour faire ce que je fais. Sans que ce soit péjoratif, ni obsessionnel. J’ai envie de faire des choses qui sont esthétiques, jolies, qui me plaisent et qui peuvent inspirer aussi d’autres personnes au niveau artistique. Mais j’aime bien aussi l’idée de tenter des choses qui ne sont pas dans mes habitudes. Ce qui est drôle, c’est que je n’ai pas commencé dans la musique en étant tout de suite une grande chanteuse. Et j’apprends encore aujourd’hui à maîtriser ma voix, parce que je suis devenue chanteuse avant de savoir vraiment réellement chanter. J’ai commencé à chanter dans des clubs de jazz et puis, plus tard, il y a eu Bercy. Entre-temps, il y a du chemin parcouru.

Vous avez quand même toujours eu une voix unique…

J’ai beaucoup appris en faisant et sous le regard des autres. Et j’aime bien cette idée-là, parce que j’apprécie que l’évolution puisse être visible. Sinon, on n’est plus qu’un produit et tout ce que l’on fait est parfait et millimétré. Des projets comme ça, il en existe, mais c’est peut-être la partie de la musique populaire que j’aime le moins. Quand elle n’est pas fragile et qu’il n’y a pas de marge de progression, la pop m’intéresse moins.

Angèle – Démons (2021) feat. Damso.

Je me souviens très bien quand j’ai reçu la piste audio de Fever la première fois. Je me suis dit que c’était un méga tube.” Angèle

Beaucoup de personnes, en dehors de la France et de la Belgique, vous ont connue grâce au morceau Fever, chanté en duo avec Dua Lipa, qui a été l’hymne du confinement et du déconfinement. Cela a-t-il aidé à créer un lien très fort avec le public étranger ?

Je ne sais pas, mais ce qui est certain, c’est que cette chanson a été vraiment un cadeau parce que ça faisait un petit moment qu’on discutait avec Dua. Pendant tout le confinement, on s’était échangé pas mal de messages car son équipe était venue vers la mienne pour évoquer une collaboration. Je me souviens très bien quand j’ai reçu la piste audio de Fever la première fois. Je me suis dit que c’était un méga tube et que c’était une opportunité incroyable. L’expérience de travailler avec une artiste comme elle et avec une équipe comme la sienne m’a apporté autant personnellement que professionnellement, ainsi, évidemment, qu’un nouveau public. Quand j’étais à Coachella, je réalisais le chemin parcouru, et je sais que Fever a été un véritable déclencheur et m’a aussi ouvert des portes. Ce que je trouve génial, c’est que je reçois assez souvent des messages de gens qui me disent avoir entendu Fever un peu partout dans le monde. C’est cool parce que dans Fever, il y a quand même beaucoup de mots en français. 

Vous avez joué au festival de Coachella. Comment avez-vous vécu cette expérience dantesque ?

Déjà, j’étais déjà tellement contente d’être programmée ! Je n’y étais jamais allée en tant que spectatrice et j’étais super curieuse de ce que ça allait donner. Le concert en soi, ce n’était pas du tout le concert le plus facile de ma vie. Ce n’était pas facile parce que nous n’avions pas sur scène les mêmes moyens techniques à Coachella qu’en France. C’était un set plus court, c’était filmé en live et c’était Coachella, donc c’était vraiment stressant. Du coup, j’ai fait de la méditation avant de monter sur scène et je me suis dit : « En fait, je n’ai pas d’autre choix que de kiffer, parce que c’est le seul truc sur lequel j’ai du contrôle. » Tout le reste, notamment les gens qui sont là, je n’avais aucune prise dessus, alors que d’habitude, je suis quelqu’un qui aime bien avoir le contrôle, tout avoir en main… Je suis assez control freak ! Mais quand je n’ai pas le contrôle dès le départ, ça me permet parfois, paradoxalement, de lâcher prise plus facilement. 

Si on me lance un drapeau LGBT, peu importe où je me trouve, je vais le porter et le montrer.” Angèle

Lors de votre live à Coachella, vous vous êtes enroulée dans le drapeau gay en chantant le titre Ta reine, qui parle de l’amour entre deux femmes. Un message fort lorsque l’on sait que le propriétaire du festival a donné de l’argent à des organisations anti-LGBT… Quel message essaierez-vous de faire passer lors de votre live à Wembley à Londres ?

Mon message ne sera pas différent à Wembley, à Coachella ou à Poitiers. Mon concert ainsi que les textes de mes chansons restent les mêmes. Le spectacle sera le même. Parfois, il prendra une autre dimension selon les endroits, mais les paroles seront toujours là. Ta reine ou Tu me regardes parlent de couples de lesbiennes, ce qui fait partie de mon histoire et de ma vie. Donc, il me paraît évident que si on me lance un drapeau LGBT, peu importe où je me trouve, je vais le porter et le montrer. Et évidemment, mes textes féministes et engagés font partie des textes qui ont été les plus entendus, écoutés et les plus importants à la fois dans ma carrière, mais aussi dans ma vie.

Comme Balance ton quoi

Balance ton quoi, c’est une chanson qui a changé ma vie. Elle retranscrit mon éveil féministe qui a commencé en plein #MeToo, en même temps que pour beaucoup de monde, je pense. J’avais déjà plein de notions féministes auparavant parce que j’ai la chance d’avoir une maman qui m’a inculqué plein de valeurs. Mais l’actualité m’a permis d’ouvrir les yeux sur ce problème inhérent à notre société, sur le patriarcat et sur l’urgence qu’il y avait à faire quelque chose.

Dua Lipa, Angèle – Fever (2020).

Pouvoir chanter Balance ton quoi dans des salles de plusieurs milliers de personnes, de tout genre, de tout âge, c’est très puissant.” Angèle

Comment est né le tube Balance ton quoi ?

J’ai écrit les premières lignes comme ça, dans ma chambre, mais je n’imaginais pas que ces lignes-là allaient me permettre de faire des rencontres, de réaliser le clip de Balance ton quoi avec Charlotte Abramow, qui a été quand même un grand moment de ma carrière, mais aussi de ma vie, parce que j’ai appris plein de choses. Et puis, aujourd’hui, c’est une chanson qui me suit et qui reste un grand moment des concerts à chaque fois, parce que c’est un moment de fête, et aussi de pouvoir. Le mot en anglais, sonne bien mieux que celui en français, mais je vais quand même le dire : il s’agit d’ »empouvoirement. » Pouvoir chanter cette chanson dans des salles de plusieurs milliers de personnes, de tout genre, de tout âge – des enfants comme des grands parents et des ados –, bref des personnes de tout bord, c’est très fédérateur et puissant.

Vous avez foulé le tapis rouge du Met Gala 2023 dans une sublime robe Chanel. Et Sofia Coppola a posté une photo de vous, sur son compte Instagram, à vos côtés… 

Effectivement, au Met, on rencontre des personnalités qu’on est très heureux de voir comme Sofia Coppola, que j’avais déjà rencontrée et qui était venue à l’un de mes concerts. La possibilité de faire connaissance avec des personnes comme elle est une sacrée opportunité. Mais en fait, au Met Gala, tu ne rencontres que des gens qui sont très très connus, donc, au bout de quelques minutes, ça devient presque normal… Je ne pensais pas du tout que ça m’arriverait un jour de fouler ce tapis rouge. Comme pour Coachella, le fait d’être invitée me semble déjà tellement énorme et inattendu, qu’avant de me rendre à l’évènement, j’étais déjà comblée. Donc, le simple fait d’y être constitue pour moi un événement en soi.

Mahmood, Angèle – SEMPRE / JAMAIS (2024).

J’ai vécu de véritables ‘ups and downs’, qui auraient pu être dangereux pour ma santé mentale.” Angèle

Que représente pour vous le Met Gala ?

Le Met est un rendez-vous très particulier qui ne ressemble à rien de ce que j’ai fait auparavant. C’est vraiment prestigieux, mais à l’américaine. Ils mettent le niveau très haut. Du coup, tu es obligé de te laisser guider et de te laisser aller une fois sur place. Ce qui surprend, c’est qu’on est seul au Met Gala, sans nos équipes et sans management, livré à soi-même en un certain sens. Le fait que ce type d’expériences n’arrive pas souvent rend la chose rigolote. Ce truc du tapis rouge constitue certes un événement public dont tout le monde parle, ce qui implique de la pression. Mais personne ne m’attendait à cet endroit-là, ce qui permet de relativiser.

Qu’est-ce que l’Angèle de 28 ans dirait à celle de 14-15 ans, qui n’avait peut-être pas la même assurance que celle d’aujourd’hui…

J’ai l’impression d’être en thérapie (rires). En fait, l’Angèle de 14-15 ans menait une vie relativement pépère. Je lui dirais simplement : « Vis ta vie et ne te pose pas trop de questions. » Parfois, j’aimerais plutôt parler à celle de 21 ans qui a commencé à foncer et à prendre beaucoup de risques. Je n’étais pas toujours bien entourée, que ça soit dans ma vie personnelle ou pro. J’ai alors vécu de véritables « ups and downs », qui auraient pu être dangereux pour ma santé mentale. Je crois que tout j’ai depuis travaillé là-dessus, mais parfois, j’aimerais bien retourner la voir et lui faire un câlin et lui dire : « Tu gères. » À l’époque, j’aurais eu besoin d’être rassurée sur ma légitimité à faire ce métier et que l’on me dise : « Go. Si tu sens que ta place est là, fonce et essaie de mettre tout en place pour faire quelque chose de bien et qui a du sens, qui soit artistiquement cohérent, avec des textes en lesquels tu crois. Fais le max pour que tu aies assez de place et que tu ne te sentes plus illégitime. Pour résumer : « Essaie de te rendre légitime en faisant quelque chose qui a du sens. » Voilà à peu près ce que je lui dirais…

Sempre / Jamais (2024) d’Angèle et Mahmood, disponible.