19 mai 2020

Le rappeur Yung Lean évoque Willy Wonka, la drogue et la mort

Un mois après son live donné depuis le port de Stockholm, à l’arrière d’un camion, le rappeur suédois sort un quatrième album léché, plus éthéré que jamais. Parmi les titres brumeux de l’opus, on retrouve notamment le très bon “Starz”, single éponyme réalisé en collaboration avec Ariel Pink. 

23 ans. C’est l’âge qui semble être le plus prolifique pour faire de la musique aujourd’hui. Yung Lean, lui, rappe depuis qu’il en a 14. En à peine neuf ans de carrière, le jeune artiste suédois a sorti quatre albums, trois mixtapes et le triple de singles. En tête de la mouvance cloudrap, – une musique évanescente peu conventionnelle –, le jeune chanteur cartonne sur Internet et son nom figure désormais à côté de ceux de Frank Ocean, Travis Scott, Kid Cudi ou Gucci Mane. Sorti vendredi dernier, son quatrième opus Starz vient confirmer un succès fulgurant.

 

Un style suave maîtrisé

 

Fort de son expérience avec son groupe Sad Boyz – créé avec ses amis suédois Yung Sherman et Yung Gud – et de ses nombreuses collaborations à l’international, Yung Lean avance désormais avec assurance. Plus contrôlé que jamais, et produit par son propre label Whitearmor, l’album donne l’impression que son auteur a définitivement trouvé sa voie. Des titres courts et percutants, voilà la recette du succès du jeune rappeur qui avait explosé l’algorithme de Youtube en 2013 avec son clip Ginseng Strip 2002. Et alors que le rap se fait souvent le lieu de la virilité et des gros muscles, Yung Lean, lui, préfère un air de garçon triste meurtri dans sa chair. Une position peu commune qui lui a notamment valu d’être raillé par ses confrères.

 

Mais si certains jugent sa musique trop molle, on ne peut nier au garçon une originalité sincère. Sombres et éclectiques, ses productions invoquent tout un imaginaire brumeux fait de trips cyniques et de lamentations. Sur le galvanisant My Agenda – certainement le titre le plus énergique de l’album –, il rappe d’une voix rauque en évoquant Willy Wonka et ses visions hallucinatoires, la ville de Boston, la drogue et la mort. Rejoint par l’actrice française Christa Theret pour son clip en noir et blanc, son univers étonnant est à décrypter de loin, ses références restant parfois nébuleuses. 

Alors que le rappeur nous avait habitué à une esthétique lo-fi désinvolte, il revient ici avec des productions assurées, signe de son évolution et, peut-être, de sa sortie de l’adolescence. Déjà, après la mort de son manager américain Barron Machat en 2015 et alors qu’il était lui-même en cure de désintoxication, le Suédois s’était évertué à sortir des titres réfléchis, dont les paroles ressortaient d’un exercice cathartique évident. Sur Starz, une maturité nouvelle se fait sentir. La suite semble prometteuse.

 

Fort d’une atmosphère suave et engourdie, Yung Lean surprend parfois par le mélange de rythmes et d’influences, comme dans Hellraiser, neuvième titre de l’album. Mix étonnant entre trap, sons pop et envolées plus douces, le morceau est à l’image de l’artiste : polymorphe. Des seize chansons de l’album – dont Boylife in EU, sorti en février dernier –, sa collaboration avec l’américain Ariel Pink est le morceau le plus long et certainement celui qui correspond le mieux aux ambiances tristes du Suédois. En somme, même si l’on peut parfois entendre des sons abrasifs sur Starz – entendre ici l’album et non le titre éponyme –, Yung Lean se perfectionne ici dans son univers complexe de jeune rappeur émotif et alangui, une figure inhabituelle mais salvatrice pour le monde du rap. 

 

Starz – Yung Lean. Disponible sur toutes les plateformes de streaming.