Kraftwerk, des pionniers de la musique électronique à la Philharmonie de Paris
Véritables pionniers de la musique électronique, les deux membres de Kraftwerk étaient surnommés “robots” bien avant les Daft Punk. Les Allemands Ralf Hütter et Florian Schneider-Esleben s’emparent de la Philharmonie de Paris pour une série de concerts exceptionnels du 11 au 13 juillet 2019.
Par Yasmine Lahrichi.
En 1968, un étrange duo se forme au sein d’une classe d’improvisation du Conservatoire de Düsseldorf. Florian Schneider est flûtiste et violoniste, Ralf Hütter, lui, préfère les claviers. Nés en Allemagne au milieu des années 40, les deux hommes assistent toute leur jeunesse à la reconstruction de leur nation, ravagée par la Seconde Guerre mondiale.
Au début des années 70, au cœur de ce chantier dantesque, ils s’abandonnent à la mouvance krautrock – un sous-genre du rock progressif – et montent le groupe Kraftwerk, qui signifie littéralement “centrale électrique”. Fortement influencé par la ville de Detroit (Michigan), Kraftwerk reprend le flambeau de la “Motor City”, berceau de la musique électronique qui a vu naître Juan Atkins et Kevin Saunderson et transforment leurs compositions. Pionniers du genre outre-atlantique, les Kraftwerk 2.0, transforment le style de Détroit : une version allemande froide, métallique et automatisée.
Dès 1974, les membres de Kraftwerk connaissent un retentissement mondial et sont sacrés empereurs de la musique électronique. Long de 22 minutes, le premier titre de leur quatrième album Autobahn prédit l’avenir du genre : des œuvres structurées, une accumulation de samples, des lignes de basse qui s’élèvent en crescendo, des voix transformées par un dispositif électronique. Résultat ? Une musique extraterrestre façonnée à l’aide de boîtes à rythmes, de séquenceurs et de synthétiseurs. Mais le groupe, à l’image des Daft Punk, demeure discret. Ce qui ne l’empêche pas de se produire en concert et de livrer plusieurs albums successifs (Computer World en 1981, Electric Café en 1986) jusqu’aux années 2000 qui marquent son retour triomphant.
Parce que leur univers est riche en références esthétiques, les Kraftwerk se revendiquent davantage comme des “designers musicaux” que des compositeurs ou des musiciens. Passionnés par les arts visuels, ils conçoivent leurs albums en s’inspirant d’esthétiques propres à certains artistes : l’opus Electric Café emprunte aux cubistes des lignes striées, tandis que Tour de France (2003) reprend les couleurs des affiches de Georges Mathieu pour la compagnie aérienne Air France. Bien introduit dans l'intelligentsia artistique et scientifique, le groupe collabore fréquemment avec des intellectuels comme le peintre et chercheur en intelligence artificielle allemand Emil Schult.
L’empreinte qu’a laissée Kraftwerk sur la culture populaire reste phénoménale voire décisive. Et de nombreuses personnes se revendiquent héritiers du groupe : David Bowie – dont le titre Warszawa de 1977 limite les paroles à trois phrases et met les synthétiseurs en exergue – Depeche Mode, OMD, Jean-Michel Jarre, Coldplay… Témoins directs de la révolution numérique, depuis la création des premiers ordinateurs jusqu’aux Smartphones, Kraftwerk traduit, à travers sa musique et ses paroles, un monde qui serait soudainement devenu logique, clinique et cynique, pour reprendre les termes de Supertramp dans leur Logical Song de 1980.
Kraftwerk en concert à la Philharmonie de Paris les 11, 12 et 13 juillet.