Kanye West : son “Jesus is King” sacré meilleur album de musique chrétienne
Pour son neuvième album studio sorti en 2019, Kanye West avait abandonné le hip-hop au profit du gospel. Long de 26 minutes, “Jesus is King” est un album minimaliste dont on ressortait avec un goût de trop peu : il a été sacré “Meilleur album de musique chrétienne contemporaine” lors de la 63e cérémonie des Grammy Awards, le dimanche 14 mars.
Par Alexis Thibault.
Vendredi 25 octobre 2019. Il est 18 heures en France lorsque Kanye West révèle enfin son neuvième album studio. Le rappeur mégalomane autoproclamé meilleur artiste de l’histoire vient d’invoquer le Christ et délivre ses fans avec miséricorde. Sur la jaquette de Jesus is King, un simple vinyle bleu électrique qui s’empare immédiatement des réseaux sociaux. Chacun y va alors de son commentaire. Ses fidèles déplorent un somnifère gospel produit à la va-vite. D’autres se soumettent une énième fois à l’élu, faiseur de hits formidables. Kanye West avait pourtant prévenu, ce nouveau projet n’est pas un album de hip-hop. Malgré tout, il lui aura fallu 12 heures pour faire exploser Spotify, un braquage en règle qui a enregistré 35 millions d’écoutes. Un peu plus d’un an plus tard, son opus a été sacrée “Meilleur album de musique chrétienne contemporaine” lors de la 63e édition des Grammy Awards, à Los Angeles.
Jesus is King est un album inégal que l’on abordait avec fermeté à sa sortie. Parce qu’il n’est pas le projet d’un jeunot. Il déçoit et surprend, frustre mais satisfait. Mais on le juge avec sévérité pour plusieurs raisons. D’abord parce que Kanye West est un musicien bipolaire hors pair qui multiplie les sorties de route : ralliement à Donald Trump, propos polémiques sur l’esclavage, concert réduit à 15 petites minutes… Ensuite parce qu’il a fait monter la sauce pendant des mois. Initialement prévu fin septembre 2019, l’album a été décalé jusqu’au dernier moment pour arranger les mix de Follow God, Water et Everything We Need. Enfin parce qu’il tient son Sunday Service chaque dimanche depuis le mois de janvier et réunit un chœur d’une vingtaine de chanteurs vêtus d’une tenue monochrome Yeezy, fruit de sa collaboration avec Adidas. Le débat sur le jugement d’une œuvre à l’aune de son créateur est ancestral : Kanye West n’échappe pas à la règle.
La plateforme Apple Music décrit Jesus is King comme suit : “Touché par la grâce divine, Yeezus fait communier rap et gospel.” Kanye West relègue le hip-hop au banc de touche et prend une décision irrévocable, fini le bonhomme vulgaire et méchant. Plus de gros mots, plus de porno (une addiction qu’il traîne depuis un bout de temps) et une remise en question timide de l’American Way of Life. L’ex-beatmaker du label Roc-A Fella s’en remet à Dieu et débite donc des banalités chrétiennes pendant 26 minutes. Le premier des 11 titres de Jesus is King introduit le Sunday Service Choir et pose les bases, promis juré c’est un album de gospel.
Né au XVIIIe siècle et issu du terme “godspell” (évangile), le gospel apparaît au sein de la communauté afro-américaine en même temps que le blues. En se développant, il intègrera divers éléments de la soul. Quasiment profanes de nos jours, ces chants hérités des esclaves noirs transmettent des valeurs universelles et fédératrices telles que l’amour, le partage ou la quête de spiritualité. Donc Kanye West ne rate pas le coche si l’on s’en tient à la définition. Néanmoins, celui qui a participé à la réintroduction de la soul dans le hip-hop livre avec Jesus is King des explosions de cuivre de 45 secondes : le morceau Jesus Is Lord aurait pu tourner 12 fois d’affilée en concert mais, coupé violemment, ne génère que de la frustration. On retient aussi les triolets endiablés d’On God, les hurlements salvateurs du violoncelle de Hands On et Everything We Need partagé avec Ty Dolla $ign. Les fulgurances de ce projet minimaliste sont efficaces parce qu’elles condensent les éléments attendus chez Kanye West.
Jesus Is King de Kanye West, disponible.