Joviale, la chanteuse ultra sensible qui chante l’ouragan Katrina

« Laissez-vous emporter par mon souffle, mon rythme et mon cœur. Prenez du plaisir dans le coup de fouet de cette collection” lance la chanteuse londonienne de 24 ans lors de la sortie de son nouvel EP, Hurricane Belle. Dans la bouche de Joviale, “prendre du plaisir” sonne comme un impératif. Car pendant trop longtemps elle s’est sentie vulnérable et a lutté contre un immense tract. C’est finalement un instrument de musique qui la sauve, en 2019, lorsqu’elle apprend à jouer de la guitare. Elle affronte enfin l’anxiété qui la rongeait tout ce temps, notamment dans son EP, Crisis, sorti en septembre 2019 : “Je pense que la première chose à faire quand on fait face à l’anxiété c’est d’admettre que cela devient une anxiété…” Depuis, sans faire fi de son passé gorgé de timidité, elle est devenue cette musicienne céleste qui apporte un regard neuf sur la pop.

 

 

En écoutant les titres de son nouvel EP, on fait un détour dans les tréfonds de son propre for intérieur, comme un travail d’introspection subtilement orchestré par ses chansons. En effet, Hurricane Belle sorti le 2 mai et produit par Bullion (le pseudonyme de Nathan Jenkins un producteur et parolier anglais) est un ensemble de quatre titres qui creusent les moments de désarroi, de trouble, à travers une pop hypnotique. Sa voix y est légère, furtive, et s’ajoute aux synthétiseurs, aux cordes pincées et aux cuivres du producteur. La britannique témoigne de son intérêt croissant pour les arts visuels et la création d’expériences multisensorielles. Car Hurricane Belle s’inspire de l’exposition Hurricane Bells de Peter Shenai, lors de laquelle l’artiste contemporain a coulé cinq cloches en laiton calquées sur la structure de l’ouragan Katrina, qui a frappé en 2005 le sud des Etats-Unis. Elles représentent cinq moments instantanés de l’ouragan, du Golfe du Mexique à son arrivée sur la terre ferme, proche de La Nouvelle-Orléans. Ces cloches produisent une série de résonances permettant à ceux qui les frappent de ressentir la fréquence exacte du son de la phase de l’ouragan. Mais dans son EP, il n’y a aucune tempête, aucune maison disloquée, pas de sentiers battus par la force des rafales de vent. Non, rien de tout cela : seulement une tempête émotionnelle.

 

 

 

 

Sa musique est à son image : des pensées mélancoliques, des voix qui oscillent entre rage et retenue. Là est sans doute la magie de la musique : être nourrie par des intérêts distincts, des passions dévorantes. Dans le titre phare de l’EP, “Glass Peach”, les mélodies évoquent une résonance douce-amère avec un piano doucereux. Dans le clip qui l’accompagne, la sensualité et le chaos s’entremêlent subtilement et la chanteuse danse sur scène, ouvertement libre, comme si elle s’abandonnait à elle-même dans un rêve d’une nuit sombre et chaude. La caméra se trouble et suit l’artiste avec brutalité dans un patchwork de blanc et de gris. On l’aperçoit, sans réellement la voir. Comme si sa timidité reprenait soudainement le dessus.

 

 

Née en 1995, Joviale a appris la guitare à l’école secondaire. Mais elle préférait s’intéresser à l’écriture d’un journal qu’elle s’évertuait de nourrir de poèmes, de nouvelles et de scénarios. Mettre des mots sur ses pensées, interroger sa conscience, questionner son intimité, voilà ce qu’elle s’efforçait déjà de faire. “J’écrivais tout le temps et dès que j’ai commencé à mettre de la musique dessus, ça a commencé à s’écrire tout seul », explique-t-elle. Joviale préfère se laisser bercer par ses propres divagations pour que la chanson s’écrive d’elle-même. Pour ne jamais en prendre le dessus. 

 

Hurricane Belle de Joviale disponible depuis le 21 mai