Jamila Woods, la nouvelle queen du R’n’B made in Chicago
Repérée après ses collaborations avec Chance The Rapper en 2015, Jamila Woods a récemment dévoilé son nouvel album : “Legacy ! Legacy !”. Un hommage à tous les artistes qui l’ont inspirés. Entre brûlot politique et album de R’n’B ultra moderne, ce nouvel opus confirme le statut de la chanteuse : une figure emblématique de Chicago.
Par Anna Prudhomme.
fzf
Pommette saillante, regard étincelant sous un masque de Catwoman, Jamila Woods incarne une superhéroïne dans son clip Eartha. Sortie le 4 avril dernier, cette vidéo réalisée par la poétesse pakistano-kashmirienne Fatimah Asghar rend hommage à Eartha Kitt, artiste performeuse intransigeante engagée dans la lutte contre les discriminations.
À 29 ans Jamila Woods signe son grand retour avec un deuxième album : Legacy! Legacy ! La musicienne afro-Américaine célèbre les grandes figures qui l’ont inspirée, héritage culturel qu’elle partage avec fierté, un patronyme en guise de titre pour chacun de ses morceaux. Ainsi, le peintre Basquiat (Jean-Michel) côtoie la chanteuse Betty (Davis), l’artiste Frida (Kahlo) ou encore (Nikki) Giovanni – Jamila Woods s’inspire notamment de son poème Ego Tripping (1971). Parmi les treize titres de cet album, Zora, qui met à l’honneur l’écrivaine américaine Zora Neal Hurston, est le premier à avoir été révélé à travers un clip. Au cœur de l’austère banque d’archive artistique de Stony Island, dans sa ville natale de Chicago, la chanteuse prône la fin des stéréotypes. Un discours à propos puisque le lieu renferme la “black littérature” classique qui fascine Jamila Woods depuis sa jeunesse.
Jamila Woods a plus d’un atout pour séduire. D’abord, son sourire ravageur. Ensuite, son CV en béton armé : diplôme de la Brown University (Rhode Island) en poche, elle publie The Truth About Dolls en 2012, recueil de poèmes et véritable ode à la féminité. Elle en enregistre une version audio dans la foulée. De retour dans son fief, elle intègre l’organisation Young Chicago Authors, une association qui soutient la voix de la jeunesse. Les figures emblématiques de la “Windy City”, telle la poétesse afro-américaine Gwendolyn Brooks ont insufflé à Jamila Wood un militantisme éclatant. Dans son récent album, en filigrane, on retrouve ses préoccupations féministes.
À la fois délicate et puissante, la voix nuancée de la chanteuse s’allie parfaitement aux sonorités jazz de ses compositions, ses paroles engagées n’en demeurent que plus ardentes.
Troisième ville la plus peuplée des États-Unis, et véritable melting-pot, Chicago demeure un catalyseur intellectuel. C’est ici que Jamila Woods a rencontré Chance The Rapper, jeune rappeur activiste. De 2015 à 2016, les deux artistes dévoilent les morceaux Sunday Candy et Blessings. Carton immédiat. Jamila Woods enchaîne sur un premier album solo, HEAVN, qui se classe 36e du top album du magazine Pitchfork. Jamila Woods s’affirme. Façonnée par la chorale de son église, son esthétique musicale en est restée fortement imprégnée. À la fois délicate et puissante, la voix nuancée de la chanteuse s’allie parfaitement aux sonorités jazz de ses compositions, ses paroles engagées n’en demeurent que plus ardentes. Paradoxalement, ses vocalises délicates injectent une forme de légèreté aux sujets sensibles qu’elle aborde.
Mais pourquoi Jamila Woods compose-t-elle ? La réponse est immédiate : “Ma mission est de créer un art utile”. Un art qui motive, affirme, et diffuse des valeurs d’amour, de respect et de fierté, mais aussi un art qui témoigne, philosophe, revendique et exige avec force. Les mots de la jeune chanteuse transforment son R’n’B langoureux, en véritable arme politique face à une Amérique de plus en plus sectaire.