26 oct 2018

“Honey” de Robyn est-il l’album pop de l’année ?

Huit longues années après son dernier disque, la chanteuse synth pop et icône queer Robyn revient avec Honey, épaulée par le brillant Joseph Mount de Metronomy. Un disque de rupture étincelant qui impose la Suédoise comme l'une des artistes pop qui manient le mieux l'alliance tubes dance imparables et émotions humaines.

Vertiges émotionnels

 

À 39 ans, Robyn a réussi un tour de force. Non seulement, le nombre de ses tubes est mirobolant, mais tous recèlent quelque chose de spécial. Proches des sentiments exaltés par les hits de New Order, Kylie Minogue et ABBA, les chansons de Robyn sonnent comme des hymnes synthétiques profondément humains qui touchent en plein cœur et résonnent avec la propre existence de chacun. À la fois remuants et mélancoliques comme une nuit alcoolisée qui s'étire de club en club, ils donnent envie de danser, la larme à l'œil mais le cœur vaillant. Que ce soit Dancing On My Own, With Every Heartbeat, Call Your Girlfriend ou Show Me Love, tous font partie de ces morceaux médicaments qu'on écoute pour se motiver quand le monde extérieur nous déçoit. Et qui donnent l'énergie de continuer. Ce n'est pas pour rien que Lena Dunham a donné à Dancing On My Own un rôle central dans une scène, devenue culte, de sa série Girls. Et ce n'est pas par hasard non plus que l'actrice Gillian Jacobs, égérie Netflix, s'est récemment postée en vidéo sur Instagram en train de danser toute seule comme une folle sur Robyn, pour tenir le rythme sur les tournages. Le nombre de commentaires de followers qui s'idenfiaient à elle laisse entrevoir à quel point les mélodies dance de Robyn jouent un rôle crucial et cathartique dans nos vies.

Une personnalité attachante

 

La Suédoise a beau avoit trusté plusieurs fois le sommet des charts, notamment en 1997 avec Show Me Love ou une apparition dans la série Gossip Girl, elle reste discrète. Elle a débuté sa carrière à 16 ans en Suède. Et rencontrait déjà le succès en 1995 avec Do You Really Want Me (issu de son premier LP Robyn Is Here). Après une tournée aux États-Unis aux côtés des Backstreet Boys en 1997, elle rentre épuisée au pays avec ordre médical de prendre du repos. Un an après, son puissant My Truth joue cartes sur table en racontant la vie intime de la star, notamment un avortement secret et inquiète sa maison de disques. Robyn s'impose dans le paysage pop comme une artiste intègre qui n'a jamais cédé aux sirènes du formatage, continuant à apporter sa vision en collaborant avec des artistes mais sans œillères (Snoop Dogg, Yelle, Joseph Mount de Metronomy, The Knife, Röyksopp). Et en montant son propre label, Konichiwa Records, elle se hisse en modèle de femme indépendante pour beaucoup de jeunes filles rebelles. En 2004, dans un geste punk que sa coupe courte blonde immuable laissait présager, elle envoie valser son label de toujours (RCA) à cause de désaccords. Depuis, elle produit elle-même sa musique. Ce n'est pas un hasard si Madonna, autre grande diva des dancefloors peu encline aux compromis, l'a prise sous son aile.

Un disque à son image

 

Honey aurait pu facilement s'appeler Honest. À une époque embarquée à une vitesse folle où on sort des disques à la chaîne pour faire continuellement parler de soi, attendre huit ans pour publier un nouvel album prouve à quel point Robyn est une artiste sincère qui fonctionne à l'inspiration. Entre Body Talk et Honey, Robyn a vécu une perte difficile : la disparition de son ami et collaborateur Christian Falk, et une rupture amoureuse (avec le réalisateur de clips Max Vitali, qu'elle aurait récupéré depuis). Elle s'est aussi consacrée à la méditation et s'est aventurée dans des collaborations expérimentales. Résultat ? Une dance pop complexe, existentielle, que la blonde décrit comme de la “soft ecstasy” sans qu'on sache si elle parle de drogue ou d'extase sensuelle. Cette dernière est bien là, l'euphorie naissant du mix parfait avec cette voix à la fois puissante et fragile, des nappes épiques d'arpeggiator et des textures aventureuses. Meilleur exemple de la formule magique élaborée notamment avec Joseph Mount de Metronomy et digne du meilleur de la house et de la new wave ? Le single Missing U qui transforme le sentiment de manque en envie irrépressible de dévorer le monde, de gravir des montagnes et surtout d'appuyer à nouveau sur play une fois le morceau fini. Pour danser comme si demain – et le reste du monde – n'existait pas… Avec Honey, notre lune de miel avec Robyn n'est pas près de s'arrêter.