Ennio Morricone, le génie des musiques de films, fait ses adieux avec une rétrospective à la Cinémathèque
Une rétrospective à la Cinémathèque française et une ultime date de tournée à Paris le 23 novembre célèbreront la fin de la carrière du compositeur des films de Sergio Leone comme Le Bon, la Brute et le Truand. Portrait d’un maestro populaire et avant-gardiste.
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Véritable acteur de la période d’“âge d’or” de la musique originale au cinéma, Ennio Morricone n’a cessé de se régénérer par de nouvelles collaborations éclectiques tout au long de ses cinquante-cinq ans de carrière. À tout juste 90 ans, le célèbre compositeur italien s’apprête à monter sur scène pour une soirée d’adieu le 23 novembre prochain à l’AccorHotels Arena. Au même moent, une rétrospective à la Cinémathèque française, du 21 au 26 novembre, cherchera à mettre en perspective les différents langages et visages d’un génie dont l’inspiration personnelle et l’œuvre au cinéma ont su défier le temps qui passe. Avec près de 500 musiques de films au compteur, Ennio Morricone s’inscrit comme l’un des derniers géants de la musique de film toujours actif, tout comme le compositeur français Michel Legrand (Les parapluies de Cherbourg en 1964, La piscine en 1969… ) ou l’américain John Williams (Les dents de la mer en 1975, La liste de Schindler en 1993… ). Le compositeur italien a imposé son empreinte en usant d’instruments originaux (guitare électrique, flûte de pan…) et en insérant dans les musiques des voix humaines, des imitations de bruits d’animaux, le tout accompagné d’un traditionnel orchestre symphonique. “Si la musique d’Ennio Morricone est si populaire, c’est tout simplement parce qu’il est l’héritier de l’opéra italien : Morricone est le Verdi du cinématographe. Il n’est pas seulement un grand musicien de cinéma, il est un grand musicien tout court”, souligne le cinéaste Francis Girod pour lequel Ennio Morricone composa Requiem à l’acide sulfurique pour le film Le Trio Infernal en 1974.
“Je collabore uniquement avec les cinéastes avec lesquels je peux développer un rapport humain.”
Des créations musicales pour des films réalisés par des scénaristes italiens et internationaux de renom furent le quotidien du compositeur italien né à Rome en 1928. Trompettiste de formation comme son père, c’est à l’Académie nationale de Sainte-Cécile, dans la capitale italienne, qu’il joue ses premières gammes avant de s’orienter vers la composition et la direction d’orchestre en 1954. Il est embauché à la Rai, une chaîne de télévision italienne, en 1958 pour laquelle il fait des arrangements musicaux. Il signera ses premières bandes originales au cinéma sous les pseudonymes Leo Nichols ou Dan Savio pour ne pas dénoter dans les génériques des films américains. Des travaux remarqués qui inciteront les réalisateurs à lui faire confiance, il débute officiellement avec II federale de Luciano Salce en 1961. “Je collabore uniquement avec les cinéastes avec lesquels je peux développer un rapport humain. C’est dans la franchise que naissent les rapports de confiance. Sans confiance partagée, mieux vaut ne pas travailler ensemble. J’ai abandonné certains metteurs en scène et j’en suis désolé parce que, parfois, ils étaient doués. Au contraire, si je sens que le réalisateur aime ma musique, a besoin de moi, de mon enthousiasme, alors je suis à mon tour stimulé et cela provoque très vite des idées”, explique-t-il.
“Mon travail de compositeur, au cours du siècle passé et du siècle présent, est plutôt ambigu. Dans le sens où je n’écris pas uniquement ce que l’on appelle la musique absolue… mais aussi de la musique de film, c’est-à-dire de la musique appliquée. Ces deux démarches sont profondément différentes. Car la musique appliquée est au service d’un auteur, le metteur en scène. Alors que la musique absolue est conçue selon les propres idées du compositeur.”
Un duo mythique avec le réalisateur Sergio Leone, l’ami avec qui il traînait déjà enfant dans le quartier de Trastevere à Rome, renforce et scelle sa créativité artistique. Ennio Morricone collabore avec lui dès 1964 pour une dizaine de westerns aux bandes originales incontournables, entres autres : Et pour quelques dollars de plus en 1965, The Ecstasy of gold dans Le bon, la brute et le truand en 1966 ou encore Il était une fois dans l’Ouest en 1968. Des œuvres populaires auxquelles Ennio Morricone ne veut être réduit. Lui, qui a exploré des genres cinématographiques très riches aux côtés des scénaristes italiens tels que Bernardo Bertolucci (Partner en 1968), Gillo Pontecorvo (Queimeida en 1968) ou Elio Petri (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon en 1970). A l’international, son travail musical s’exporte avec succès : Le clan des Siciliens d’Henri Verneuil en 1969, Le trio infernal de Francis Girod en 1974, Chi Mai dans Le Professionnel de Georges Lautner en 1981, The Mission de Roland Joffé en 1986, Les incorruptibles de Brian de Palma en 1987 et plus récemment Les huit salopards de Quentin Tarantino en 2015 pour lequel il reçoit son premier Oscar de la meilleure musique de film en 2016.
Ennio Morricone n’a jamais délaissé pour autant ses compositions personnelles ou “composition absolue”. "Mon travail de compositeur, au cours du siècle passé et du siècle présent, est plutôt ambigu. Dans le sens où je n’écris pas uniquement ce que l’on appelle la musique absolue… mais aussi de la musique de film, c’est-à-dire de la musique appliquée. Ces deux démarches sont profondément différentes. Car la musique appliquée est au service d’un auteur, le metteur en scène. Alors que la musique absolue est conçue selon les propres idées du compositeur ", explique-t-il. Il a d’ailleurs composé plusieurs œuvres de concert comme un concerto n°1 pour orchestre en 1957 et une Messe pour le pape François en 2015. Chef d’orchestre aguerri, Ennio Morricone a entamé une gigantesque tournée d’Adieu depuis plusieurs mois et réalisera son ultime tour de chant à Paris le 23 novembre prochain. Le maestro sera accompagné d’un chœur de plus de 75 chanteurs et de l’Orchestre National Symphonique Tchèque pour jouer et interpréter ses plus grands succès. Un programme qui s’annonce tout aussi envoûtant que nostalgique, à l’image de sa dernière prestation parisienne en septembre 2017 qui avait engendré trois rappels de la part d’un public conquis.
Une Masterclass est prévue à 20h le 22 novembre à la Cinémathèque française. Elle lancera le coup d’envoi de la rétrospective dédiée à l’artiste jusqu’au 26 novembre prochain.