Earthgang : le duo culte d’Atlanta revient avec un nouvel album et des featurings cinq étoiles
Le duo d’Atlanta défend son cinquième album, Perfect Fantasy, un disque tout droit sorti d’un jeu vidéo qui convie une flopée de stars dont Pharrell Williams, Snoop Dog ou Damon Albarn.
Par Alexis Thibault.
Earthgang : le hip-hop afrofuturiste d’un duo venu d’Atlanta
C’est un jour comme un autre à Atlanta… La capitale du nouveau Sud voit encore des enfants inonder ses rues par dizaines lorsque sonne la fin des cours. On joue à la marelle, on saute à la corde, on se bagarre pour pas grand chose et on dévalise la confiserie du coin. Accoudés à leur fenêtre, Olu Dakarai et Eian Parker constatent que la quasi totalité des gosses du quartier sont noirs. Et comme tous les écoliers candides, ils suivent eux aussi du regard chaque berline aux jantes XXL qui s’impose sur le boulevard. Tout le monde rêve de se l’offrir cette bagnole.
Les deux hommes ne sont pas envieux. Après tout, ils ont réussi leur vie, n’est-ce pas ? En 2008, alors qu’ils n’ont même pas vingt ans, ces étudiants passionnés de jazz, de yoga et des samples loufoques de MF Doom fondent le duo Earthgang et disparaissent alors sous les pseudonymes Olu et WowGr8. The Better Party (2010), leur premier EP, sortira à peine deux ans plus tard. Suivront deux mixtapes puis Shallow Graves For Toys, en 2015, premier album de hip-hop underground fabuleux qu’il convient d’écouter sur des enceintes de qualité en poussant le volume à fond.
Le ton est donné. La musique du duo sera toujours un espace de jeu inspiré par son enfance. Pendant des années, Olu et WowGr8 façonneront un hip-hop anachronique tout droit sorti de Dune ou du Cinquième Élément, empruntant régulièrement à Outkast son extravagance maîtrisée. À coups de synthétiseurs et de voix filtrées façon mégaphone, Earthgang souligne les ecchymoses d’une Amérique fracturée et revendique son appartenance à l’afrofuturisme, courant littéraire et artistique des seventies qui met en relation les cultures africaines et afro-américaines en utilisant différent éléments de SF.
– Votre musique est tellement riche qu’elle semble parfois abstraite ?
– C’est une sorte de nébuleuse lointaine. Un tétraèdre aussi désordonné que le monde réel. Nous sommes sortis de l’école très tôt, sans prévenir. Comme si notre oncle préféré était venu nous chercher à l’improviste en criant : “Allez, on se casse d’ici.” Tout, dans notre vie, nous a mené à cette musique.
Pharrell Williams, Damon Albarn, Little Dragon… le casting cinq étoiles de l’album Perfect Fantasy
Nommé aux Grammy Awards en 2020 – meilleure performance rap pour Down Bad avec J. Cole, JID, Bas et Young Nudy –, puis en 2021 – meilleure chanson R’n’B pour Collide avec Tiana Major9 –, le duo d’Atlanta ne décrochera finalement pas le précieux sésame. Peut-être une nouvelle tentative avec Perfect Fantasy, leur cinquième album studio, disponible depuis le 29 octobre.
Au casting, une flopée de stars : Damon Albarn, charismatique leader du groupe britannique Gorillaz, la formation suédoise Little Dragon, Snoop Dog, T-Pain ou encore Pharrell Williams. Et sur la plupart des morceaux, on retrouve évidemment les membres de Spillage Village, collectif qu’Olu et WowGr8 ont eux-même fondé en 2010 et qui compte dans ses rangs la chanteuse Mereba ou les rappeurs JID et 6lack.
La plupart des morceaux de ce nouvel opus ont été composés pendant la pandémie. Objectif d’Earthgang ? Éliminer les choses superflues pour être plus efficace, plus percutant, et tenter de nouvelles choses. Quant à la pochette de l’album, elle représente leur amour du gaming. Nostalgie d’une jeunesse où la créativité était encore libre et sans contrainte.
– Quelle est la chose la plus difficile à gérer dans l’industrie musicale ?
– L’algorithme, mec. L’algorithme.
– Que voulez-vous dire par là ?
– Cela ne va jamais dans le sens de l’art. Il est indispensable de publier sa musique sur les réseaux sociaux, mais pourquoi est-ce que nous mettrions tout cela sur une plateforme qui n’est même pas vraiment conçue pour la musique ? Nous vivons une époque frustrante. Vous vous retrouvez à rivaliser d’inventivité pour attirer l’attention de gens qui publient du contenu sur les chiens ou rénovent une voiture. Ce matin, nous avons appris à créer un énorme tambour sur les réseaux sociaux, sans aucune raison… et le pire, c‘est qu’on a trouvé ça vraiment génial.
Perfect Fantasy d’Earthgang, disponible.