Depeche Mode au Stade de France : 9 choses à savoir sur le groupe culte
À l’occasion de leur concert incendiaire au Stade de France, à Saint-Denis, ce samedi 24 juin, retour sur la grande histoire (et les petites histoires) du groupe britannique culte Depeche Mode, qui a récemment sorti un nouvel album mélancolique et cathartique, Memento Mori.
par Violaine Schütz.
1. Depeche Mode : pourquoi un nom de groupe français ?
Contrairement à ceux qui passent des heures à “brainstormer” pour trouver le meilleur nom du monde, Dave Gahan, le chanteur du groupe britannique de musique électronique, de rock et de new wave Depeche Mode, a décidé à toute vitesse celui de son groupe. Quelques minutes avant un concert, l’organisateur lui demanda au téléphone quel était le nom du groupe. Sur une table, face à lui, était posé le magazine français (disparu depuis) Dépêche Mode. Ironie du sort ? Le groupe, lui, est devenu tout sauf une mode éphémère.
2. Des débuts difficiles
Difficile à croire, vu le succès qu’il a rencontré par la suite, mais pendant la genèse du groupe, de 1977 à 1980, les premières compositions de Depeche Mode furent toutes refusées par les maisons de disques à cause de l’utilisation exclusive de synthétiseurs et de son influence majeure : Kraftwerk. En effet, nous étions alors encore en pleine période punk au Royaume-Uni, et les guitares électriques faisaient la loi.
3. Le petit mensonge du claviériste Alan Wilder
En 1982, pour être recruté aux claviers par le groupe, le claviériste Alan Wilder (alors âgé de 22 ans) a dû tricher sur son âge, car l’annonce publiée dans le journal anglais Melody Maker exigeait “un homme de moins de 21 ans”. Depuis, tous ont largement dépassé l’âge de la maturité. Et Alan Wilder a quitté DM en 1995.
4. Des paroles au sens caché
Alors que beaucoup pensent que la musique de Depeche Mode, était, au commencement du groupe, des bluettes synthétiques hédonistes (à l’image de l’addictif, jubilatoire et rudimentaire Just Can’t Get Enough) seulement destinées aux dancefloors, le propos était en fait beaucoup plus profond. Ainsi, le tube Everything Counts (1983) évoque avec ironie les abus du capitalisme et des majors du disque avides d’argent et corrompues. Autres thèmes de prédilection du groupe : l’amour, la religion, le désir, le sexe, les relations humaines, le péché, l’immoralité et l’ennui… Bref, la vie. Quant à la sublime Never Let Me Down (1987), elle n’évoque pas un ami fidèle, mais la drogue à laquelle Dave Gahan a, un temps, été accro.
5. La réinvention de Depeche Mode par le photographe Anton Corbijn
Au départ qualifié de “garçons coiffeurs” en raison des tenues colorées et des mèches excentriques arborées par ses membres, le groupe réinvente son image en 1986. Il demande alors au photographe hollandais Anton Corbijn de lui donner plus de densité. Résultat ? Les clips et les photographies en noir et blanc d’Anton Corbijn, qui puisent chez Wim Wenders et chez Werner Herzog, ajoutent une aura sombre et magnétique au groupe. DM acquiert ainsi une profondeur métaphysique proche du gothique. Il faut, pour s’en convaincre, mettre la main sur le sublime livre de photos Depeche Mode by Anton Corbijn, édité par Taschen.
6. Une esthétique SM et des minijupes Jean Paul Gaultier
Comme le Velvet Underground avant eux, les membres de Depeche Mode ont joué avec l’imagerie sadomasochiste. Les titres Master and Servant (1984) et Behind the Wheel (1987) montrent un certain goût pour l’esthétique 50 Shades of Grey bien avant l’heure. Sans compter les minijupes en cuir, dessinées par Jean Paul Gaultier, du compositeur Martin Gore, et les pantalons en cuir de Dave Gahan, qui ajoutent encore une dose de sex-appeal à l’affaire.
7. Un hommage à Elvis Presley
L’un des plus grands tubes de Depeche Mode, Personal Jesus (1989), qui a été repris de façon crépusculaire par Johnny Cash, dénote la volonté du groupe de mixer l’âme sauvage du rock’n’roll et l’efficacité martiale de l’électronique. L’inspiration du titre vient de Martin Gore, qui avait lu dans une biographie consacrée à Elvis Presley que sa femme Priscilla Presley l’appelait “mon Jésus personnel”.
8. Dave Gahan, un leader génial et torturé
Dans les années 90, Dave Gahan devient accro aux drogues et souffre d’être considéré, au sein de son groupe, comme moins important que celui qui compose, Martin Gore. En 1995, Dave Gahan se tranche les veines dans une chambre d’hôtel de Los Angeles. Il en réchappe de justesse mais l’année suivante, après une overdose, il est déclaré mort pendant deux minutes. Le chanteur approche aujourd’hui de l’âge de la retraite, mais affiche encore de très beaux restes. Mais il semble toujours torturé.
En 2007, alors qu’il sortait son album solo Hourglass, le chanteur nous confiait ses doutes, toujours présents : « Quand j’écris une chanson, je commence toujours par écrire sur quelque d’autre, mais en fait, c’est toujours de moi qu’il s’agit au final. Je dois agir autrement, changer ma façon de penser, car c’est dur d’être proche des gens. Je me suis dégoûté très longtemps moi-même, et les gens me disaient, mais tu n’es pas aussi mauvais que tu penses l’être. » Il ajoutait : « Une fois que tu as écrit un disque, il n’est plus à toi. Tu dois alors parler du disque en interview, mais je lutte toujours pour être compris, et j’ai peur de ne l’être. Le mot Hourglass (« sablier » en français), ça signifie que dans une vie, il faut recommencer toujours et encore. »
9. Des bêtes de scène en concert au Stade de France
Depeche Mode a très vite rencontré un succès massif, joué dans des stades aux États-Unis et fait entrer un grand nombre de ses morceaux dans les top 10 des charts, dans les années 80. En mars 1990, lors d’une journée promo à Beverly Hills, 20 000 fans veulent rencontrer leurs idoles. Un désir qui dégénère en quasi-émeute. Les vitres du disquaire où le groupe attend sont cassées, des hélicos ainsi que la police sont sollicités et le groupe est évacué. Quelques blessés sont décomptés.
Des années plus tard, le groupe déchaîne toujours les passions. Nous étions au concert du groupe au Stade de France, à Saint-Denis, ce samedi 24 juin 2023 et on a pu constater, pendant plus de deux heures de show, que Depeche Mode n’avait pas perdu de sa superbe. Malgré le deuil (le cofondateur de la formation, Andrew Fletcher, est décédé l’an dernier) délivre une partition à la fois mélancolique, élégante et vivifiante, alternant tubes d’autrefois (Never Let Me Down, Enjoy the Silence, Just Can’t Get Enough) et perles synthétiques mélancoliques issues de leur dernier album, Memento Mori, sorti en mars 2023. Les moments de communion, où le public, béat et ému a les bras levés et des étoiles dans les yeux, sont nombreux, les hymnes fédérateurs toujours aussi efficaces et les déhanchés de l’incandescent Dave Gahan, aussi troublants que jouissifs. Le dandy en gilet de soie qui tournoie avec une énergie folle reste l’une des bêtes de scène les plus impressionnantes du rock, de la new wave et la synthpop. Et l’une des plus belles voix de ces genres musicaux. Il s’agit aussi d’un acte de bravoure et d’un sacré défi pour DM. Ce soir-là, pas de danseurs, ni de projections vidéo, ni de confettis, ni de lévitation… Ce qui est devenu rare pour un concert de stade. Depeche Mode prouve ainsi, devant 70 000 spectateurs extatiques, qu’on peut assurer à grande échelle un show sobre et puissant, où la seule pyrotechnie est celle contenue dans les timbres de Dave Gahan et Martin L. Gore et les synthés.
Memento Mori (2023) de Depeche Mode, disponible.