29 avr 2020

Comment la Canadienne Jessy Lanza électrise la musique

Nominée au prestigieux Polaris Prize canadien pour son premier album “Pull My Hair Back”, la musicienne Jessy Lanza a depuis sorti “Oh No”, un deuxième opus ambitieux, mêlant électro, pop et R’n’B. De retour récemment avec deux singles, “Lick in Heaven” et “Face”, la Canadienne annonce la sortie ce 24 juillet d’un troisième album “All The Time”. En l'attendant, retour sur une ascension portée par sa pop électrique audacieuse et irrésistiblement dansante.

Quelques jours seulement avant que la fête ne devienne un plaisir interdit, la musicienne Jessy Lanza se produisait à la Boule Noire, une petite salle de concert parisienne. Sur scène, la Canadienne se produit avec son synthé, en solo ou accompagnée seulement d’une batteuse. Sa voix robotique électrise étrangement les foules (encore petites certes, mais enflammées) et ses paroles métalliques s’entremêlent avec des rythmes lo-fi saccadés qui rendent sa musique étonnamment réconfortante. Si celle qui devait se lancer dans une tournée européenne cette année a malheureusement été stoppée dans son élan – et c’est bien dommage –, elle vient cependant de dévoiler un nouveau titre, Face, deuxième extrait de son troisième album dont la sortie est prévue pour la fin juillet. L'occasion de revenir sur ce qui a fait sa singularité.

 

Une voix prometteuse dans le paysage de la pop

 

Dans un entretien pour le magazine Pitchfork, l’artiste confiait à propos de son nouveau single Face avoir écrit “des paroles imaginant des personnes qui ont entre elles des conversations télépathiques. Les questions qu’elles se posent sont tantôt sexuelles, tantôt conflictuelles”. À la fois sensuelle et abrupte, la musique de Jessy Lanza pourrait bien être la pop la plus acclamée de demain. De ses premiers concerts au début des années 2010 à Hamilton, petite ville industrielle du Canada, naît une collaboration fructueuse avec Jeremy Greenspan, cofondateur du groupe d’électro pop Junior Boys. Ensemble, ils produisent pour le label Hyperdub le premier album de l’artiste Pull My Hair Back. Le succès est immédiat. Reconnue meilleure découverte de l’année 2013 par le magazine XLR8R, Jessy Lanza étonne par la maturité de son univers musical, à la croisée des genres. Parfois plus électro que pop, ses morceaux invoquent des influences R’n’B qui font entendre sa voix haut perchée sous des litres de synthé ondulants et aérés.

 

Rappelant parfois le timbre éthéré de la chanteuse anglaise FKA Twigs – entendue dernièrement sur l'album surprise de Donald Glover – ou encore les mélodies saccadées espacées par de nombreuses respirations que chante Christine and the Queens (dont les hoquets eux-mêmes sont très inspirés par Michael Jackson), Jessy Lanza bouscule pourtant autrement l’univers actuel de la pop. Osé et intriguant, son spectre musical semble ne se limiter à rien d’autre que ses explorations électriques. Sur son deuxième opus Oh No, sorti en 2016, la musicienne prend un tournant épileptique avec des chansons comme Going Somewhere ou encore I talk BB, qui convoque aussi bien les ambiances tendues des compositions de John Carpenter que celles plus foisonnantes de French 79

Une tension nerveuse à fleur de peau

 

Au moment de l’écriture de son deuxième album, l’artiste nage en pleine angoisse liée à ce qu’elle pense être une intoxication de l’air. La région autour d’Hamilton est à cette époque placardée de panneaux gouvernementaux prévenant la population d’un éventuel agent cancérigène au sein de leurs maisons. Déjà prompte à l’anxiété, elle s’entoure alors de dizaines de plantes tropicales, réputées pour leurs vertus purificatrices. Servant davantage de placebo qu’autre chose, celles-ci seront néanmoins présentes en filigrane dans ses morceaux à venir et s’inviteront même sur sa pochette d’album. Percussions, chants d’oiseaux, renflements lointains et cotonneux y évoquent un voyage dans une jungle hyptnotisante. Avec cet album, la chanteuse réaffirme sa fascination pour les rythmes typiques des années 90, piqués d’acid house et d'une disco minimaliste. Semblable à une très jeune Madonna, Jessy Lanza exprime avec sa musique une force intérieure folle, dont l’expression se mue en cris d’énergie diaphanes.

 

Alors que l’absence de la musicienne commençait à se faire ressentir, celle-ci a dévoilé en janvier dernier un single très attendu, Lick in Heaven. Plus doux que ses envolées électro précédentes, il se dote également de quelques allures vintage qui invoquent une pop furieusement dansante. Si l’on en croit la chanteuse, ce morceau est né d’une colère indescriptible. Mais peu de musiciens actuels savent faire sonner la rage aussi joyeusement que Jessy Lanza. Entraînante et acidulée, la chanson se hisse au rang des titres les plus réconfortants de l’année et laisse entrevoir un troisième album de qualité. 

Si plusieurs dates de ses concerts ont malheureusement été annulées, la chanteuse devrait toutefois se produire en septembre et en octobre entre le Canada et les Etats-Unis. Quand au festival des Nuits Sonores, auquel elle devait participer en mai à Lyon, un communiqué de presse a annoncé hier qu’il n’aurait finalement pas lieu. Cependant, la musicienne a offert à son public une heure de DJ set en live depuis son canapé le 31 mars dernier, et la sortie prochaine de son troisième album, dans lequel figureront les singles Face et Lick In Heaven, est une perspective réjouissante dans ce contexte incertain.

 

Jessy Lanza, All The Time, sortie le 24 juillet sur les plateformes de streaming.