Blondie réédité : le mythe rock en 3 chansons iconiques
À la fin du mois d’août, le groupe de rock-pop-punk new-yorkais Blondie, né dans les effervescentes années 70, sortait un imposant coffret collector intitulé Against the Odds 1974-1982. Le bel objet, décliné en vinyles et CD, réunit les six premiers albums (remastérisés) de la formation emmenée par la très glamour Debbie Harry, ainsi qu’une flopée d’excellents inédits et de versions alternatives de leurs tubes. L’occasion de revenir sur trois chansons fabuleuses qui ont façonné le mythe.
Par Violaine Schütz.
1. L’hymne disco féministe « Heart of Glass » (1978)
Sorti en 1978 sur l’excellent troisième album de Blondie, Parallel Lines, et l’année suivante, en single, Heart of Glass est le tube qui a assuré au groupe une renommée mondiale « mainstream », même s’il s’était déjà fait remarquer avec des titres accrocheurs comme X-Offender (1976). Elle s’est hissée, en 1979, à la première place des charts aux États-Unis, en Allemagne ou encore en Grande-Bretagne. Pourtant, les sonorités disco du morceau ont été perçues par les fans de la première heure de Blondie comme une trahison venant d’une formation affiliée au mouvement punk et new wave. Le groupe a même été accusé de vendre son âme au diable en voulant séduire les radios avec une ritournelle synthétique et « pop(ulaire) ». Au-delà de la polémique, la chanson, portée par des paroles puissantes et ultra modernes, était pour Deborah Harry, la chanteuse iconique du groupe qui l’a écrite, un hymne féministe.
Elle déclara en effet à son sujet : « J’en avais marre d’entendre ces chanteuses pleurer sur leur sort, se plaindre de leurs amants et des malheurs que ces derniers leur causaient… J’ai voulu leur dire qu’il faut parfois savoir partir et laisser les pauvres types là où ils sont ! » Le message d' »empowerment » fait toujours mouche puisqu’on ne compte plus les reprises – plus ou moins heureuses – de ce tube, de Paris Hilton à Miley Cyrus en passant par Lily Allen, Yseult, Camélia Jordana, Laurent Voulzy, Arcade Fire, Nelly Furtado et même la mannequin Gisele Bündchen. On a aussi entendue cette chanson sensuelle illustrer une scène culte de La nuit nous appartient (2007), de James Gray avec Joaquin Phoenix et Eva Mendes et s’immiscer dans la bande-son des Derniers Jours du disco (1998) de Whit Stillman et du blockbuster House of Gucci de Ridley Scott.
2. L’incursion avant-gardiste dans l’univers du hip-hop Rapture (1980)
Parue en 1980 sur l’album Autoamerican de Blondie, avant d’être publiée en 45 tours l’année suivante, Rapture est une chanson essentielle dans l’histoire de la musique. C’est en effet le premier morceau de rap à atteindre le sommet des charts outre-Atlantique. Tout est parti de la rencontre de la chanteuse Debbie Harry et du guitariste Chris Stein avec l’artiste de graffiti et pionnier de la culture hip-hop Fab Five Freddy, à New York. C’est lui qui leur fait découvrir les « block parties » qui ont lieu dans le Bronx et dans lesquelles mixe le DJ et producteur culte Grandmaster Flash.
Épatée par l’énergie qui se dégage de ces fêtes de voisinage, la muse d’Andy Warhol et sa bande se lancent dans la composition d’un morceau disco-funk, qui va intégrer une partie rappée par la rock star aux airs de pin-up. Pour mieux leur hommage, elle mentionne même les noms de Fab Five Freddy et Grandmaster Flash, ce qui va amener un plus grand nombre de mélomanes à connaître leur univers hors du Bronx et de Brooklyn. Dans le clip, mythique, tourné dans l’East Village, on peut voir Debbie Harry marcher dans les rues parsemées de graffitis et y croiser Fab Five Freddy, Jean-Michel Basquiat, une enfant dansant en tenue de ballet et une chèvre. Avant des collaborations entre rap et rock telles que le tube Walk This Way (1986) de Run DMC avec Aerosmith, le morceau et le clip Rapture restent des gestes aussi avant-gardistes que fédérateurs. Un croisement entre les mondes qui prône l’ouverture d’esprit.
3. Le tube sexy Call Me (1980)
Sorti au mois d’avril 1980, le titre Call Me, qui mêle habilement disco, hard rock et new wave, est l’histoire d’un faux départ. Le producteur de disco italien légendaire et moustachu Giorgio Moroder avait demandé à Stevie Nicks, la leadeuse charismatique et chamanique de Fleetwood Mac de travailler avec lui sur une chanson destinée à figurer dans la BO du film American Gigolo (1980) avec Richard Gere. Mais en raison d’un contrat qui l’empêchait de collaborer avec le DJ, la chanteuse refusa la mission. Debbie Harry fit alors office de second choix de luxe.
Sur une démo instrumentale réalisée par Moroder et intitulée Man Machine (un titre qui fait penser à un morceau de Kraftwerk), Debbie Harry écrivit les paroles et imagina la mélodie addictive, en seulement quelques heures. Dans le texte très sexy, elle se met à la place d’un jeune homme qui se prostitue, réclamant des baisers et de l’argent. Le film American Gigolo raconte en effet l’histoire de Julian Kay, un escort de Los Angeles très prisé des femmes de la haute société. La dimension sulfureuse attachée à Call Me sera accentuée, en 2010, par une reprise électro du tube proposée par deux sex-symbols notoires des années 80 : Samantha Fox et Sabrina.
Against the Odds: 1974-1982 (2022) de Blondie, disponible en coffret CD, vinyle, et sur toutes les plateformes.