2 juil 2024

Le parcours sensationnel d’Amaarae, princesse déjantée à la voix d’enfant

Quatre ans après le succès de son premier album, l’artiste ghanéenne Amaarae poursuit son ascension et dévoile Roses are red, tears are blue – A Fountain Baby Extended Play, un nouvel EP qui poursuit son album de 2023. Tête d’affiche du festival Yardland, elle accompagnera également Childish Gambino lors de sa tournée internationale.

En 2020, Amaarae marque les esprits avec son premier album

Amaarae ce sont d’abord les gazouillement d’une voix fluette de cour de récréation en fin d’après-midi, telle une version sous Lexomil de Yolandi Visser, la pile électrique enragée du duo Die Antwoord. Amaarae c’est aussi une femme qui, en 2020, dissimulait sa silhouette sous une combinaison SM en cuir, parsemée de coquillages, dans le clip du titre Fancy, extrait de son premier album studio : The Angel You Don’t Know. À l’époque, elle y convoque tous les codes du hip-hop: vestes à paillettes, longs ongles vernis, équipe de bombes sexuelles aux fessiers salutaires et grosse cylindrée à faire pâlir les phallocrates. L’œuvre frémissante d’Amaarae est multicolore, à l’image des perruques rose fuchsia que des téléconseillères fictives arborent aussi dans Fancy, de ses cheveux arc-en-ciel coupés court et des sapes extravagantes qu’elle porte avec fierté, en digne héritière de Missy Elliott.

Sorti le 12 novembre 2020, The Angel You Don’t Know était sans aucun doute l’un des meilleurs albums de l’année. Dans ces 35 minutes d’“Afro pop”, on trouvait 14 morceaux dopés à la TNT qui captent l’essentiel du R’n’B moderne (du groove à la basse électronique grasse), des boîtes à rythme du Dirty South des années 80, et des ritournelles entêtantes de la pop contemporaine. Mais on aurait dû s’en douter, la jaquette bordélique aux couleurs criardes annonçait déjà la profusion d’influences. The Angel You Don’t Know convoque pêle-mêle le xylophone africain, un chœur d’enfants et la house sud-africaine (le fameux kwaito). S’il y a bien une chose que les artistes détestent – surtout les musiciens – c’est la comparaison. Mais il est bien délicat de décrire une œuvre sonore sans convoquer de références… Ainsi, Amaarae pourrait-être une nouvelle gosse de la scène “alté”, ce hip-hop underground nigérien dont le chanteur Burna Boy est devenu l’une des figures de proue.

Amaarae – “Sweeeet” (2024) extrait de l’EP “Roses are red, tears are blue – A Fountain Baby Extended Play”

Un nouvel EP intitulé Roses are red, tears are blue – A Fountain Baby Extended Play

Trois ans plus tard, ce sont des arpèges de harpe qui laissent présager une ballade doucereuse… Mais Amaarae surgit finalement entre les grosses cylindrés (encore) pour une conférence afro pop sur l’astrologie, évoquant Co-star, un réseau social américain fondé en 2017 fondé sur la concordance entre les différents signes du zodiaque. Le titre Reckless & Sweet annonce le disque Fountain Baby, nouvel opus de la musicienne, devenue égérie Mugler. Cette fois, il est question de sexe et de luxe. Tout un programme. Et les plans d’Amaarae ce poursuive puisqu’elle vient tout juste de dévoiler, le 28 juin, Roses are red, tears are blue – A Fountain Baby Extended Play, suite directe de son album de 2023. Sept titres exclusifs à la manière d’un EP – comme l’annonce le titre de l’opus – et, parmi eux, deux invités de choix : Naomi Sharon et 6LACK.

Amaarae – Disguise (2024) avec 6lack, extrait de l’EP “Roses are red, tears are blue – A Fountain Baby Extended Play”

Des réticences du public aux tournées internationales

C’est le Ghana qui a vu naître Ama Serwah Genfi en 1994, un pays d’Afrique de l’Ouest au climat tropical, situé sur le golfe de Guinée, où les forêts du sud côtoient la savane au nord. Née à Accra,  elle grandit dans le Bronx new-yorkais, à Atlanta pendant trois ans, puis quatre années dans la banlieue du New Jersey. Elle trainera tour à tour avec des Blancs et des Noirs (ces derniers moqueront d’ailleurs son accent africain), écoutera Billie Holiday comme les Red Hot Chili Peppers, chantera en anglais ou dans l’un des dialectes de son Ghana d’origine dans ses morceaux. Si elle compose pour la première fois à l’âge de 13 ans, il faudra attendre dix années supplémentaires pour découvrir Passionfruit Summer, son premier EP R’n’B sorti en 2017 – beaucoup plus paisible que son nouvel album. Le public ghanéen lui reproche toutefois d’emprunter une voie trop élitiste : la jeune femme n’est pas assez commerciale et la pluralité de ses influences déroute. Et puis sa coupe multicolore fait tellement jaser qu’elle en deviendra presque politique… La jeune femme s’affirme sans changer de cap, à l’image de Shatta Wale, son homologue ghanéen et roi du dancehall qui a tourné le dos à tous ses sponsors et refuse de se soumettre à qui que ce soit.

Malgré les réticences du public ghanéen, le style Amaarae fait déjà mouche. Elle est sacrée nouvelle artiste africaine favorite par Apple Music dans la foulée. Trois ans plus tard, l’album The Angel You Don’t Know sera son l’apogée de son émancipation. Bad bitch quand ça lui chante, Amaarae y rappe nonchalamment puis ses mots s’évaporent subitement pour laisser place à une ambiance rock des années 90. Si elle avait marqué les esprits en 2023, elle s’impose encore cette année pusiqu’elle sera l’une des têtes d’affiche du Yardland, festival du rap et de ses cultures les 6 et 7 juillet à l’Hippodrome Paris-Vincennes. Elle accompagnera également un certain Childish Gambino sur l’ensemble de sa tournée internationale qui débutera au mois d’octobre.

Roses are red, tears are blue – A Fountain Baby Extended Play d Amaarae, disponible.

En concert au festival Yardland (6 et 7 juillet) et en tournée avec Childish Gambino à partir d’octobre 2024.