Malcolm & Marie : que faut-il du film Netflix avec Zendaya ?
Premier film tourné pendant la pandémie à être montré au public, Malcolm & Marie raconte, à l’inverse d’une romance, le déchirement d’un couple. Avec Zendaya et John David Washington dans les rôles titres, Sam Levinson, le créateur d’Euphoria réalise une allégorie soignée des dégâts que peuvent causer l’enfermement dans une relation. Il est disponible dès aujourd’hui sur Netflix.
Par Chloé Sarraméa.
Même si leur maison est grande, Malcolm et Marie ne parviennent pas à s’éviter après une dispute. Lorsque l’un attaque l’autre, l’accusé encaisse, mutique, avant de surenchérir et d’incriminer le premier. Pour elle (Zendaya), le réquisitoire est dense. Son partenaire (John David Washington), cinéaste, vient de présenter son film à la presse et n’a même pas daigné la citer dans son discours de remerciements. Il n’a pas non plus avoué que le personnage principal de son histoire, une ancienne toxicomane squelettique, est largement inspiré de celle dont il partage la vie… Le pire dans tout ça, c’est qu’elle mourrait d’envie d’incarner ce rôle. Mais son bien aimé n’a pas envisagé une seconde de lui confier. Manque de reconnaissance, crise de légitimité, rivalité… C’est peut-être toujours le cas lorsqu’une actrice vit avec un metteur en scène. Jean-Luc Godard ou Noah Baumbach ne diraient pas le contraire.
Malcolm & Marie, un film pour raconter une époque
Comme l’un l’a fait dans Le Mépris (1963) et l’autre, un demi siècle plus tard, dans Marriage Story (2019), Sam Levinson s’attaque avec Malcolm & Marie, son troisième long-métrage, à l’épineuse question du narcissisme et de la jalousie dans un couple d’artistes. Et comme dans les deux films cités précédemment, ces ressentiments mènent à un point de non-retour, celui de la rupture imminente. Inspiré du propre vécu du réalisateur, qui avait oublié de remercier sa femme, Ashley Levinson, lors de la première d’Assassination Nation (2018), ce huis-clos en noir et blanc à l’esthétique ultra léchée signée Marcell Rév – n’oublions pas que Sam Levinson est le père d’Euphoria, une série à la photographie pop très stylisée du même chef opérateur – nous plonge au cœur des angoisses contemporaines : la surmédiatisation, entraînant une recherche perpétuelle d’authenticité et les tentations constantes, conséquences directes de ce que nous appelons aujourd’hui “l’ère de l’obsolescence programmée”.
De son côté, Malcolm, cinéaste afro-américain issu d’une famille de nantis qui ne jurent que par l’image, cherche constamment à tirer son épingle du jeu et cours après les critiques positives – et les comparaisons aux plus grands metteurs en scène – parce qu’il a passé des années à essuyer des échecs et à écrire des scénarios de commande. De l’autre, Marie, jeune femme pommée, s’est oubliée pendant des années dans la drogue avant d’enchaîner les conquêtes et les tromperies, comme coincée dans une boucle infernale où une addiction doit sans cesse en remplacer une autre. Et ce soir-là, c’est l’overdose : chacun balance à la figure de l’autre ses pires défauts, sans presque jamais laisser au spectateur le temps de souffler, ce dernier venant même à se demander si l’honnêteté n’est pas, elle non plus, un vilain défaut.
Une allégorie de l’enfermement
Et si le plus gros problème du couple n’était pas, en fin de compte, l’impossibilité pour chacun de s’isoler, de souffler et de prendre le temps de réfléchir à la relation ? Dans sa mise en scène, Sam Levinson – qui semble avoir écrit les disputes avec ses tripes – ne déroge pas à une règle : chaque interaction, chaque accalmie et chaque pleur se déroule à huis-clos, dans la sublime maison du couple toute en baies vitrées, qui finit par représenter leur cage dorée. Lorsque Marie accuse Malcolm (ou inversement), elle déverse son lot de reproches jusqu’à l’épuisement, puis vient ce moment de flottement où elle semble chercher où aller – ou qui appeler à l’aide. Mais c’est impossible. Elle rejoint donc la terrasse de la villa, hagarde, pour s’assoir sur un transat à côté de son compagnon.
Car à l’image de l’histoire qu’il raconte, celle d’un couple enfermé avec ses problèmes, Malcolm & Marie est né de l’incapacité à bouger de chez soi et donc, à réaliser un film. Écrit, produit et tourné entre avril et septembre 2020, en pleine pandémie, le long-métrage du créateur d’Euphoria – qui n’a d’ailleurs pas pu tourner la deuxième saison de la série à cause du Covid-19 et s’est rabattu sur la réalisation de deux épisodes spéciaux – est le tout premier “film confiné“ à être montré au public. Comme un hommage à tous les couples qui, en 2020 et encore cette année, ont dû continuer à partager le même lit alors qu’ils auraient préféré aller boire en terrasse pour oublier, Malcolm & Marie pose une question : est-il vraiment bénéfique de faire face à ses problèmes ? Ne serait-il pas nécessaire, parfois, de les fuir ?
Malcolm & Marie (2021) de Sam Levinson, disponible sur Netflix.