Alien : dans les coulisses de l’un des plus grands films d’horreur de l’histoire
Sorti en 1979, le deuxième film de Ridley Scott Alien, le Huitième passager a terrorisé les spectateurs et inspiré nombre de cinéastes. 45 ans plus tard, le nouveau film de Fede Álvarez, Alien : Romulus promet un retour aux fondamentaux. Actuellement en salle, il a, pour le moment, ravi les premiers curieux.
Par Alexis Thibault.
La scène incontournable du chestburster
Dans le vaisseau spatial Nostromo, l’espace le plus lumineux tient lieu de réfectoire. Réunis dans une salle immaculée – et dans un plan fixe – les sept membres d’équipage du cargo intergalactique partagent des aliments lyophilisés. Mais alors que les plats passent gaiement de main en main, l’officier Kane réprime une toux violente avant de cracher sur la table blanche. Son visage se fige. Il se tord de douleur comme si quelque chose lui tailladait les entrailles.
D’un calme assuré, ses compagnons l’allongent sur la table pour l’ausculter, mais le pauvre homme se met soudain à gesticuler en hurlant à s’en briser la voix. Puis le silence s’abat violemment. Une explosion sanglante vient de perforer la cage thoracique de Kane. La terreur est à son comble lorsque qu’une petite créature s’extirpe de son abdomen en déchirant sa chair, aspergeant la pièce d’hémoglobine. Le passager clandestin s’enfuit, sans que les témoins tétanisés n’osent le poursuivre…
Avant même que le film ne soit un projet sérieux, le scénariste Dan O’Bannon rêvait déjà de la scène du Chestburster. Un monstre dont le modus operandi terrifiant marquerait à coup sûr l’histoire du cinéma.
Le meurtre de l’astronaute par le Chestburster – littéralement “l’exploseur de poitrine” – se déroule en 2122. Mais les spectateurs découvrent la scène bien avant, en 1979, dans Alien, le huitième passager. Un chef-d’œuvre de tension et d’intensité signé Ridley Scott. Ce célèbre bain de sang est d’ailleurs l’un des principaux chapitres du documentaire d’Alexandre O. Philippe, Memory: The Origins of Alien, présenté en avant-première au Festival de Deauville, en 2019. Dans son film précédent, le cinéaste décortiquait la scène du meurtre de Marion Crane, poignardée sous sa douche par Norman Bates dans le Psychose d’Alfred Hitchcock. Cette fois, il passe Alien au crible et révèle les origines glaçantes du film américain.
Alien : le mythe avant l’horreur
Avant qu’Alien, le huitième passager ne décroche l’Oscar des meilleurs effets visuels, avant même que le film ne soit un projet sérieux, le scénariste Dan O’Bannon rêvait déjà de la scène du Chestburster. Un monstre dont le modus operandi terrifiant marquerait à coup sûr l’histoire du cinéma. Passionné de bande dessinée alternative, il participe à l’élaboration du long-métrage de son ami John Carpenter : Dark Star (1974). Un thriller SF kitsch devenu un navet culte. De fait, Dan O’Bannon s’inspire des comics des années 60 mais surtout de sa propre condition : il souffre de la maladie de Crohn, inflammation chronique du système digestif qui lui cause des douleurs abdominales insupportables… l’exploseur de poitrine en devient la métaphore.
Le projet n’a pas été vendu comme une odyssée spatiale mais comme un film d’épouvante. En témoigne l’accroche de l’affiche : “Dans l’espace, personne ne vous entendra crier.”
Avec le plasticien suisse Hans Ruedi Giger, il imagine un univers futuriste sombre, majestueux, et démesuré. Leurs sources d’inspiration sont multiples : les écrits de Lovecraft, le triptyque de Francis Bacon Three Studies for Figures at the Base of a Crucifixion (1944) et la mythologie grecque, notamment les Erinyes (ou Furies), ces divinités infernales qui poursuivaient les criminels parfois pour le compte d’Hadès. Au nombre de trois, ces créatures ailées symbolisent la Haine, la Vengeance et l’Implacable. L’Alien d’O’Bannon et Giger prendra plusieurs silhouettes plus ou moins ridicules – de la dinde au pénis – avant d’atteindre sa forme définitive. Ils accouchent finalement du Xénomorphe, prédateur ovipare féroce auquel il tente d’injecter une dose d’érotisme. Le fait qu’il “pénètre” ses victimes n’est d’ailleurs pas anodin…
Un équipage sans genre prédéfini
Le documentaire Memory : The Origins of Alien révèle en quoi Alien est “précurseur” : pour la première fois, une entité féminine (la créature sous sa forme embryonnaire) pénètre physiquement un personnage masculin, inversant les rôles du viol dans une scène de cinéma. Mais ce postulat crée un paradoxe. Car on apprend également que les membres de l’équipage du Nostromo ont été pensés sans genre déterminé lors de l’écriture du scénario. Sigourney Weaver, qui crève l’écran en incarnant le lieutenant Ellen Ripley – l’une des héroïnes les plus badass de Hollywood – a failli voir son rôle attribué… à un homme.
Ce n’est pas la première fois qu’un cinéaste terrifie dans le cosmos. En 1965, Mario Bava saisissait les spectateurs avec La planète des vampires.
Avec son deuxième long-métrage, Ridley Scott fait mouche. Alien est un véritable succès commercial : un peu moins de 3 millions d’entrées en France contre 700 000 pour Star Trek, le film, sorti la même année. Outre la qualité intrinsèque de l’œuvre qualifiée de “plus angoissant des thrillers futuristes” par Le Monde en 1979. Le projet n’a pas été vendu comme une odyssée spatiale mais comme un film d’épouvante. En témoigne l’accroche de l’affiche : “Dans l’espace, personne ne vous entendra crier.”
Alien: Romulus, un retour aux fondamentaux en 2024
Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un cinéaste terrifie dans le cosmos. Déjà en 1955, le Britannique Val Guest imaginait l’atterrissage en catastrophe d’un vaisseau de scientifiques dans la banlieue de Londres. Un seul des astronautes s’en sortait indemne et le professeur Quatermass remarquait alors que des lambeaux de chair humaine se multipliaient à l’infini dans la fusée sous l’action d’une étrange substance… Dix ans plus tard, le maître du giallo Mario Bava saisissait les spectateurs avec La planète des vampires, délire charmeur au scénario atroce fortement influencé par le pop art et véritable référence de la SF.
Le 14 août a marqué un retour aux fondamentaux. Le cinéaste uruguayen Federico Álvarez débarque avec Alien: Romulus, un nouveau long-métrage qui se situe entre le premier et le second film Alien. Au casting, on retrouve Cailee Spaeny, étoile montante d’Hollywood découverte dans Priscilla et Civil War (excellente dans son rôle de jeune minière qui cherche à rejoindre une planète plus clémente) mais aussi Archie Renaux (Shadow and Bone), et David Jonsson (Industry), qui crève l’écran en androïde dont la personnalité évolue selon les mises à jour de son logiciel. Le réalisateur de Don’t Breathe (2016) et Massacre à la Tronçonneuse (2022), succède ainsi à Ridley Scott, James Cameron, David Fincher, et Jean-Pierre Jeunet dans la liste des cinéaste ayant donné vie aux terribles monstres de l’espace…
Alien: Romulus (2024) de Fede Alvarez, avec Cailee Spaeny, actuellement au cinéma le 14 août. Memory: The Origins of Alien d’Alexandre O. Philippe, disponible.