Le couple Adam Driver/Scarlett Johansson se déchire
Nommé six fois aux prochains Golden Globes, présenté en avant-première à la Mostra de Venise – où le film concourait pour le Lion d’Or – et sélectionné en compétition officielle au Festival international du film de Toronto… “Marriage Story”, chronique sur un couple en plein divorce, a su séduire le cinéma mondial par sa sensiblité et sa sincérité. Il scelle l’entrée de son réalisateur, Noah Baumbach, dans le cercle des plus grands cinéastes contemporains. Le long-métrage est disponible sur Netflix depuis le 6 décembre.
Par Chloé Sarraméa.
Lorsque le juge aux affaires familiales frappe avec son marteau sur le petit socle en bois, la sentence est prononcée. Après dix ans de mariage, le couple formé par Charlie et Nicole appartient désormais au passé. Comme beaucoup d’enfants, leur fils Henry connaîtra la garde alternée, les sapins de Noël décorés dans deux salons différents et les anniversaires célébrés le jour même chez maman, puis une semaine plus tard chez papa. Le film de Noah Baumbach aurait pu débuter ainsi – en montrant comment la vie familiale éclate après un divorce. Mais la scène d’ouverture de Marriage Story est bien différente. Chacun leur tour, Charlie (Adam Driver) et Nicole (Scarlett Johansson) énumèrent en voix off ce qu’ils ont aimé et aiment encore chez leur partenaire. On s’attend à découvrir une belle et tendre histoire d’amour et… face à un psychologue spécialisé dans les thérapies conjugales, on découvre que ce couple d’artistes vit ses derniers instants.
La séparation d’Adam Driver et Scarlett Johanson en 2 heures 17 minutes,
Voilà ce que Noah Baumbach tente de montrer dans son neuvième long-métrage : si l’amour disparaît, que reste t-il ? Et la réponse se présente sous forme de liste : un contrat de mariage, un appartement à New York acheté à deux, des sommes d’argent à partager et un fils de huit ans ne comprenant pas pourquoi il ne peut plus s’endormir, bien installé au chaud, entre papa et maman.
Seulement quelques séquences sont nécessaires à Charlie (et au spectateur) pour voir le visage de Nicole se transformer. Il ne décèle plus aucune tendresse dans le regard de sa propre femme et leurs discussions sont aseptisées. Quant à leurs relations sexuelles, elle sont inexistantes. Après la séparation, les négociations avec les avocats véreux ne tardent pas, les disputes où l’on en vient aux mains se multiplient, et, in fine, les mariés finissent par se détester. Mais avec Marriage Story, Noah Baumbach rassure : divorce ne rime par toujours avec haine et mépris. D’autres issues sont possibles et, après l’amour, vient parfois l’affection : la fin d’une histoire peut être douce, certains gestes de tendresse peuvent perdurer (comme lorsque Nicole noue les lacets défaits de son ex-mari à la fin du film) et puisque l’amour est mort, il ne peut pas renaître et il faut l’accepter.
“Marriage Story”, quand l’amour n’est plus
Marriage Story est inspiré de l’histoire personnelle de son réalisateur, l’Américain Noah Baumbach, figure du Mumblecore – cinéma indépendant né au tournant du XXIe siècle aux États-Unis, caractérisé par des productions à petit budget, des dialogues en partie improvisés et la présence d’acteurs non professionnels – marié pendant cinq ans à l’actrice Jennifer Jason Leigh. Aujourd’hui, leur mariage n’est plus. Noah Baumbach partage sa vie avec la comédienne et réalisatrice Greta Gerwig (avec qui il a coécrit le superbe Frances Ha en 2012) et le temps des petits budgets est révolu : Marriage Story est produit et distribué par le géant du streaming mondial, Netflix.
Habitué aux films sur la famille, comme dans The Meyerowitz Stories, sorti (aussi) sur Netflix en 2017, celui qui a mis en scène l’histoire d’une danseuse qui rêve d’être chorégraphe dans Frances Ha, apparaît comme le fils prodige né d’une union hypothétique entre Woody Allen et Ingmar Bergman. La comparaison est ambitieuse mais à la fin de Marriage Story, on se dit qu’elle est amplement méritée. À travers des dialogues puissants et une mise en scène naturaliste, Noah Baumbach rend hommage aux chroniques familiales et, plus précisément à deux films de séparation entrés au panthéon du 7e art : le premier, Scènes de la vie conjugale – réalisé en 1973 par le grand cinéaste suédois Ingmar Bergman – racontant, entre conflits et réconciliations, les vingt ans de vie commune de Marianne et Johan et le second, Annie Hall – réalisé par Woody Allen en 1977 – qui met en scène la lassitude d’Annie (Diane Keaton) face au sauvetage de son union avec Alvy (Woody Allen), un comique new-yorkais raté. Il nous a fallu attendre plus de trente ans pour assister à une séparation au cinéma aussi réussie.
Marriage Story (2019) de Noah Baumbach, avec Scarlett Johansson et Adam Driver (2h17). Disponible sur Netflix depuis le 6 décembre.