Karim Benzema: portrait of an unfortunate Ballon d’Or recipient
La France entière attendait que l’attaquant star – sacré Ballon d’or cette année – foule la pelouse lors de la Coupe du Monde pour représenter son pays. Mais Karim Benzema, blessé au dernier moment, ne participera finalement pas à la compétition… Portrait d’un footballeur infortuné.
Portrait par Léo d’Oriano.
Réalisation par Jean Michel Clerc.
Texte par Delphine Roche.
Portrait by Léo d’Oriano.
Direction by Jean Michel Clerc.
Text by Delphine Roche.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, rien ne semble pouvoir empêcher Karim Benzema de remporter le Ballon d’or, le 17 octobre à Paris. Équivalent des Oscars pour le football, la cérémonie à laquelle se presse tout le gratin du milieu décerne chaque année une flopée de récompenses, parmi lesquelles cette distinction couronnant un attaquant (même si quelques défenseurs ont réussi à la remporter) pour sa saison précédente. Meilleur buteur du championnat espagnol, auteur de 44 buts et de 15 passes décisives sur sa saison avec le Real Madrid, le Français a notamment crucifié tour à tour le PSG et Chelsea avec deux triplés consécutifs en Ligue des champions – la compétition reine, remportée pour la 14e fois par son club cette année. Il a marqué un but extraordinaire qui a permis à la France de remporter la Ligue des nations. Et surtout, à 34 ans, un âge déjà vénérable pour un attaquant, il semble au sommet de sa carrière, en pleine possession de son talent.
Tout n’a pas toujours été facile, pourtant, pour le Lyonnais, aussi détesté qu’encensé. Premier handicap, il est né dans un pays qui n’aime rien tant que haïr les footballeurs, jusqu’à ce qu’ils gagnent bien sûr la Coupe du monde. Le phénomène est si particulier à l’Hexagone que plusieurs ouvrages lui ont été consacrés, tel Pourquoi tant de haines ? de Pascal Boniface (Éd. du Moment, 2010), alors directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Si aujourd’hui Karim Benzema rayonne de sérénité dans ses interviews et régale ses fans par une (relative) spontanéité qui fait souvent défaut à ses confrères, sa sincérité lui a valu de devenir la cible de l’extrême droite. Notamment parce qu’il ne chantait pas La Marseillaise et mentionnait en interview son attachement à l’Algérie, le pays de ses parents. Dans le documentaire intitulé Benzema par Karim, en 2014, le joueur fait déjà une mise au point. “Je ne crache pas sur le maillot de l’équipe de France, sur le pays, comme j’ai pu l’entendre. J’aime l’équipe de France et je me réjouis à chaque fois que je joue pour elle.”
Pur bijou de technicité et d’agilité, le style de jeu de Karim Benzema est presque un geste artistique.
Pendant cinq ans, Karim Benzema n’a pas été appelé sous le maillot des Bleus par le sélectionneur Didier Deschamps. La fameuse affaire de la sextape – il était soupçonné de complicité de chantage envers son coéquipier Mathieu Valbuena, la justice l’a condamné en juin dernier à un an de prison avec sursis et à une amende – aura un temps terni son image. Lui n’a pas hésité à mettre en cause, dans une interview au quotidien espagnol Marca, “une partie raciste de la France”, à laquelle son sélectionneur aurait selon lui cédé, rappelant au passage (en 2016, déjà) les scores stratosphériques du Rassemblement national aux élections. Mais KB9, comme il se fait appeler, véritable phénix de l’époque contemporaine, est irrésistible : lors de son retour en 2021, pour l’Euro, le pays est en liesse et lui témoigne son adoration. Pour qui s’est épris du football, son style de jeu est presque un geste artistique : inspiré par le Brésilien Ronaldo, il est un pur bijou de technicité et d’agilité. Karim Benzema aime profondément le football, et cet amour l’a amené à accepter de jouer pendant huit ans dans l’ombre de l’immense Cristiano Ronaldo : “Vous aviez une fusée [Gareth Bale] et un buteur [Cristiano Ronaldo], et puis il y avait moi, la pièce qui a tout fait fonctionner, explique-t-il. Le finisseur était Cristiano. J’ai joué un rôle différent. J’étais davantage impliqué dans la construction des actions et dans la tentative d’ouvrir des espaces.”
Au cours de ces années, KB9 aura démontré tout son altruisme, une qualité assez rare à l’époque des ego rois. Titulaire aujourd’hui de l’attaque du Real Madrid, et visiblement pleinement heureux, il est aussi une véritable icône de son époque, ami du rappeur Booba et amoureux de la mode – ce dont témoignent son compte Instagram et sa récente collaboration avec la maison Jean Paul Gaultier pour une paire de lunettes exclusive. Le monde du ballon rond, le 17 octobre, devrait logiquement décider de participer à ce parfait alignement de planètes resplendissant dans le ciel de Karim Benzema.
As we are writing these lines, nothing seems to stop Karim Benzema from winning the Ballon d’Or on October 17th in Paris. The ceremony is the football equivalent of the Oscars’ and gathers the top players in the game. Loads of prizes are awarded each year, including the Ballon d’Or, which usually rewards a striker for his previous season, although a few defenders have already managed to win it as well. As La Liga’s top goalscorer, with a total of 15 assists and 44 goals scored during his season with the Real Madrid, the Frenchman has crucified the PSG and Chelsea, providing back-to-back hat-tricks during the Champions League, the top competition which his club has won for the 14th time this year. He also scored an extraordinary goal that helped France win the UEFA Nations League. And above all, at 34, a highly respectable age for a striker, he seems to be at the peak of his career and in full control of his talent.
However, it hasn’t always been easy for the player born in Lyon, who is equally hated and praised. The first obstacle he had to face was to be born in a country that reveled in hating footballers, until they won the World Cup of course. The phenomenon is so specific to France that several books have tackled the subject, such as Pourquoi tant de haines? [Why Some Much Hatred?] written by the director of the French Institute for International and Strategic Affairs (IRIS) Pascal Boniface and published by Éditions du Moment in 2010. Even if today Karim Benzema radiates serenity in his interviews and delights his fans with a (relative) spontaneity that his colleagues are often lacking, his authenticity has made him the far right’s target – especially since he did not sing the national anthem La Marseillaise and mentioned in several interviews his attachment to Algeria, his parents’ homeland. In the 2014 documentary Benzema by Karim, the player already set the record straight: “I don’t spit on the French team’s shirt or on the country, as some might say. I love the French team and I am always delighted to play for it.”
Jewel of technique and agility, Karim Benzema’s game is almost an artistic gesture.
For five years, Karim Benzema has not been called up for the French national team by manager Didier Deschamps. The notorious sex tape gate has tarnished his image for a while. He was suspected of being an accomplice to the blackmail of his teammate Mathieu Valbuena, and the courts sentenced him to a one-year suspended prison sentence and a fine last June. In an interview with the Spanish daily Marca, the latter did not hesitate to accuse “a racist part of France”, to which his manager had given in according to him, and to recall the (already) stratospheric scores of the French far right party, Le Front National, in the 2016 elections. Yet KB9, as he calls himself, a true phoenix of the modern times, is irresistible. When he came back for the Euro in 2021, the country was jubilant and showed the player its love. For the football lovers, his game is almost an artistic gesture. Drawing his inspiration from the Brazilian player Ronaldo, he is a pure jewel of technique and agility. Karim Benzema has a deep love for football, and that love made him accept to play in the shadow of the great Cristiano Ronaldo for eight years: “You had a rocket [Gareth Bale] and a striker [Cristiano Ronaldo], and then there was me, the piece that made it all work,” he explains. “The finisher was Cristiano. I played a different role. I was more involved in building actions and trying to open up space.”
Over the years, KB9 has revealed how altruistic he is, a rare quality in the reign of supreme egos. He is now a permanent striker for the Real Madrid, but also a true icon of his time, a friend of rapper Booba, and a fashion lover – his Instagram account and his recent collaboration with Jean Paul Gaultier on an exclusive pair of glasses are evidence. On October 17th, the world of football should logically decide to join in the perfect alignment of planets shining in Karim Benzema’s sky.