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Pourquoi Mads Mikkelsen, star de Dust Bunny, nous fascine
Mads Mikkelsen est le seul point commun entre Rihanna, James Bond et Hannibal Lecter. Le comédien de 59 ans sera bientôt de retour dans la comédie The Last Viking présentée à Venise et dans le film d’horreur Dust Bunny, réalisé par le créateur de la série Hannibal Bryan Fuller. L’occasion pour Numéro de revenir sur la carrière longtemps mésestimée de l’un des acteurs danois les plus talentueux de sa génération.
par Alexis Thibault,
et Ambra Flora.

Madd Mikkelsen, antagoniste charismatique de James Bond
Il est de ceux qui ont été révélés au grand public par un full aux as par les six… c’est-à-dire pas grand monde. Novembre 2006, Le Chiffre convie le plus célèbre des espions britanniques au Monténégro, armé de son teint blafard. Au cœur du Casino Royale, la tension est à son comble, mais le trésorier des terroristes déchante : une quinte flush vient de tomber sur le tapis vert. Daniel Craig remporte la partie de poker et séduit en James Bond brutal et torturé. Quant au charismatique Mads Mikkelsen (prononcer “Mes”), il met tout le monde d’accord en antagoniste à l’œil gauche mort.
Le héros d’un clip de Rihanna
L’acteur danois âgé de 59 ans a été formé à l’école Nicolas Winding Refn, père de Pusher (1996) et de Drive 2011), fanatique des jets d’hémoglobine inattendus, des longs-métrages contemplatifs et des personnages flegmatiques à la psyché impénétrable. Son premier rôle au cinéma, Mads Mikkelsen le décroche justement auprès de son homologue scandinave – dyslexique et daltonien – dans Pusher, premier volet d’une trilogie plus sombre qu’un buvard imbibé. Filmée à l’épaule, cette claque ultra violente sur fond de trafic de stupéfiants fait sensation.
Trois ans plus tard, Mikkelsen rempile auprès du même cinéaste : il crève l’écran en cinéphile introverti dans Bleeder, drame poisseux dans lequel le vidéoclub fait fonction d’exutoire. Malgré le succès mitigé du film, l’acteur débarque à Cannes. Mais personne ne s’intéresse à ce trentenaire aux pommettes saillantes et aux lèvres ourlées dont le charisme et l’expression polaire ringardisent pourtant la moitié de Hollywood à eux seuls. Mads Mikkelsen distribue alors des copies de Bleeder sur la Croisette, presque sous le manteau… L’ère Refn s’est interrompue en 2009 après une cinquième collaboration : Valhalla Rising. Une ode à la lenteur, sorte de performance artistique sur fond de lutte viking qui déroute parce qu’on l’a estampillée “septième art”.
Mais comment expliquer le pouvoir d’attraction invraisemblable de Mads Mikkelsen ? Si les grands pontes de la production américaine le draguent de manière exponentielle – Le choc des titans (2010), Doctor Strange (2016), Rogue One: A Star Wars Story (2016) – le Danois a su modérer ses apparitions dans les blockbusters sans pour autant refuser les challenges peu orthodoxes : le clip de Rihanna Bitch Better Have My Money (2016), Polar, la très mauvaise production Netflix sortie en 2019, ou Death Stranding, jeu vidéo de Hideo Kojima, le génie japonais mégalomane qui a enfanté Metal Gear Solid en 1998.
D’un biopic sur Coco Chanel à Hannibal
Avec Hannibal, il livre son interprétation la plus effrayante, devient l’incarnation du flegme et décroche un Saturn Awards. En avril 2016, Mads Mikkelsen est fait Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par l’ambassadeur de France au Danemark. Pas vraiment une consécration lorsque l’on connait le background de ce polyglotte maîtrisant plus de 6 langues, dont le français, appris sur le tas lors du tournage de Coco Chanel et Igor Stravinsky en 2009.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le natif de Copenhague est à mille lieux des personnages antipathiques qu’il incarne. Autrefois gymnaste et danseur de ballet professionnel, ce fils de chauffeur de taxi se réjouit de pouvoir tourner des blockbusters, malgré son diplôme de l’Aarhus Teater, l’école de théâtre la plus prestigieuse du Danemark.
Dès 2013, il dévoile quelques aspects supplémentaires de son élégance irréprochable dans Hannibal, nouvelle adaptation du roman éponyme de Thomas Harris par l’Américain Bryan Fuller. Prélude à Dragon Rouge (2002), cette série télévisée évoque l’étroite relation entre le profiler Will Graham et le psychiatre Hannibal Lecter, sociopathe anthropophage à ses heures perdues.
Sur fond de gastronomie, entre coq au vin et risotto de chair humaine, Mads Mikkelsen vole la vedette à David Tennant (Doctor Who), pressenti pour le rôle. En incarnant ce monstre impassible, il livre alors son interprétation la plus effrayante et décroche même un Saturn Awards.

Un acteur oscillant entre brutalité et vulnérabilité
Fanatique du Taxi Driver de Martin Scorsese, ce grand amateur de bière se voit remettre le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes pour La Chasse, en 2012, septième long-métrage de son compatriote Thomas Vinterberg. Il y incarne Lucas, éducateur irréprochable accusé par une petite fille d’avoir abusé d’elle dans la nurserie. Une œuvre d’autant plus intéressante qu’elle ne traite pas d’injustice, préférant aborder la confiance, le doute et la sacralisation d’une parole juvénile pure. Pour la première fois, Mads Mikkelsen semble véritablement humain.
Avec le film Arctic (2019), il remet en jeu sa ceinture d’acteur incontournable. Il y incarne un pilote dont l’avion s’est écrasé au pôle Nord. Mikkelsen ne le cache pas, le tournage en Islande de ce survival réalisé par le Brésilien Joe Penna était le plus éprouvant de sa carrière. Autrefois maître du drame, éclairé une fois sur deux par des néons crasseux, le prodige capable de réciter l’annuaire avec la verve d’un noble pourrait truster l’affiche encore quelques siècles…
Tel Marlon Brando dans le treillis du colonel Kurtz, le Scandinave fascine, car il se drape d’un voile mystérieux. Autoritaire, du haut de son 1,83 m, Mads Mikkelsen pourrait aussi bien nous étreindre que nous briser la nuque, son regard ne livre aucun indice.
Une performance culte dans Drunk
En 2020, Mads Mikkelsen se démarque une nouvelle fois avec Drunk de Thomas Vinterberg. Il se fond dans le rôle d’un professeur désabusé, qui décide de se lancer un défi avec trois collègues : maintenir en permanence un léger taux d’alcool dans le sang pour retrouver goût à la vie. Le long-métrage couronné par l’Oscar du meilleur film international, offre à Mikkelsen une performance d’une justesse rare. En particulier grâce à la scène finale devenue culte où il danse avec une intensité bouleversante.
Par la suite l’acteur a enchaîné les grands films avec Chaos Walking (2021) de Doug Liman au côté de Tom Holland, puis en rejoignant l’univers des Animaux Fantastiques (2022) reprenant le rôle de Gellert Grindelwald joué auparavant par Johnny Depp. Il a aussi rejoint le casting du blockbuster Indiana Jones et le Cadran de la destinée en 2023. Enfin, plus récemment, il fascinait dans King’s Land (2023), fresque historique danoise dans laquelle il incarnait un ancien soldat chargé de cultiver des terres hostiles.
L’acteur à l’affiche des films The Last Viking et Dust Bunny
Cette année, on retrouve l’acteur dans un film présenté hors compétition à la Mostra de Venise 2025. L’acteur est en effet à l’affiche du film The Last Viking, une comédie dans laquelle il campe une personne victime de troubles mentaux, qui doit venir en aide à son frère braqueur de banque.
Autre projet phare : dix ans après sa performance culte dans Hannibal, Mads Mikkelsen retrouve Bryan Fuller, créateur de la série, pour un nouveau récit horrifique. Le Danois au talent longtemps mésestimé incarnera un chasseur de monstres dans un long-métrage d’épouvante intitulé Dust Bunny.
La bande-annonce dévoile une intrigue qui rappelle le Pixar Monstres et Cie (2001) mais en version gore : un monstre est tapi sous le lit d’une petite fille et cette dernière pense qu’il a mangé sa famille. Il donnera alors la réplique à Sigourney Weaver (Alien) et David Dastmalchian (Late Night with the Devil).
Les films Dust Bunny (2025) de Bryan Fuller et The Last Viking (2025) d’Anders Thomas Jensen n’ont pas encore de date de sortie.