Interview magazine, vie et mort d’un titre culte
Lancé par Andy Warhol en 1979, le cultissime Interview magazine annonçait ce lundi arrêter sa publication. Retour sur trois grandes périodes marquantes de son histoire.
Par Léa Zetlaoui.
Le monde de la presse va mal. Interview, le magazine culte qui allait célébrer ses 50 ans l’année prochaine s’arrête. Entre scandale sexuel, salaires impayés et procédures judiciaires le titre détenu par Peter Brant se faisait attaquer de tous les côtés. Des couvertures iconiques, des contenus inattendus et des contributeurs de renom, le titre fondé par Andy Warhol faisait office de référence dans les domaines de la mode, du cinéma et de la musique. De l’underground new-yorkais lors de sa création, puis “boule de cristal de la pop culture” lors de son rachat en 1989 et enfin magazine de mode et culture respecté lors de son remaniement en 2008, retour sur les trois grandes périodes qui ont forgé le mythe d’un magazine devenu reflet de la culture contemporaine.
-
Interview magazine, l’ultime œuvre de Warhol? (1969-1989)
Obsédé par la célébrité et la société de consommation, Andy Warhol fonde son art sur ses deux piliers. Star parmi les stars, l’artiste fréquente au sein de sa factory lancé en 1964 tout l’underground cool new-yorkais. En 1969, avec le poète/artiste/it-boy Gérard Malanga, il fonde Interview, un magazine composé d’entretiens personnels réalisés par Warhol lui-même qui dressent des portraits intimes des jeunes branchés de l’époque (par exemple que mangez-vous au petit déjeuner), de chroniques des soirées endiablées au studio 54 et de couvertures cultes réalisés par l’artiste Richard Bernstein (impossible de passer à côté de celle de Grace Jones). Distribué au début gratuitement dans la rue, Interview, considéré par certains comme l’œuvre ultime de Warhol, désacralise les stars et crée les célébrités et les connecte avec la société de consommation. Une façon de boucler la boucle pour un artiste considéré comme ultra-perfectionniste.
-
Une revue iconique sous l’ère de Peter Brant et Ingrid Sischy (1989-2008)
En 1989, le milliardaire Peter Brant collectionneur des œuvres de Warhol rachète le titre 10 millions de dollars, deux ans après le décès de l’artiste. L’ex-mari de Stéphanie Seymour nomme à la rédaction en chef Ingrid Sischy qui transformera la publication underground branchée en une revue iconique réunissant les plus grandes célébrités de l’époque. Des stars de la musique (Madonna, David Bowie ou Jon Bon Jovi) et du cinéma (Tom cruise, Michelle Pfeiffer) photographiés par les plus grands (Herb Ritts, Dennis Hopper, Richard Avedon) additionné à des contenus davantage culturels, un graphisme pop et accessible et un ton impertinent, en feront un titre célèbre dans le monde entier. Ingrid Sischy finira par quitter Interview après 18 ans de bons et loyaux services, emportant dans ses cartons la femme de son éditeur, Sandra Brant.
L'hypersophistication de Fabien Baron et Glenn O’Brien (2008-2017)
Après le départ d’Ingrid Sischy, Peter Brant confie les rênes de sa publication aux célèbres Fabien Baron et Glenn O’Brien. Le premier, considéré par certains comme le plus grand directeur artistique de sa génération, contribua entre autres à lancer la carrière de Kate Moss avec les fameuses campagnes Calvin Klein, et à ériger le Vogue Paris en revue culte sous l’ère Carine Roitfeld. Le second, qui avait déjà participé au magazine entre 1971 et 1974, s'est illustré comme icône new yorkaise fréquentant aussi bien la Factory d’Andy Warhol que les punks des années 70, devenant par la suite présentateur télé ou directeur artistique de Barney's. Ensemble, ils vont transformer Interview en un véritable magazine de mode et de culture où des images léchées côtoient des interviews de célébrités conversant entre elles . Glenn O’Brien quitte finalement la rédaction en 2009 et trois personnes lui succèderont en dix ans. Bien qu’éloigné du modèle initial lancé par Warhol en 1969 Interview magazine reste aujourd'hui un magazine de référence et le fascinant miroir d'une société où règne en maître le culte de l’image et de la popularité.