Hommage à Max von Sydow, héros disparu de Game of Thrones
L’acteur franco-suédois Max von Sydow s’est éteint ce dimanche 8 mars. Du cinéma d'auteur aux côtés d'Ingmar Bergman aux blockbusters comme “Star Wars”, il s’était distingué comme l’un des acteurs les plus prolifiques de sa génération.
Par Lolita Mang.
Sur une plage de sable noir, les vagues éclatent, violentes et dangereuses. Un homme apparaît sur la berge, grand, blond, les yeux clairs et la posture fière : Max von Sydow incarne un chevalier médiéval, Antonius Block, qui rencontre la Mort sur le rivage d’une île suédoise. S’ensuit la plus célèbre partie d’échecs de l’histoire du cinéma, pour retarder l’inévitable, et méditer sur la bonté humaine. Ainsi s’ouvre Le Septième Sceau, chef d’oeuvre du cinéaste suédois Ingmar Bergman sorti en 1957, qui révèle au monde le figure de Viking de Max Von Sydow : “Le Septième Sceau était une expérience, le budget était ridicule”, avait confié l’acteur. “Jamais nous n’aurions pensé que le film deviendrait culte dans le monde entier, mais nous savions déjà qu’il serait important, que le projet était courageux”.
Décédé ce dimanche 8 mars en Provence, l’acteur franco-suédois s’est distingué comme l’un des comédiens les plus prolifiques de sa génération, voir de la seconde moitié du XXe siècle. Jonglant entre cinéma d’auteur, grosses productions hollywoodiennes et séries légendaires de la pop culture, Max von Sydow a marqué les écrans à jamais. Retour sur la carrière d’un acteur infatigable.
Craintes et tourments en gros plan
En regardant l’imposante carrière de Max von Sydow, force est de constater que l’acteur a tenu sa parole : celle de continuer de tourner jusqu’à sa mort. À l’affiche de près d’une centaine de films, le Suédois a su mêler cinéma d’auteur, à travers sa longue collaboration avec Ingmar Bergman, et blockbusters, en travaillant sur la saga Star Wars ou en jouant dans le film de Steven Spielberg, Minority Report (2002).
“Bergman prend beaucoup son temps pour réfléchir et construire une émotion. Vous pensez que l'explosion va arriver, mais non, et la tension vous épuise.”
À l’image de l'univers du réalisateur de Persona (1966), l’acteur s’est constamment distingué dans des rôles sombres et tourmentés. Dans La Source, en 1960, son personnage venge le viol de sa fille et commet un triple meurtre lugubre – dont celui d’un enfant. Interrogé sur son rôle, il déclarait : “La rage s'accumule lentement en lui jusqu'à ce qu'il finisse par exploser et tuer – c'est une accumulation qui est longue, lente et méticuleuse. Bergman prend beaucoup son temps pour réfléchir et construire une émotion. Vous pensez que l'explosion va arriver, mais non, et la tension vous épuise”.
D’abord réticent à l’idée de quitter sa Suède natale pour tourner à Hollywood, Max Von Sydow se laisse finalement séduire par des rôles aussi troubles et terrorisants que ceux qu’il incarne dans les longs-métrages d'Ingmar Bergman. En 1973, il entre dans l’histoire du cinéma populaire en jouant le rôle d'un prêtre jésuite résolu à sauver une jeune fille possédée par un démon dans la célèbre adaptation du best seller de William Peter Blatty, L’Exorciste. Prenant goût aux grosses productions, il apparaît en 2002 dans le thriller de science-fiction Minority Report signé Steven Spielberg, où il incarne le directeur d'une brigade de police qui bénéficie de pouvoirs télépathiques pour arrêter les crimes avant qu'ils ne soient commis. Plus récemment encore, Max von Sydow s’est illustré dans la série HBO Game of Thrones en jouant la Corneille à trois yeux, personnage clé guidant le jeune Bran Stark dans sa quête de vérité, ainsi que dans la saga Star Wars. Cependant, il n’a jamais renié son amour du cinéma d'auteur, en jouant notamment un amant possessif et peintre misanthrope dans Hannah et ses soeurs de Woody Allen en 1986
Le théâtre comme premier amour
“Je préfère le théâtre au cinéma. Les films sont très amusants, mais ce que je trouve le plus excitant, ce sont les répétitions au théâtre, que l'on n'a pas l'habitude de faire au cinéma. C'est une grande aventure, explorer le personnage pendant plusieurs mois” déclarait l’acteur suédois au New York Times, il y a quelques années déjà.
Né en 1929 dans la ville de Lund, au Sud de la Suède, il était l'enfant d'un professeur d’université et d’une institutrice, qui envisageaient une carrière universitaire pour leur fils : “Mes parents n’avaient pas prévu que je devienne acteur. Mais quand j'avais 14 ou 15 ans, la ville voisine de Malmö a inauguré un magnifique théâtre municipal, et quand mon lycée nous y a emmenés pour voir Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, mon intérêt a été éveillé. Ce fut ma première vraie rencontre avec le théâtre”. Après son service militaire, il étudie au Théâtre royal de Stockholm (de 1948 à 1951), et apparaît dans deux films avant même d’être diplômé. Cependant, au début des années 1950, il s’illustre principalement sur les planches. C’est sur une petite scène municipale non loin de sa ville natale qu'Ingmar Bergman tombe sur lui, en 1955. La rencontre entre les deux hommes marque le début d’une longue amitié, ponctuée par onze films désormais célèbres, mais aussi, de nombreuses productions théâtrales. Ensemble, ils montent Faust, Le Misanthrope, ou encore La Chatte sur un toit brûlant, adaptée de l'oeuvre de Tennessee Williams.
Après avoir joué dans des films italiens, suédois, britannique, américains ou français, Max von Sydow devient citoyen français en 2002. Bien qu’il n’est jamais négligé son pays natal – il y retourne à la fin des années 1960 pour collaborer de nouveau avec Bergman, ainsi qu’avec le réalisateur Jan Troell –, l’acteur est parvenu à se constuire une carrière internationale. Passant d'un pays à l'autre, le Suédois a marqué les esprits par sa figure aussi grave qu'omniprésente, allant jusqu'à peupler les cauchemars des spectateurs les plus vulnérables.