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How did Euphoria become a cult show and is season 2 worth it?
Deux ans et demi seulement après sa diffusion sur HBO (et sur OCS en France), la grandiose et virtuose Euphoria fait déjà l’objet d’un véritable culte. Créée par Sam Levinson et coproduite par Drake, la série est revenue pour une deuxième saison ce dimanche 9 janvier. L’occasion de faire le point sur ce que cette fiction adolescente ambitieuse, trash et sans concession a apporté à la pop culture.
Par Violaine Schütz.
Aborder avec justesse les méandres de l’adolescence, la question du genre et la diversité des corps et des âmes n’est pas une mince affaire. C’est pourtant le tour de force qu’a réalisé en une seule saison Euphoria, série créée et écrite par le prodige Sam Levinson et dont la diffusion sur HBO (et OCS en France) en 2019 fut vécue comme une collusion. Depuis, on ne cesse de voir les filles, les garçons et ceux qui ne reconnaissent pas dans ces cases trop étroites s’habiller et se maquiller comme les héros du show, que ce soit sur TikTok, sur Instagram ou dans la vraie vie. C’est que l’impact de cette production, adaptée de la mini-série israélienne du même nom, sur la pop culture est phénoménal.
Pourtant, sur le papier, rien ne prédestinait Euphoria à toucher à une sorte d’universel. Le show, mettant en scène les sensations extrêmes éprouvées par une troupe d’ados agités de Californie, s’adressait surtout à cette tranche d’âge et à ceux qui étaient le plus dans le doute. Suivant les traces de Skins et de Kids, Euphoria dresse des portraits de jeunes paumés qui essaient tous de se sentir vivants, d’une manière ou d’une autre. Même si cela passe par des pratiques dangereuses. Parmi cette galerie tendre, cruelle et poétique de la génération Z, il y a Rue Bennett (formidable Zendaya), 17 ans dans la première saison, qui sort à peine de désintox et ne sait pas si l’existence a vraiment un sens. Timide et neurasthénique, elle tombe sous le charme de Jules Vaughn (Hunter Schafer), une fille trans ultra magnétique débarquant dans les alentours après le divorce de ses parents. Dans cette galaxie attachante, on trouve aussi Nate Jacobs, un sportif perturbé par ses complexes d’ordre sexuel, la débridée Kat Hernandez (Barbie Ferreira) qui assume ses formes en arborant des tenues inspirées par le SM ou encore la bimbo Maddy Perez (sublime Alexa Demie), peste bombesque moins superficielle qu’il n’y paraît.
Une esthétique du contraste
La beauté onirique et la puissance émotionnelle d’Euphoria résident dans la façon d’aborder sans tabou ni cliché et à hauteur de vue de ses protagonistes les aventures de ces ados dans une verve aussi trash qu’émouvante. Les ennuis – famille dysfonctionnelle, chagrin d’amour, défonce, mélancolie persistante – se succèdent mais les plans plongés dans la lumière bleutée d’un club branché sont léchés, la musique, hypnotique et les maquillages, scintillants. Au milieu des galères, une esthétique envoûtante se dessine. En effet, si les personnages peinent à s’y retrouver dans leurs histoires d’identité, d’amitié tout comme dans leur parcours scolaire, leurs visages se parent de paillettes étincelantes et leurs corps de tissus rutilants. Comme des étoiles dans la nuit d’une existence dramatique maculée par la drogue et le sexe sans engagement.
Rappelant l’ère du glam rock, ces ados se voient magnifiés par des artifices qui les rendent aussi iconiques que des tableaux. C’est particulièrement le cas de l’une de ses héroïnes les plus fortes : Hunter Schafer, actrice et mannequin transgenre bluffante de vérité qui fascine dans son rôle de Jules, une jeune fille paumée en amour qui hésite beaucoup mais ose aussi pas mal, notamment à travers des looks échappés d’une rave Y2K déjantée. Tout en nuances, sa prestation retranscrit à elle seule toute la finesse de la saison 1 d’Euphoria qui ne succombe jamais au mauvais goût, à la facilité ou aux raccourcis.
Une saison 2 encore plus trash
Si la première saison s’imposait comme une réussite totale, qu’en est-il de la deuxième dont le premier épisode a été dévoilé ce dimanche 9 janvier ? Arrivant après deux impressionnants épisodes spéciaux centrés sur Rue et Jules, ces nouvelles images étaient attendues au tournant par la critique et le public. Et dès les premières minutes, spectaculaires, les fans de la première heure devraient être comblés.
On retrouve la même bande que dans la saison 1 (ainsi que quelques nouveaux personnages charismatiques), et si chacun a grandi et mûri, la complexité des situations demeure tout comme l’inventivité de leur mise-en-scène digne d’un clip. Côté intrigues, Rue continue d’essayer de lutter contre ses démons (l’addiction) et doit se remettre d’une séparation difficile mais elle fait une rencontre qui pourrait tout changer.
À l’image de cette trame narrative, cette nouvelle saison offre beaucoup de violence (la première scène, tarantinesque en diable, est un vrai choc), de sexe, d’autodestruction et de drogues. La recette, évoquant autant Bret Easton Ellis que Larry Clark, Gus Van Sant et Harmony Korine est éculée, mais la magie opère encore. Plus sombre encore que sa saison séminale, ce début de saison 2 pose toujours la question de l’identité : jusqu’où est-on prêt à aller pour savoir qui l’on est et pour en finir avec le manque d’estime de soi ? Et il y a fort à parier que ces interrogations, filmées à un rythme effréné tel un shoot d’adrénaline, ne toucheront pas que les ados qui ne savent pas quel outfit of the day poster en story TikTok…
Euphoria saison 2, premier épisode disponible sur OCS. Sept autres épisodes suivront.