15 juil 2021

En direct de Cannes : la frénésie pop de Wes Anderson

Tourné il y a plus de deux ans à Angoulême, prêt dès l’édition 2020 finalement annulée pour cause de Covid, The French Dispatch a patienté dans les placards et suscité énormément d’attentes. Peut-être un peu trop, au regard de son sujet le plus ténu qui soit, presque irracontable : une escapade mentale et historique à travers les articles d’un journal américain fictif et de son bureau français.

“The French Dispatch” de Wes Anderson. Copyright The Walt Disney Company

Après une semaine de compétition cannoise marquée comme souvent par une certaine gravité dans les thèmes et dans la forme – le monde va mal et le cinéma en témoigne sans chercher à en rire -, Wes Anderson est venu apporter au Festival une couleur un peu différente, une certaine frénésie pop absente des autres films, mis à part le baroque Annette de Leos Carax. Tourné il y a plus de deux ans à Angoulême, prêt dès l’édition 2020 finalement annulée pour cause de Covid, The French Dispatch a patienté dans les placards et suscité énormément d’attentes. Peut-être un peu trop, au regard de son sujet le plus ténu qui soit, presque irracontable : une escapade mentale et historique à travers les articles d’un journal américain fictif et de son bureau français.

 

 

Hommage aux figures francophiles de la non-fiction américaine (comme James Baldwin) et aux magazines mythiques tels que The Paris Review et The New Yorker, le film avance en trois temps. Celui de trois “stories”, autant de récits courts situés à plusieurs époques lointaines, que Wes Anderson déploie avec son sens déjà éprouvé de la vignette miniature parfaitement orchestrée. Le premier tableau met en scène Léa Seydoux dans la peau de Simone, une gardienne de prison. En charge d’un détenu psychotique artistiquement génial (Benicio Del Toro), elle devient sa muse. L’actrice française fait merveille et donne à The French Dispatch ce dont il manque par ailleurs : le sentiment de la chair, d’une pulsation de vie.

Le segment Seydoux/Del Toro s’affirme de loin comme le plus abouti des trois, au point que le reste du film souffre de la comparaison, utilisant des acteurs et actrices par ailleurs brillants (Timothée Chalamet, Frances Mc Dormand, Owen Wilson et beaucoup d’autres) pour les traiter parfois comme des figurants. C’est un peu comme si Wes Anderson, occupé par son obsession de maîtrise, des cadres acérés, du tempo qui tombe juste, n’avait plus vraiment le temps ni l’énergie de se consacrer à des corps réels. D’un certain point de vue, The French Dispatch ressemble à un film d’animation contrarié – l’une de ses plus belles séquences est d’ailleurs entièrement dessinée – et sa mélancolie aurait peut-être pu émouvoir vraiment en assumant cet horizon. Car Wes Anderson ne s’est pas « perdu » : il fait l’éloge avec ce film des êtres fragiles, des fous, des amoureux, ses thèmes de toujours, d’une manière plus radicale que jamais. The French Dispatch est réservé à ses fans les plus dévoués et à lui-même. Au risque de laisser les autres au bord de l’écran.

 

 

The French Dispatch. Compétition officielle. En salle le 27 octobre.