Les confessions de Théo Christine, star d’Ollie et cool kid du cinéma français
À seulement 29 ans, Théo Christine impose son style et son énergie brute dans le cinéma français contemporain. Après des rôles marquants dans Suprêmes et Vivre, mourir, renaître, il incarne un skateur qui devient le mentor d’un adolescent en quête de repères dans le film Ollie. Un premier long-métrage signé Antoine Besse, présenté au Festival de Cannes, qui dessine avec sensibilité une relation inattendue à un âge charnière. Rencontre avec un acteur qui aime brouiller les pistes.
propos receuillis par Nathan Merchadier.
On l’a vu rapper dans Suprêmes, s’effondrer d’amour dans Vivre, mourir, renaître et prendre des airs de héros d’action dans la série B.R.I (2023). À 29 ans, l’acteur Théo Christine construit sa carrière avec une énergie brute, une curiosité dévorante et un goût aiguisé pour le risque.
Dans le film Ollie, présenté cette année au Festival de Cannes dans la sélection Cannes Écrans Juniors, il endosse le rôle d’un skateur cabossé qui donne des cours à un jeune garçon de la campagne (le skateur Kristen Billon, révélation du film).
Théo Christine, star du film Ollie, présenté au Festival de Cannes
Un premier long-métrage signé Antoine Besse (qui vient de la publicité) qui évoque, toutes proportions gardées, une version française et rurale du chef-d’œuvre 90’s (2019) de Jonah Hill, sans toutefois en atteindre le panache californien. Rencontre avec un acteur qui prend plaisir à bifurquer et à brouiller les pistes.

L’interview de l’acteur Théo Christine
Numéro : Pourquoi avoir choisi de rejoindre le casting du film sur le skate Ollie ?
Théo Christine : J’ai très vite eu envie de faire partie du projet parce qu’Antoine Besse (le réalisateur du film) est un bon ami. C’était son premier long-métrage, et j’aurais voulu y contribuer de n’importe quelle manière. Dès l’écriture, il pensait déjà à moi pour le rôle de Bertrand. On avait déjà travaillé ensemble sur un court-métrage, 404, dans lequel j’avais un look un peu similaire : avec des tatouages sur le visage… Et l’histoire d’Ollie m’a profondément touchée. C’était un vrai rôle de composition, avec un personnage à construire, très éloigné de moi, et ça, c’est toujours stimulant en tant qu’acteur.
Vous y incarnez un jeune skateur à la dérive. Comment vous êtes-vous préparé pour ce rôle ?
La préparation de ce rôle a commencé environ trois mois avant le tournage. J’ai choisi de me faire poser les dreadlocks très en amont, car ce changement physique modifie la manière de se tenir, de marcher. Il fallait que tout cela devienne naturel, intégré jusqu’au moindre geste. J’ai également perdu 13 kilos pour retranscrire la fragilité et l’instabilité du personnage. On voulait qu’il soit ébréché, physiquement et intérieurement. Parfois, on partait une semaine entière afin d’approfondir le rôle, tester des choses, ajuster. C’était une vraie démarche d’exploration.
“J’ai perdu 13 kilos pour traduire la fragilité et l’instabilité du personnage.” Théo Christine
Afin d’atteindre un tel niveau, avez-vous pris des cours de skate ?
J’en faisais déjà un peu, mais je m’y suis replongé sérieusement. Et surtout, j’ai essayé d’adopter le mode de vie de Bertrand en amont du tournage : fréquenter des milieux proches du sien, observer les codes, les dynamiques, les rapports aux autres, et notamment le lien très fort qu’il entretient avec son chien. J’ai besoin de comprendre profondément ce que vit un personnage afin de pouvoir l’incarner avec sincérité. Cette immersion nourrit mon jeu, mais aussi mon regard sur le monde. C’est une expérience qui m’a beaucoup apporté. Et quand on a le temps de s’y consacrer pleinement, c’est un vrai bonheur.

“Je pense que le cinéma a cette capacité, précieuse, de transmettre des messages sociaux.” Théo Christine
Comment s’est déroulée votre rencontre avec le reste du casting, notamment avec Emmanuelle Bercot et Cédric Kahn ?
Ce sont deux acteurs dont j’admire profondément le travail, aussi bien devant que derrière la caméra. Les retrouver sur ce projet, c’était un vrai plaisir. Il y avait une vraie générosité sur le plateau, une envie commune de faire exister ce film du mieux possible.
Ollie dépeint avec réalisme un milieu social éloigné du glamour du Festival de Cannes. Pensez-vous que le cinéma doit toujours avoir une portée politique ?
Je pense que le cinéma a cette capacité, précieuse, de transmettre des messages sociaux. Il peut amener de la compréhension là où elle fait défaut. C’est cela qui m’attire profondément. Et c’est aussi pour cette raison que j’aime incarner des rôles très différents, explorer des univers variés. Dans le film Suprêmes (2021), on parlait de la cité. Dans Vivre, mourir, renaître (2024), on explorait une histoire d’amour complexe, à la fois hétérosexuelle et homosexuelle. Et dans Ollie, nous avons donné la parole à des individus que l’on ne voit presque jamais à l’écran, des gens que la société rend invisibles. Je ne sais pas si c’est cela, être politique. Mais ce qui compte pour moi, c’est que le film ouvre une fenêtre sur des réalités que certains ignorent ou jugent trop vite.
Comment choisissez-vous vos rôles ?
Ce que je retiens surtout de cette aventure, c’est la patte du réalisateur Gaël Morel. Son regard, sa passion du cinéma, mais aussi de la vie, et particulièrement des années 90. Il nous a véritablement embarqués dans son univers, presque malgré lui. Il nous a guidés avec beaucoup de sensibilité et de précision. Le tournage s’est déroulé dans une forme de bulle, une atmosphère de confiance et de bienveillance. Et c’est assez paradoxal parce que, malgré le sujet du film, ce tournage n’avait rien de triste. On faisait un film sur la vie, plus que sur la mort.

“C’est important de savoir revenir à soi, de retrouver son propre ancrage.” Théo Christine
Parfois, avez-vous du mal à vous défaire d’un rôle dans lequel vous avez investi énormément d’énergie ?
J’ai ressenti ça très fortement sur le tournage des films Suprêmes et Ollie. Ce sont des expériences qui laissent une trace. Après, ce sont surtout les mimiques et les postures qui peuvent mettre un peu de temps à s’effacer. C’est important, je pense, de savoir revenir à soi, de retrouver son propre ancrage. Bien sûr, je garde ce que le personnage m’a appris, mais je prends aussi le temps nécessaire avant d’enchaîner un nouveau tournage. Je ne pourrais pas repartir sur un projet aussi intense deux semaines plus tard.
Certains vêtements ou costumes vous permettent-ils de façonner plus facilement vos personnages ?
Oui, très clairement. Sur le tournage d’Ollie, par exemple, rien que le fait de porter des vêtements amples… Cela crée tout de suite une gestuelle particulière. Il y a une sorte de flottement, presque, dans la manière de se déplacer. À l’inverse, sur Vivre, mourir, renaître, les costumes étaient encore plus ancrés dans l’esthétique des années 90. Et tout ça, bien sûr, m’aide énormément à entrer dans la peau du personnage. J’ai même pris l’habitude, dès la préparation d’un film, de récupérer deux ou trois pièces du costume à l’avance, quand c’est possible. Sinon, je m’arrange pour adapter un peu ma garde-robe personnelle. Par exemple, sur le tournage de Vermines (2023), j’étais constamment en jogging et en baskets, même en dehors des plateaux. C’est un moyen très concret de me rapprocher du personnage, d’en capter la silhouette, l’attitude, presque sans avoir à y réfléchir.

“Cannes, c’est un rêve.” Théo Christine
Quels souvenirs gardez-vous de vos précédentes apparitions au Festival de Cannes ?
Cannes, c’est le plus grand festival de cinéma au monde. C’est un rêve. Le fait de pouvoir y croiser, échanger avec des artistes que tu admires, que tu regardais à la télé en étant gamin… C’est une sensation assez folle. Et puis, au-delà de ça, c’est surtout une immense joie de pouvoir célébrer un film avec toute l’équipe. C’est un peu comme si l’on retrouvait l’énergie du plateau, mais dans un autre décor à la fois plus festif et plus solennel. Mon tout premier souvenir, c’était avec l’équipe du film Suprêmes. C’étaient mes premiers pas à Cannes et j’avais 25 ans. Ce qu’on a vécu cette année-là était complètement dingue.
Vous serez bientôt à l’affiche de la série Lupin sur Netflix…
En ce moment, je suis en effet pleinement concentré sur le tournage de la série Lupin, et aussi sur le prochain long-métrage de Ladj Ly intitulé Diable Noir. Mais je dois rester discret à ce sujet pour le moment…
Ollie (2025) d’Antoine Besse, actuellement au cinéma.