Rencontre avec Saoirse Ronan, star de The Outrun et actrice fétiche de Greta Gerwig

Révélée par son rôle de pré-adolescente au caractère bien trempé dans le film Reviens-moi (2007), l’actrice americano-irlandaise Saoirse Ronan (30 ans) est depuis devenue l’un des visages les plus en vogue du cinéma américain et international. Avec sa performance puissante de lycéenne en quête d’émancipation dans le très acclamé Lady Bird (2018) de Greta Gerwig, elle remporte le prix de la “meilleure actrice dans un film musical” lors de la cérémonie des Golden Globes en 2018.

Capable de se glisser avec la même aisance dans une pluralité de personnages souvent complexes et tourmentés, la comédienne qui a grandi entre New York et Dublin incarne en janvier 2020 l’aînée d’une fratrie de quatre sœurs, bien décidée à questionner son statut de femme qui la réduirait au mariage dans le film Les Filles du Docteur March de Greta Gerwig, nommé aux Oscars. Elle y donne la réplique à Florence Pugh et Timothée Chalamet.

L’actrice fétiche de Greta Gerwig

Ce mercredi 2 octobre 2024, c’est sous la direction de la réalisatrice allemande Nora Fingscheidt – déjà à l’origine du poignant Benni (2020) – que Saoirse Ronan impressionne encore dans The Outrun. Elle y incarne Rona, une trentenaire accro à l’alcool qui s’autodétruit dans le tumulte des nuits londoniennes, avant de trouver refuge dans l’archipel des Orcades, au nord de l’Écosse. 

À l’occasion de la sortie de ce long-métrage adapté d’un roman d’Amy Liptrot, Numéro a rencontré l’actrice dans le salon feutré d’un hôtel parisien, bien loin de l’agitation de la Fashion Week parisienne, afin d’évoquer sa préparation intense pour le film, mais aussi son nouveau rôle de productrice et les prochains projets excitants dans lesquels elle s’embarquera dans les mois à venir…

L’interview de Saoirse Ronan, star du film The Outrun

Numéro : The Outrun est adapté d’un livre autobiographique d’Amy Liptrot. Quelle a été votre réaction en découvrant pour la première fois cet ouvrage ?

Saoirse Ronan : Ce qui m’a le plus surpris quand j’ai lu le livre pour la première fois, c’était la façon dont il a été écrit par Amy. J’ai adoré son style d’écriture, poétique et en même temps très centré sur la réalité. La joie qu’elle ressent quand elle est dans les Orcades m’a donné envie d’y aller, de m’immerger dans le lieu. Ce livre est une représentation très honnête de son temps passé là-bas. Et puis j’ai eu la chance de me plonger dans la vie d’une jeune femme qui lutte contre l’alcoolisme, ce qui est unique lorsque l’on est actrice. C’est une histoire qui m’a profondément touchée car j’ai regardé des personnes que j’ai aimés souffrir de cette maladie. J’ai toujours su que c’était le type de rôle que je voulais jouer. Et quand j’ai lu le scénario de The Outrun, la façon dont le récit était présenté m’a fait comprendre que j’étais prête.

Comment décririez-vous le personnage de Rona ? 

Elle est très wild. Elle a été influencée par son enfance, ses parents, l’environnement dans lequel elle a grandi. C’est une partie de sa personnalité. Mais elle est aussi timide, silencieuse et nerveuse, donc l’alcool devient une sorte de remède à tout cela. L’ivresse devient la médicament qui va lui permettre de s’éloigner de cette version d’elle-même qu’elle déteste. Il y a une violence dans ce personnage qui m’a beaucoup plu.  

“Je me suis rendue dans des groupes de désintoxication.” Saoirse Ronan

Pour préparer ce rôle, avez-vous suivi des séances de désintoxication auprès de personnes alcooliques ? 

Je me suis rendue dans des groupes de désintoxication et j’ai trouvé ça très anxiogène. Mais c’était une expérience intéressante et je pense que cela m’a aidé à comprendre à quel point ces moments de discussions faisaient partie de leur quotidien. C’était important dans mon cheminement personnel afin d’appréhender au mieux ce rôle. Dans le film, nous avons mis en scène ces cercles d’écoute, mais nous l’avons aussi fait en off-screen ce qui nous a permis de créer une vraie safe place. Tout cela m’a aidé à élargir mes propres expériences et m’a fait sentir plus proche de ce dont parlait le scénario.

The Outrun a en grande partie été tourné dans le nord de l’Écosse. Et vous avez grandi en Irlande. Ce film est-il entré en résonance avec des étapes marquantes de votre vie ?

J’ai grandi dans une partie rurale de l’Irlande et j’ai passé beaucoup de temps seule, dans les champs, près des rivières et avec les animaux. Les éléments naturels ont toujours été quelque chose qui m’ont fait me sentir en sécurité. C’était vraiment intéressant pour moi d’évoluer dans un environnement qui me semblait si familier. 

“Après avoir endossé le rôle de productrice de ce film, je pense que plus d’actrices devraient être dans le champ de l’action.” Saoirse Ronan

Au cours de votre carrière, vous avez incarné de nombreux personnages féminins complexes comme dans le film Lady Bird. Comment choisissez-vous vos rôles ?

Il faut toujours qu’il y ait quelque chose dans le personnage ou dans le scénario qui m’attire et c’est toujours un bon signe quand je commence à réciter les dialogues à voix haute. Mais ça dépend, je n’ai pas vraiment d’idée prédéterminée de ce que je veux obtenir ou de ce que je recherche. Je sais quels mondes je voudrais explorer, mais je pense qu’en terme de rôles, c’est plus difficile à formuler. C’est comme lorsque vous rencontrez une personne pour la première fois, vous ne savez pas encore si l’alchimie va opérer ou pas.

Pour la première fois, vous êtes également productrice de ce film. Pourquoi avoir choisi d’endosser ce rôle ?

Cela fait 20 ans que je suis actrice et je suis très épanouie dans ce métier. Mais au fil des années, j’ai aussi gagné une certaine expérience que je voulais mobiliser. J’ai voulu être plus impliquée d’un point de vue créatif et apporter mon propre regard sur ce projet qui allait être centré sur moi. Après avoir été productrice de ce film, je pense que plus d’actrices devraient être dans le champ de l’action. En tant qu’acteurs, nous avons probablement plus d’expérience que certains réalisateurs, car nous passons souvent d’un rôle à l’autre et nous travaillons dans des environnements différents. Nous savons ce dont les réalisateurs ont besoin, ce qu’ils ressentent. 

“J’ai toujours considéré la mode comme quelque chose d’amusant. Je ne l’ai jamais prise trop au sérieux.” Saoirse Ronan

Cette année, vous avez été nommée ambassadrice de la maison Louis Vuitton. Quels rapport entretenez-vous avec le monde de la mode ?

Je suis quelqu’un qui n’a pas énormément de connaissances sur la mode. Mais je sais ce que j’aime et c’est souvent lié à une réaction émotionnelle. Je vais voir les défilés de Nicolas Ghesquière pour Louis Vuitton depuis quelques années et il y a des vêtements qu’il a créés qui vont faire naître un sentiment viscéral en moi. Je me sens attirée par certaines pièces sans vraiment savoir pourquoi. C’est assez excitant parce que c’est une forme d’histoire, la mode a fait son chemin auprès de moi tout au long de ma vie. J’ai toujours considéré la mode comme quelque chose d’amusant. Je ne l’ai jamais prise trop au sérieux.

Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ?

Je vais jouer dans Blitz, le prochain film de Steve McQueen qui se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. On y suit un petit garçon dans l’ouest de Londres qui essaie de rejoindre sa mère. Il a été envoyé à la campagne, et il essaie de revenir chez lui. C’est magnifique, épique et aventureux. Cela m’évoque l’univers de Steven Spielberg et c’est incroyable. Et l’année prochaine, je serais à l’affiche d’un film intitulé Bad Apples, une comédie centrée sur la vie d’une enseignante qui a kidnappé l’un de ses étudiants. 

The Outrun (2024) de Nora Fingscheidt, avec Saoirse Ronan, actuellement au cinéma.