28 fév 2019

Rencontre avec Finnegan Oldfield, le cool kid du cinéma français

Quitter l'école à 15 ans ne l’a pas empêché d’être prodigieux à l'écran. Riche d'une double nationalité, Finnegan Oldfield effectue des allers-retours entre la France et l’Angleterre, le drame et la comédie. S'il a parfois l'allure d'un lascar, l’acteur de 28 ans dégage une sérénité enivrante. Rencontre avec cette nouvelle gueule d'ange du cinéma français. 

Par Laura Catz.

Numéro : On vous décrit souvent comme un trublion… Est-ce lié à votre ressemblance avec le youtubeur français Norman ?

Finnegan Oldfield : Un trublion ? Ah mince ! Ça va mieux maintenant, la maladie du trublion s’est apaisée. Dans la rue, les gens se sont calmés concernant Norman… il est drôle mais c’est toujours pénible d’être comparé à quelqu’un. J’ai eu droit à tout. On m’a même dit que je ressemblais à Eddy De Pretto et au rappeur Vald…

 

J’ai trouvé cette photo sur les réseaux sociaux. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous vous êtes déguisé en porc sur Instagram ?

La question est plutôt : comment se retrouve-t-on déguisé en porc dans la rue ? J’étais avec des potes en train de boire des Perrier. Nous étions invités à une soirée où ils filaient pleins de déguisements. J’ai trouvé ce magnifique costume de porc que j'ai aussitôt enfilé. D'ailleurs, j’aimerais bien pouvoir le porter plus souvent, de manière plus… “casual”. Mais je n’ose pas encore. Peut-être pour ma prochaine interview.

 

Les réseaux sociaux sont-ils inévitables pour un jeune acteur ?

J’aimerais pouvoir m’en passer, j’y perds énormément de temps. C’est un véritable poison ce truc-là. Mais la dimension marketing est indéniable, nous avons tous les pieds en plein dedans. Les grands acteurs, eux, n’ont pas eu besoin des réseaux pour se faire une image. D’ailleurs, malgré le phénomène de groupe, beaucoup d’artistes géniaux ne les utilisent pas. Kevin Azais par exemple [Les Combattants, ndlr], et ça ne l’empêche pas de cartonner. Comme tout le monde, il m'arrive de rechercher des gens sur Instagram. Le dernier en date était l’acteur James O’Connell, James Cook dans la série Skins. Ça peut paraître débile mais j’étais content de voir des photos de lui. On peut forger notre propre image, ce n'est pas Getty Images qui publie des photos de nous déguisés en porc…

 

 

“Jouer, c'est vital pour moi”

 

 

Pendant la cérémonie des César, vous avez fait semblant d’être dégoûté par la décision du jury. Ce clin d’œil à Matt LeBlanc [Joey dans la série Friends] a fait réagir les internautes qui n’avaient pas saisi la référence. Cet acteur vous inspire ?

J’adore Matt LeBlanc car son personnage en fait des tonnes, mais ce n’est pas mon modèle d’acteur. J’aime beaucoup Gary Oldman, Christopher Walker mais aussi Patrick Dewaere, même si c'est un peu ras des pâquerettes. J’ai une énorme passion pour Heath Ledger et Jake Gyllenhaal pour ne rien vous cacher.

 

Vous avez quitté l’école à 15 ans, ce qui ne vous a pas empêché d’incarner un bac+5 dans Le Poulain de Mathieu Sapin…

Cela n’a jamais été un frein pour ma carrière.

 

Dans ce film, vous incarnez l’assistant d’une directrice de communication, incarnée par Alexandra Lamy. Votre copine travaille aussi dans ce domaine. Citez-moi trois adjectifs qui qualifieraient ces femmes…

Créatives, assidues et persévérantes.

 

Que d’éloges ! Exfiltrés, le nouveau long-métrage d’Emmanuel Hamon sort la semaine prochaine. Parlez-moi de votre rôle.

Je joue un mec qui bosse dans une ONG à la frontière turco-syrienne. On comprend vite qu’il a quitté la France pour travailler là-bas. Mais il va devoir retrouver une femme partie faire le djihad…

 

 

“Aujourd'hui, je casse moins de choses hélas” 

 

 

Dans ce film, Charles Berling campe votre père. C’est la deuxième fois que vous jouez avec cet acteur. Comment était-il sur le tournage ?

Il est très “acteur français” : il fait beaucoup de blagues, il sait très bien ce qu’il fait… Il est très bon mais prend beaucoup de place… Toujours sur les chapeaux de roues, c’est un bon partenaire !

 

Dans Marvin ou la belle éducation d’Anne Fontaine, vous incarnez un adolescent gay persécuté par sa famille animé par un besoin viscéral de jouer la comédie. Que partagez-vous avec ce personnage ?

Lui, c’est la comédie qui le sauve. Moi aussi, devenir acteur m’a permis de m’en sortir. Jouer, c’est vital. J'imagine difficilement la vie sans.

 

Vous avez confié au Monde adorer les endroits où vous pouviez tout casser… Que faites-vous pour vous défouler aujourd'hui ?

Je casse moins de choses hélas. Je fais de la musique, de la boxe, du football, de la piscine et je mixe. J'essaie aussi de me défouler dans le travail, en répétant mes textes.

 

 

Justement, parlons musique. Votre père est un Anglais passionné de musique jamaïcaine. Vous mixez régulièrement sur une radio, me semble-t-il…

En effet, je joue sur une webradio tous les mois, elle s’appelle Lyle. Mon show s’appelle “Lyle de la tentation”. Je joue également un peu de guitare. Je mixe depuis presque neuf ans mais ça devient sérieux depuis environ un an. J'organise des soirées à La Rotonde avec un pote, il faut venir !

 

Quand peut-on vous voir mixer ?

À La Rotonde, très prochainement. Sinon, au Festival Hello Birds à Saint-Malo avec Bon Esprit, les 13, 14 et 15 septembre prochain.

 

Quel est votre pire souvenir de tournage ?

Un de mes premiers longs-métrages, Les Hauts Murs (2008) avec François Damiens, je devais avoir 15 ans. L'histoire se déroulait dans un bagne, au cours des années 1920. On était une grosse équipe, environ 250 figurants et acteurs. J'ai profité du réglage des caméras pour me barrer, regarder le décor. Je suis allé aux toilettes, juste pour pisser… J’ai dû rester 15 minutes à me balader, ce qui est excessivement long sur un tournage. Lorsque je suis revenu sur le plateau, tout le monde m’attendait. Je me suis bien fait engueuler… C'était un vrai cauchemar, comme ces rêves au collège où tu te retrouves à poil dans la cour.  

 

Et votre meilleur souvenir ?

Le tournage de Cowboys, on faisait du cheval en Inde, c’était incroyable.

 

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite devenir acteur ?

De ne surtout pas faire ce métier [rires]. Cela demande beaucoup de travail. 

 

Vous êtes autodidacte, non ?

J’ai dû bosser avec une vraie coach pendant huit ans. C’est comme dans le sport, si tu veux varier les plaisirs et changer régulièrement de registre, tu ne peux pas te ramener les mains dans les poches. Même aujourd'hui, j'ai encore du travail à fournir. 

 

 

“Les Anglais n’attendent pas minuit qu’il y ait du Booba pour danser.”

 

 

Quels liens gardez-vous avec l’Angleterre ?

Beaucoup, ce sont mes racines, j’y vais dès que je peux, j’ai beaucoup de potes à Londres. Puis il y a le football et la musique… rien à voir avec la France. De très bonnes choses se font ici, notamment le rap, mais en Angleterre ils ont tout. Leur culture musicale est énorme : tu peux aussi bien écouter de la bonne trap que du bon rock. Après, je suis un peu vieux con sur les bords, j’aime bien écouter des vieux vinyles, du ska, de la soul. Là-bas, ils en jouent à fond. Tu vas dans n'importe quel bar, à tout moment des mecs arrivent et se posent avec des platines, et à 20h tout le monde danse. Les Anglais n’attendent pas minuit qu’il y ait du Booba pour danser, même si j'adore danser sur du Booba. Je vous conseille d’aller au Saint Moritz Club, à Londres. Tous les jeudis soirs, il y a les soirées Gaz's Rockin' Blues. Ce sont les même DJ depuis trente ans, ils ont accueilli les plus grands : The Clash , The Specials… c’est d’la balle ! Ce qui est marrant, c'est ce mélange de mecs en chapeau et costards et de jeunes hipsters. 

 

Peut-on vous voir sur grand écran Angleterre ?

On va me voir. Dans deux mois, je commence le tournage de Summer Fever, avec des alpinistes anglais et français. Le casting n’est pas encore confirmé.

 

Parlons politique… Avez-vous des amis anglais pro-Brexit ?

J’essaie de faire des blagues avec eux à ce sujet mais ça ne passe pas. C’est très délicat.

 

Avez-vous une petite préférence entre la France et l'Angleterre ?

Je suis très attaché à ces deux pays mais j’aimerais bien vivre en Angleterre… Après, ce n'est pas parce que mon boulot est en France que je ne peux pas bosser avec des Anglais.

 

Avec qui aimeriez-vous travailler prochainement ?

J’ai adoré Romain Duris dans Nos Batailles. J'aimerais beaucoup travailler avec le réalisateur notamment, Guillaume Senez.

 

Et le théâtre ?

J'envisage… Ce serait parfait pour travailler mon langage par exemple. Ce qui est intéressant au théâtre, c'est qu'on vous propose des rôles vraiment différents de ceux que vous avez l'habitude d'incarner au cinéma. J'aimerais bien jouer du Musset, pourquoi pas On ne badine pas avec l’amour.