26 fév 2018

Qui est Zita Hanrot, l’étoile montante du cinéma français ?

À 28 ans, la jeune actrice compte déjà un César et dix films à son actif. Elle est à l’affiche, ce mois de mars, de Carnivores et de La fête est finie, longs-métrages où elle interprète respectivement une star et une toxicomane… deux rôles diamétralement opposés qui démontrent toute l’étendue de son talent. Portrait. 

Blouson en cuir, MARGAUX LONNBERG. Photo : Arno Lam/Charlette Studio.

À l’affiche de quatre longs-métrages cette année, Zita Hanrot, distinguée par le César du meilleur espoir féminin en 2016, incarne, à 28 ans, le futur du cinéma français. Ce mois-ci, elle accompagne de sa présence solaire et sans artifice deux premiers films : La fête est finie, de Marie Garel-Weiss, et Carnivores. Pour cette dernière production, Jérémie Renier, l’acteur de Cloclo et des frères Dardenne, est passé derrière la caméra avec son demi-frère, Yannick, à la carrière plus discrète mais tout aussi remplie (Welcome, Patients…). Ensemble, ils ont imaginé une histoire de jalousie entre deux sœurs actrices, un récit dont on ignore dans quelle mesure il est autobiographique. Zita Hanrot campe celle qui connaît le succès, et Leïla Bekhti, celle qui galère. “Ce film parle de l’injustice entre ceux qui ont tout fait comme il faut et ceux qui prennent mieux la lumière”, décrit-elle, avant d’ajouter : “Je me demandais si je serais suffisamment star. Si je brillerais assez…” La réponse est oui.

 

Dans Carnivores, elle est star à en être horripilante, aux antipodes de la jeune femme que l’on interviewe sur un canapé, dans un studio photo de l’Est parisien. “Tout est allé trop vite pour Sam, mon personnage en pleine crise qui perd pied, explique-t-elle. Comme pour certaines filles qui se sont vu ouvrir toutes les portes après un seul film : les contrats d’égérie, l’argent qui va avec…” N’est-il pas troublant de devoir se glisser à l’écran dans le rôle d’une actrice ? Comment a-t-elle traversé ce périlleux jeu de miroirs ? Zita Hanrot, contrairement à Sam, n’est pas de celles qui s’égarent : “Ça ne me dérange pas qu’on vienne me chercher, me gratter, même si ce n’est pas la chose la plus saine. Mais les frères Renier voulaient que je compose un personnage. Ils sont belges mais ont une manière de travailler proche de celle des Anglo-Saxons.
 

Sweat-shirt, STELLA MCCARTNEY. Photo : Arno Lam/Charlette Studio.

Dans La fête est finie, il est également question d’un duo de femmes : deux toxicomanes, arrivées le même jour dans un centre de désintoxication, qui vont s’accrocher l’une à l’autre pour ne plus sombrer. “Pour le personnage de Sihem, j’ai emprunté beaucoup de choses à Leïla Bekhti”, avoue-t-elle avec ce mélange d’humilité et de décontraction qui semble constituer sa marque de fabrique. Des qualités qui ne surprennent guère lorsqu’on sait que Zita Hanrot a placé sa carrière sous le double signe d’Ariane Mnouchkine, chef de troupe de théâtre un peu hippie, et de Béatrice Dalle, quintessence de l’actrice instinctive. Elle raconte : “J’ai discuté de la mise en scène, des costumes, des décors, j’ai élargi mon regard, comme j’avais vu Leïla le faire sur le tournage de Carnivores…”

 

La fête est finie, premier long-métrage de Marie Garel-Weiss, est aussi le premier film de l’actrice Clémence Boisnard. “J’ai adoré être la grande”, confie Zita Hanrot en riant à propos de sa partenaire à l’écran. “Nous poursuivions la relation du film dans la vraie vie. Nous étions très proches, nous vivions ensemble. Le personnage que j’incarne a une âme plus vieille que son âge, c’est une jeune femme trop lucide qui essaie de s’anesthésier. Lorsque je tourne, j’ai tendance à absorber la personnalité de mon personnage et à me comporter comme lui… Cette fois, j’avais du mal à parler avec les autres. Cela a eu des conséquences sur le film, car on a finalement choisi de couper beaucoup de mes dialogues pour que le personnage de Sihem soit plus juste, plus vrai”, s’amuse-t-elle.

 

 

Lorsque je tourne, j’ai tendance à absorber la personnalité de mon personnage et à me comporter comme lui… À l’époque où j’étais plongée dans mon rôle de La fête est finie, j’avais du mal à parler avec les autres.” 

 

 

Le soir de sa victoire aux César, une chaîne d’information en continu la proclamepremière femme noire à obtenir un César” [ce qui est d’ailleurs faux]. Réaction de la jeune actrice : “C’est agaçant, très agaçant même. Ça me met en colère. Qu’on m’accole cette étiquette alors que ma famille est issue du métissage… Je n’ai pas été élevée avec ce genre de catégories.” Aux antipodes de cette assignation ethnique, elle a grandi à Marseille entre un père “blond aux yeux bleus” et une mère d’origine jamaïcaine qui se sont rencontrés aux Beaux-Arts de Paris, dans les années 80. Et son credo en la matière semble bien être : “Je m’en fous !” – telle fut sa réponse à Marie Garel-Weiss, qui lui demandait si le fait que son rôle soit celui d’une Maghrébine lui posait problème. “Pour l’instant, en France, il y a plus de rôles pour des acteurs maghrébins, et je trouve ça génial de pouvoir m’inviter dans ces castings.

 

Petit à petit, Zita Hanrot se constitue une famille de cinéma. Après le tournage de La fête est finie et de Carnivores, elle a notamment retrouvé Jérémie Renier, cette fois devant la caméra, dans L’Ordre des médecins de David Roux. Et partage de nouveau l’affiche avec Laurent Lafitte, après K.O., dans Paul Sanchez est revenu ! de Patricia Mazuy. “Pour ce film d’action à l’humour proche de celui des frères Coen, explique-t-elle, j’ai dû suivre une préparation physique avec un coach, faire de la boxe, et j’ai aimé ça.” Un nouveau défi qui démontre l’étendue du registre de Zita Hanrot et la richesse de son univers. Une fille à suivre, assurément.

 

 

La fête est finie de Marie Garel-Weiss, sortie le 28 février Carnivores de Jérémie et Yannick Renier, sortie le 28 mars.