6 août 2025

Pourquoi de plus en plus d’actrices deviennent réalisatrices

Zoë Kravitz, Scarlett Johansson, Kristen Stewart, Dakota Johnson, Noémie Merlant, Céline Sallette, Laetitia Dosch ou encore Judith Godrèche… En 2025, les actrices deviennent réalisatrices pour présenter des films loin du male gaze. Des aventures cinématographiques tout sauf anodines…

  • par Violaine Schütz

    et Jordan Bako.

  • C’était l’une des tendances phares de ces derniers années et du dernier Festival de Cannes. Mais aussi, sans doute, du prochain. En 2024, de nombreuses actrices ont présenté des films en tant que réalisatrices. Céline Sallette a été sur la Croisette pour défendre Niki, un biopic sur l’artiste Niki de Saint Phalle, Noémie Merlant pour Les Femmes au balcon (qui se passe à Marseille, en pleine canicule), Laetitia Dosch pour Le Procès du chien et Ariane Labed pour September Says. Judith Godrèche a dévoilé un court-métrage sur les violences sexuelles, Moi aussi. Et la présidente du jury du festival était, elle aussi, une comédienne devenue cinéaste : Greta Gerwig

    Noémie Merlant, Laetitia Dosch… De plus en plus d’actrices réalisatrices

    Le fait que de plus en plus de femmes passent derrière la caméra pour donner leur vision des choses, loin du male gaze, n’est pas anodine. Elle coïncide avec l’importance prise par le mouvement #MeToo. Les femmes ne veulent plus être les objets d’un regard ou d’un désir masculin mais proposer leurs propres récits et leurs héroïnes, souvent plus nuancées que celles nées de l’esprit d’un cinéaste.

    Comme nous le disait récemment la réalisatrice Anissa Bonnefont : “Il y a eu aussi et il y a encore des hommes qui savent et qui aiment raconter les femmes merveilleusement. Il y a aussi de plus en plus de cinéastes femmes qui aujourd’hui commencent à prendre de la place et à représenter la femme différemment au cinéma. C’est rassurant d’être témoin de cela, même si on est encore très très loin de l’égalité femmes/hommes dans notre industrie. Aujourd’hui, on voit des films de réalisatrices où les femmes sont racontées dans toute la beauté et la puissance de leur complexité et il faut que ça arrête de faire peur.

    La bande-annonce du film Les Femmes au balcon (2024).

    La fin de l’actrice-femme objet aux mains d’un réalisateur tout puissant ?

    Avec l’avènement de figure de l’actrice devenue réalisatrice, il s’agit d’une manière d’entériner une ère de la comédienne-objet. De l’instrument aux mains d’un créateur tout puissant. Comme le disait l’actrice Juliette Binoche à propos de ces débuts dans le cinéma dans Libération : “Quand la jeune actrice, mutante, hésitante se donne à travers un rôle, elle se tend vers son réalisateur pour avoir son approbation. Entière, elle est à lui, à elle-même, au monde. Cette demande de la jeune actrice ne donne-t-elle pas l’illusion au cinéaste que tout est pour lui ? N’a-t-il pas perçu que cet extrême désir de l’actrice en cache un autre, qui n’est pas forcément charnel, mais invisible, intouchable, un désir d’absolu qui le dépasse et la dépasse ?

    Un mouvement qui s’impose aussi outre-Atlantique

    Le phénomène n’est cependant pas récent. Asia Argento, Valeria Bruni-Tedeschi, Nicole Garcia, Hafsia Herzi, Monia Chokri, Mélanie Laurent, Emmanuelle Bercot, Zabou Breitman, Sophie Marceau, Agnès Jaoui, Julie Delpy, Valérie Donzelli, Sandrine Kiberlain, Valérie Lemercier, Maïwenn, ou encore Joséphine Japy – qui défendra son premier film en sélection officielle du Festival de Cannes 2025 – sont toutes passées de la comédie à la réalisation.

    Et la mouvance a déjà gagné les États-Unis depuis quelques années. À commencer par Angelina Jolie, qui a fait ses premiers pas dans la réalisation dès 2007 avec le documentaire A Place in Time. En septembre dernier, la star d’Une vie volée a défendu au Festival international du film de Toronto, Without Blood, un drame avec Salma Hayek dont elle est la réalisatrice et scénariste.

    Après deux ans de présence discrète dans les médias, Zoë Kravitz est revenue sur le devant de la scène, cette fois derrière la caméra. Blink Twice est le premier film qu’elle réalise : un projet avec Channing Tatum et Naomi Ackie en tête d’affiche, en cours d’écriture depuis 2017.

    Scarlett Johansson et Kristen Stewart à Cannes en tant que réalisatrices

    Cette année, Scarlett Johansson et Kristen Stewart ont toutes les deux concouru au Festival de Cannes 2025 avec des films dont elles signaient la réalisation. La star de Twilight recrute notamment l’actrice Imogen Potts pour son premier long-métrage intitulé The Chronology of Water, en salles en décembre prochain.

    Et celle qui a récemment sacrée actrice américaine la plus lucrative du box-office mondiale dirige un film intitulé Eleanor the Great, avec June Squibb à la tête d’affiche.

    Dakota Johnson et Greta Lee derrière la caméra

    Enfin, Dakota Johnson, Greta Lee et Alison Brie s’apprêtent toutes les trois à se glisser de l’autre côté de l’objectif. La première s’est exprimée à ce sujet sur l’estrade du festival de cinéma de Karlovy Vary, en République tchèque. Elle serait en train de “peaufiner les derniers détails” d’un long-métrage, avec la jeune actrice Vanessa Burghardt dans le premier rôle. Cette dernière avait, par ailleurs, déjà collaboré avec Dakota Johnson pour la comédie Cha Cha Real Smooth (2022). “Je pense que je vais réaliser un film, un tout petit film, bientôt, j’espère. Et cela me tient vraiment à cœur,” a expliqué la comédienne de la rom com Materialists.

    Quant à Greta Lee, elle dirigerait bientôt une adaptation du roman d’horreur The Eyes Are The Best Part. Avec ce projet, la star du drame Past Lives (2023) change totalement de registre en réinterprétant l’histoire d’une étudiante d’origine coréenne qui se découvre des passions cannibales (avec une préférence pour les yeux humains)…

    Alison Brie s’apprête, elle aussi, à réaliser un premier long-métrage teinté d’horreur. Dans une interview accordée au Marie Claire américain, l’actrice des séries Community et GLOW a récemment annoncé avoir travaillé à l’écriture d’un film avec la scénariste Alice Stanley Jr. Déjà réalisatrice d’un épisode de GLOW, Elle décrit ce futur film comme un projet très fun qui graviterait autour de figures féminines. “Pendant que nous l’écrivions, je sentais que je l’écrivais pour le diriger par la suite. Je pouvais voir chacun des plans dans ma tête”, confie-t-elle dans les colonnes du magazine.

    De plus en plus d’actrices productrices

    De la comédie à l’horreur, en passant par le drame et la romance : les films réalisés par des actrices semblent donc avoir de beaux jours devant eux. Tout comme ceux qui sont produits par femmes. Au sujet de la sortie de son film The Outrun, Saoirse Ronan confiait ainsi Numéro : “J’ai voulu être plus impliquée d’un point de vue créatif et apporter mon propre regard sur ce projet qui allait être centré sur moi. Après avoir été productrice de ce film, je pense que plus d’actrices devraient être dans le champ de l’action.”

    Les actrices devenues productrices se sont imposées à Hollywood au fil des années, de Reese Witherspoon à Viola Davis. Bref, en 2024, en s’emparant d’une caméra et en devenant productrices, les comédiennes reprennent définitivement le pouvoir. De la même manière que lorsque Margot Robbie déclamait à la fin de Barbie (2023), dans une séquence métaphysique : “Je ne veux plus être une idée.”

    The Chronology of Water (2025) de Kristen Stewart, au cinéma le 10 décembre 2025.