Les secrets honteux de Pornhub révélés sur Netflix
Objet de fantasme polémique et outil indispensable aux travailleurs et travailleuses du sexe, le site pornographique Pornhub lancé en 2007 et directement inspiré du modèle de YouTube dévoile sa face cachée dans un documentaire Netflix entre revenge porn et pédopornographie…
Par Alexis Thibault.
1. Pornhub : un site X qui génère 900 requêtes par seconde
Pornhub : gros plan sur le géant du sexe débute par des éclats de rire. Ceux d’une actrice X désarçonnée par la question de Suzanne Hillinger, journaliste américaine à l’initiative de ce documentaire diffusé sur la plateforme Netflix : “Vous souvenez-vous du premier porno que vous avez vu ?”. La réponse importe peu. Ici, il sera question de scandales, de tabous et de témoignages à l’encontre d’un véritable empire. Car l’industrie pornographique brasse des milliards (les États-Unis qui représentent près de 90% des productions, génèrent un marché de 10 milliards de dollars annuels environ). Mais le secteur a mauvaise presse et cherche à se racheter une conduite. En 2018, Pornhub enregistre plus de 900 requêtes par seconde à travers le monde, et 200 000 vidéos sont visionnées chaque minute. Ce poids considérable dans le marché accule les patrons du sexe à répondre aux accusations qui leur sont faites, notamment vis-à-vis des jeunes qui découvrent le X à 11 ans, des femmes qui ne se retrouvent pas dans les contenus, trop souvent misogynes, et surtout, de la modération inefficace face au contenu pédopornographique et au revenge porn, une pratique illégale qui consiste à se venger d’une personne en rendant publics des contenus pornographiques où figure cette dernière.
2. La naissance de l’empire Pornhub, de Timesquare à Kanye West
Les premières images pornographiques diffusées sur Internet ne sont que des dessins de poitrines pixelisées réalisés à l’aide de signes de ponctuation. À l’époque, internet n’a pas encore colonisé les foyers et les ordinateurs restent des machines ronflantes et démesurées. YouPorn naît en 2006 de la main de deux geeks en quête du maximum de trafic. Comme l’explique la réalisatrice Ovidie, “ces deux businessmans se sont appuyés sur une loi de 1998 permettant aux sites de streaming de balancer toutes les vidéos qu’ils voulaient jusqu’à ce que l’ayant-droit se manifeste.” Après avoir peu à peu racheté toutes les plateformes concurrentes, ils fondent Mindgeek en 2013. Basée au Luxembourg, cette entreprise rachète alors Pornhub, une plateforme imaginée par trois étudiants québécois passionnés… de sexe. Face à la quantité, les rois du X promettent, eux, la qualité. Et n’importe quelle vidéo peut-être diffusée sur la plateforme en un simple clic pour le plus grand plaisir des travailleur et travailleuses du sexe. Peu à peu, avec l’essor de nouveaux modèles économiques – et pornographiques – ils se tournent vers de nouveaux services comme Onlyfans, plus proche du fonctionnement d’un réseau social, et doublent voire triplent leur rémunération. Un acteur confesse par exemple passer de 4 000 à 10 000 dollars par mois. Mais Pornhub frappe toujours plus fort. La plateforme s’affiche en grand sur Timesquare et invite par exemple la pin-up soul Kali Uchis à ses Pornhub Awards, une cérémonie de remise de prix délirante organisée à Los Angeles. Un an plus tôt, un certain Kanye West en était le chef d’orchestre, l’accro au X dévoilait en avant-première son titre I Love It.
3. Pédopornographie et revenge porn… le début d’un véritable scandale
La fête aura été de courte durée pour la société au bureaux aseptisés dignes de n’importe quelle entreprise de tech’. Très vite de multiples scandales éclatent et des associations – puritaines ou non – s’attaquent à Pornhub fustigeant ses écarts et son laxisme. Plutôt que de prendre des mesures préventives, le géant du X a préféré attendre sagement l’arrivée de la tornade… qui s’avère dévastatrice. Héros des mères de famille américaines, le journaliste du New York Times Nicholas Kristof désapprouve les agissements de l’entreprise et révèle à son homologue Suzanne Hillinger les résultats de son enquête de 2020 : “Plus j’ai fait des recherches, plus j’ai été horrifié par les innombrables cas d’enfants dont la pire expérience est gravée dans le marbre sur Pornhub. Serena Fleites, 14 ans, était amoureuse d’un garçon de 15 ans. Il lui a demandé d’envoyer une vidéo d’elle nue. Ce qu’elle a fait… Il lui a alors demandé d’en envoyer une autre, puis encore une autre. Jusqu’à ce que les gens commencent à la regarder avec un sourire en coin. Quelqu’un avait posté ces vidéos sur Pornhub et l’une d’elle totalisait 400 000 vues. Elle a demandé aux responsables du site de les supprimer. Certaines l’ont été, d’autres non. Et dès qu’elles étaient supprimées, quelqu’un d’autre les diffusait à nouveau…” Pire encore, Pornhub a tiré profit de ces vidéos monétisées, c’est à dire transformées en argent comptant via la plateforme. En décembre 2020, Nicholas Kristof publie l’article “The Children of Pornhub” dans les colonnes du New York Times et met le feu aux poudres. Basés à Chypre ou au Canada, les modérateurs de contenu avouent tout : il est très difficile d’évaluer l’âge des protagonistes d’une vidéo téléchargée sur la plateforme et donc quasiment impossible de savoir si les coïts non simulés impliquent des mineurs. Quant à la question du consentement dans le partage de ces vidéos, il n’en est même pas question… Outil indispensable des travailleur et travailleuses du sexe mais aussi véritable bombe à retardement, Pornhub révèle bien plus de secrets dans ce documentaire à ne pas manquer.
Pornhub : gros plan sur le géant du sexe, disponible sur Netflix.