14 nov 2025

Julien de Saint Jean, le jeune acteur qui a conquis le cinéma français

Doté d’un charisme rare, Julien de Saint Jean vit, depuis quelques années, une percée fulgurante au cinéma. Révélé par son rôle dans Le Comte de Monte- Cristo, l’acteur de 24 ans incarne une masculinité sensible et nuancée, qui rencontre les évolutions de notre époque. Toutes les portes s’ouvrent devant ce talent en devenir, que l’on retrouve ce mois de novembre dans la série Merteuil diffusée sur HBO Max.

  • par Olivier Joyard

    , portraits Jonathan Llense

    et réalisation Samuel François.

  • Julien de Saint Jean, du Comte de Monte-Cristo à Merteuil

    Plus de dix millions de paires d’yeux ont regardé Julien de Saint Jean se glisser dans la peau d’Andrea, le fils caché illégitime de l’ignoble M. de Villefort, joué par Laurent Lafitte. C’était dans Le Comte de Monte-Cristo, carton français de 2024. Le jeune homme (âgé de 24 ans désormais) était alors un quasi-inconnu.

    Il a embrassé le désir de vengeance et la quête d’identité de son personnage sans se poser de questions, avec fougue et souplesse. Au point que son partenaire Pierre Niney, alias Edmond Dantès, en est resté bouche bée, disant de lui sur le plateau de l’émission Quotidien : “Il a une cinégénie de star.

    La cinégénie ? C’est ce petit truc en plus, cette injustice fondamentale sur laquelle s’appuie le cinéma depuis plus d’un siècle. Quand la caméra, posée sur certains visages, en révèle plus que la beauté : un magnétisme, un appel vers l’imaginaire qui rend les émotions irrésistibles.

    Les projets palpitants de Julien de Saint Jean

    On ne se débarrasse pas de l’image d’Andrea dans Le Comte de Monte-Cristo, y compris un an et demi après la sortie, avec le souvenir de répliques devenues cultes : “J’ai grandi comme un voleur et j’ai fini prince.” Quand nous rencontrons Julien de Saint Jean, dans le bar d’un hôtel chic du 10e arrondissement de Paris, les retombées sont toujours visibles et le garçon ne fait pas semblant d’être redescendu de son nuage. Depuis la sortie du film, les propositions se sont succédé.

    La veille, il a pris des cours de danse et de langue des signes. Le matin même, de piano. Tout cela pour le tournage d’un film situé dans le milieu du cabaret, réalisé par Axel Courtière – il se murmure que le reste du casting comprend Juliette Armanet et Karin Viard.

    C’est tellement bien, les projets qui révèlent tes aptitudes et te font rencontrer de nouvelles personnes”, s’enthousiasme-t-il. Dans Le Cœur Fou, Julien de Saint Jean interprétera le fils muet d’une diva sur le déclin. “C’est un peu comme tuer la mère pour s’émanciper. Le film est très beau, c’est le premier que j’accepte sans passer de casting. C’est aussi le premier scénario que j’ai lu après la sortie du Comte de Monte-Cristo. Le réalisateur a vraiment une patte visuelle très forte, hyper colorée et pop, un peu à la Wes Anderson.

    Quand on est jeune comédien, c’est important de montrer une palette de jeu.” Julien de Saint Jean

    Cet été, le jeune acteur a tourné Demande à la montagne, premier long-métrage de Pierre Menahem, avec Emmanuelle Béart ; ainsi que la grosse production d’Alexandre Castagnetti adaptée du Fantôme de l’Opéra, où l’on retrouve Deva Cassel, Romain Duris et Guillaume Diop. “Quand on est jeune comédien, c’est important de montrer une palette de jeu. Cette année, j’ai navigué dans beaucoup d’univers. C’est l’effet Comte de Monte-Cristo. J’ai eu la chance que le film soit un succès critique et commercial.”

    Ce succès ne l’a pas seulement mis sur la carte des jeunes acteurs qui comptent, il a aussi libéré Julien de Saint Jean d’un poids. “Au début, je souffrais du syndrome de l’imposteur. J’avais l’impression que si un autre acteur avait eu le rôle, il aurait été très bien. Je ne voyais pas trop ce que j’apportais.

    Sur le plateau de Demande à la montagne, le comédien a perçu une différence. “Je me suis senti libre car j’ai pu me concentrer sur mon jeu. Avant, j’avais si peur d’être nul ou d’oublier mon texte que je faisais le minimum vital. J’étais tellement stressé que j’arrivais à peine à sourire. Le soir, quand je repensais à ma journée, c’était en termes négatifs. Maintenant j’arrive à me dire que si on me choisit, c’est parce que je l’ai mérité.

    Mon envie de devenir acteur, je l’ai manifestée très tôt.” Julien de Saint Jean

    Ne jamais croire les apparences tranquilles d’un comédien. Parfois, une montagne de doutes se glisse derrière l’image de la séduction. Chez Julien de Saint Jean, cela relève du paradoxe : d’aussi loin qu’il s’en souvienne, ce métier a toujours été celui qu’il visait, dès l’enfance et les petits spectacles devant la famille. “C’est vrai que mon envie de devenir acteur, je l’ai manifestée très tôt. À 10 ans, j’ai dit à mes parents que je voulais emménager à Paris, parce que c’est là que se passent les castings. J’allais sur des sites où je payais deux euros pour avoir l’e-mail d’inscription à un casting ouvert. Ma mère cachait sa Carte Bleue, sinon je dépensais trop.” [Rires.]

    Toute son adolescence mène celui qui est originaire du village de Saint-Julien (dans le Beaujolais) vers son but ultime : intégrer le milieu du cinéma. Il veut devenir réalisateur, se pique aussi de lubies, comme celle d’aller apprendre l’anglais dans une école américaine en… Albanie, où vivent un oncle et une tante, à cause de son amour pour le cinéma américain. Il y passe quelques mois. Au moment d’entrer en première, après avoir changé plusieurs fois de collège et de lycée, sur les conseils de sa mère il se présente finalement au Conservatoire de Lyon.

    La folle aventure du Comte de Monte-Cristo

    Avec l’insolence de la jeunesse, je pensais que si on payait, on entrait. Je ne me rendais pas compte que c’était une formation élitiste. Mais grâce à mon envie, ça a fonctionné. C’est là-bas que j’ai trouvé une rigueur dans le travail et des gens qui pensaient comme moi. Le matin, j’allais juste faire ce que j’aime, j’avais mon premier appartement, c’était génial.” À l’époque, il fallait une dérogation pour suivre cette formation dès l’âge de 15 ans. La plupart des camarades de classe de Julien de Saint Jean avaient entre 18 et 25 ans. Ensuite vient la montée à Paris pour une première école d’art dramatique, l’ÉSAD, puis la classe libre du Cours Florent, le graal des apprentis acteurs et actrices qui veulent briller au cinéma. Très vite, il décroche un rôle. Puis un autre. Le tour est joué. 

    La folle aventure du Comte de Monte-Cristo arrive quelques mois après son départ du Cours Florent. Les réalisateurs Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, qui cherchent désespérément un acteur assez charismatique pour interpréter Andrea, appellent son agent après avoir vu la bande-annonce d’Arrête avec tes mensonges.

    Ils connaissaient Guillaume de Tonquédec, avec qui je venais de jouer dans ce film. Il a été gentil et m’a beaucoup encensé.” Le reste se passe de commentaires. “lls sont venus voir le film, puis m’ont proposé une lecture avec Pierre Niney. Le lendemain, ils m’appellent : ‘Julien, nous sommes désolés, mais on va ruiner tes vacances d’été.’ C’était lancé. Le tournage s’est tellement bien passé, c’était incroyable.

    Le cinéma peut être éphémère.”Julien de Saint Jean

    Arrive ce moment d’une carrière où il faut choisir, trier, rester visible sans exagérer non plus sa présence sur les plateaux. “Le cinéma peut être éphémère”, explique-t-il, lucide. Julien de Saint Jean se donne les moyens, travaille plus que d’autres, depuis quatre ans avec une coach. “Pour moi, c’est essentiel, je ne comprends même pas comment certains peuvent s’en passer. On peut être très seul dans le cinéma et c’est bien d’avoir quelqu’un qui te suit sur la durée. Parfois, j’ai des tics de jeu dans la diction, le visage. Si quelqu’un ne me les pointait pas, j’aurais peut-être la même expression dans chaque film !

    Cet automne, on peut dès à présent mesurer son évolution dans la série Merteuil (d’après Les Liaisons dangereuses) où il donne la réplique à Anamaria Vartolomei, Diane Kruger, Vincent Lacoste et Lucas Bravo. Cette production HBO Max a été l’occasion de travailler avec la réalisatrice de Maria, Jessica Palud, très sensible aux questions de genre et d’égalité.

    Une nouvelle génération d’acteurs français

    Comme les autres jeunes acteurs et actrices de sa génération, Julien de Saint Jean vit dans un monde post-MeToo, où les plateaux de cinéma font l’objet de discussions parfois très animées sur les vieilles “traditions” sexistes. “Sur le film avec Emmanuelle Béart, quand on se retrouvait le soir avec les techniciens pour se détendre, ce sont des sujets qu’on abordait. Les blagues sexistes, beaucoup se rendent compte qu’elles ne sont plus possibles. L’industrie est en mouvement, alors que mes parents avaient très peur quand j’ai commencé le cinéma, surtout à cause des histoires de viol ou de drogue. Je n’ai pas été témoin de comportements inappropriés, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’existent pas.

    Pour étayer sa thèse du changement en cours, l’acteur cite comme exemple l’apparition de coordinatrices et de coordinateurs d’intimité, de façon presque systématique. “Pour Merteuil, ça a été le cas. C’était nécessaire et même obligatoire par rapport à l’envie de mise en scène de Jessica Palud. Pour Le Fantôme de l’Opéra, pareil. Même pour une simple scène de baiser, c’est important. Sur le tournage de Demande à la montagne, j’ai parlé des scènes de sexe avec le réalisateur. On voulait que ce ne soit pas voyeur. Lors de mon premier film, mon contrat stipulait que j’avais la possibilité de voir le montage des scènes d’intimité. Si quelque chose m’avait dérangé, comme le fait qu’on voit trop mes fesses par exemple, j’aurais pu demander à couper.”

    Julien de Saint Jean, une autre image du masculin

    Une autre image du masculin se dévoile, même si, dans le monde réel, la percée des clichés virilistes est réelle, comme un contrecoup à la révolution féministe des années 2010. De quoi inspirer à Julien De Saint Jean une profession de foi : “Dans ma personnalité comme dans mes rôles se trouve une sensibilité différente de la virilité classique. En me choisissant, les réalisateurs prennent en charge cette idée. Dans la vie, je suis assez sensible. Il m’arrive de modifier un peu mes personnages dans ce sens-là. C’est toujours beau de montrer les fissures derrière la carapace. Le plus important, quand je joue un rôle, c’est de créer de l’empathie.

    Voilà un jeune homme parti pour imprimer sa marque sur le cinéma français et au-delà. Il va d’ailleurs tourner en 2026 une comédie romantique entre l’Inde et la France, entièrement en anglais, avant, probablement, de prendre le contre-pied. “Mes rêves de gosse, ce serait de tourner un film d’horreur et un James Bond. Quand j’étais petit, je voulais être espion.” Il est tombé juste à côté. Acteur, ni plus ni moins.

    Merteuil (2025) créée par Jean-Baptiste Delafon et réalisée par Jessica Palud, disponible sur HBO Max.

    Le Comte de Monte-Cristo (2024) de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, avec Pierre Niney, Anamaria Vartolomei, Anaïs Demoustier et Laurent Lafitte, disponible sur Canal+.

    Le Cœur Fou (2026), d’Axel Courtière, n’a pas encore de date de sortie. Demande à la montagne (2026), de Pierre Menahem n’a pas encore de date de sortie.

    Coiffure et maquillage : Pomme Seiler avec les produits SO BiO étic. Assistant photographe : Christophe Schumacher. Assistant réalisation : Arthur Callegari. Numérique : CalibreLAB.