Rencontre avec Vimala Pons, héroïne sensible du film Mikado
Dans le film Mikado, actuellement au cinéma, l’actrice, circassienne et metteuse en scène Vimala Pons brille aux côtés de Félix Moati avec qui elle élève ses enfants sur la route, à rebours d’un contexte familial traditionel. À cette occasion, Numéro a rencontré la comédienne habitée qui ne cesse de multiplier les projets passionnants…
propos recueillis par Nathan Merchadier.
L’interview de Vimala Pons, star du film Mikado
Numéro : Vous êtes actuellement à l’affiche du film Mikado, comment vous a-t-on présenté ce projet ?
Vimala Pons : C’est le cinquième film que je fais avec Baya Kasmi, une réalisatrice qui m’a aidée à me révéler car j’ai tourné dans son premier court métrage intitulé J’aurais pu être une pute (2011). Depuis, on ne s’est jamais lâchées. Baya m’a appris que je pouvais avoir un potentiel comique. La fidélité entre une réalisatrice et une actrice est quelque chose de très particulier car lorsqu’on travaille pendant longtemps avec quelqu’un, il essaie de vous plonger à des endroits différents de votre propre personnalité. C’est un apprentissage perpétuel et passionnant.
Avec Félix Moati, vous incarnez les parents d’une famille qui élève ses enfants sur les routes. Comment s’est déroulée la rencontre avec votre personnage ?
L’histoire de ce film est très personnelle. Elle est inspirée d’une histoire vraie. Avec Félix, nous avons pu rencontrer les personnes à qui c’est arrivé. C’était génial car nous avons pu jouer avec une forme d’imitation et de copier-coller en mobilisant des moments de nos vies. J’ai moi-même vécu en caravane, en bateau et en camion donc je connais cette vie qui se veut en marge. Je prends le soin de préciser “qui se veut en marge” parce que j’avais justement le choix de ne pas faire ce choix. Dans le cas des personnages du film, ils n’ont pas le luxe de choisir ou non cette vie, donc c’est un peu différent…
Le film évoque subtilement ces familles dont les choix de vie ne correspondent pas aux normes établies…
Dans ce film, il y a une forme de cavale déguisée en road trip mais je pense que la notion de “marge” n’existe pas lorsqu’elle est subie. Là c’est quelque chose qui vous contraint à être exclu de la société. Le sujet du film est assez grave mais grâce au regard de Baya, qui est quelqu’un d’extrêmement solaire, c’est devenu très joyeux.

“J’ai vécu en caravane, en bateau et en camion donc je connais cette vie qui se veut en marge.” Vimala Pons.
Le scénario de Mikado comporte une forte dimension politique. Est-ce que ça a motivé votre envie de jouer dans le film ?
Le film soulève une interrogation fondamentale : qu’est-ce qu’aimer quelqu’un ? Est-ce le protéger à tout prix, ou au contraire, lui permettre de se confronter au monde, de se libérer ? L’histoire de cette famille m’a d’ailleurs fait penser au Monde de Nemo, le film de Pixar. Le père dit à son fils : “Il ne t’arrivera jamais rien.” Cette phrase peut se lire de deux manières : oui, protéger quelqu’un, c’est éviter qu’il lui arrive quelque chose de dangereux. Mais c’est aussi, paradoxalement, l’empêcher de vivre des choses intéressantes. Je connais bien les milieux de la contre-culture, et être en marge de la société, ce n’est jamais simple. Rien n’est vraiment pensé pour cela. C’est non seulement précaire sur le plan matériel, mais aussi très énergivore au quotidien.
Quelques mois plus tôt, vous étiez à l’affiche du film l’Attachement de Carine Tardieu dans lequel vous tombez amoureuse de Pio Marmaï. Quels souvenirs gardez-vous de ce tournage ?
Carine Tardieu est une réalisatrice d’une extrême précision. Je la décris souvent comme un mélange entre Margaret Thatcher et Pina Bausch. Chez elle, rien n’est laissé au hasard. Aucun geste, ni aucun mot ou couleur. J’ai adoré cette exigence, sans doute parce qu’en tant qu’équilibriste, je viens d’une pratique physique très cadrée. Tourner avec Pio Marmaï a aussi été un vrai plaisir. Quand tu connais bien ton partenaire de jeu, tout va plus vite, surtout pour un second rôle où tu dois marquer fort avec peu de scènes. Tu débarques avec une intensité, une couleur bien tranchée. Dans le film, en quelques séquences, nos personnages se rencontrent, s’embrassent, couchent ensemble, se marient, vivent une fausse couche… puis se séparent. C’était très dense, et cette connaissance mutuelle nous a permis d’aller chercher quelque chose de très intime, notamment dans la scène de l’aéroport, à la fin.

Dans le film Le Beau rôle (2024) vous faites face à William Lebghil, qui incarne un personnage très différent du vôtre. Lorsqu’il est question d’amour, les opposés s’attirent-ils toujours ?
Toujours. Même si William Lebghil et moi, nous ne sommes pas trop opposés. Je pense par ailleurs que l’on tombe toujours amoureux de quelqu’un pour la même raison que celle qui nous pousse à le quitter…
La comédie romantique est-il un registre que vous appréciez particulièrement ?
J’adore les comédies romantiques. J’ai tourné dans La Fille du 14 juillet (2013) et La Loi de la Jungle (2016) d’Antonin Peretjatko qui sont pour moi deux comédies romantiques burlesques. Et dans Marie et les naufragés (2016) de Sébastien Betbeder, nous formons même un trouple.
Êtes-vous une grande consommatrice de comédies romantiques ?
Je suis consommatrice de tout : j’aime tout, tout le temps avec tout le monde et pour toujours. Donc oui, j’aime beaucoup les comédies romantiques. Et voici une liste non exhaustive de mes rom coms favorites : True Romance (1993) de Tony Scott, Quand Harry rencontre Sally (1989) de Rob Reiner, Moi, toi et tous les autres (2005) de Miranda July, Un Jour sans fin (1993) de Harold Ramis, 40 ans, toujours puceau (2005) de Judd Apatow et L’Homme aux deux cerveaux (1993) de Carl Reiner.

“Quand j’ai porté un immense César sur ma tête lors de la cérémonie, Julia Roberts a dû se dire que c’était truqué.” Vimala Pons
Comment arrivez-vous à réinventer perpétuellement votre jeu d’actrice au cinéma ?
J’aime bien me regarder au retour image. Cela me permet de comprendre plein de choses sur mon jeu, surtout avec les indications du réalisateur. Mais à force de revoir les films dans lesquels je joue, j’ai parfois l’impression de tomber dans un piège : celui de me copier moi-même. Quand on parle de “se réinventer”, je pense que ce sont surtout les cinéastes qui nous offrent cette possibilité. En réalité, jouer, ce n’est pas tant inventer de nouvelles facettes que d’en faire taire certaines. C’est un travail de dépouillement plus que de démultiplication. Contrairement à l’idée que l’on se fait parfois, on ne se transforme pas en Gremlins. Il ne faut surtout pas nous nourrir après minuit… ni nous jeter dans l’eau.
Lors de la 50e cérémonie des César, vous avez porté un César géant sur votre tête et avec William Lebghil, vous avez livré un discours émouvant sur le thème du succès…
J’étais ravie d’avoir écrit cette fausse citation du Dalaï-Lama car j’adore les fausses citations. Et au moment où j’ai lâché mes mains du César géant, je suis presque sûre que Julia Roberts a cru à une mise en scène truquée ! Mais au-delà de l’équilibre physique, il y avait derrière ce numéro quelque chose de symbolique. Avec William Lebghil, on voulait évoquer le poids du succès, au sens propre comme au figuré. Ce César de 20 kilos est devenu le point de départ d’un discours sur la manière dont on peut porter le succès sans pour autant se laisser écraser. Et ce que j’ai trouvé très beau, c’est que certains comédiens présents ce soir-là — comme Karim Leklou ou Franck Dubosc — ont incarné, à leur façon, cette philosophie. Il y avait chez eux cette légèreté, cette autodérision qui faisait écho à ce que l’on avait envie de partager.
Pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Je serais prochainement également à l’affiche de Sauvons les Meubles (2025) de Catherine Cosme. C’est un magnifique premier film avec Yoann Zimmer qui raconte l’histoire de la réalisatrice. On y suit sa mère qui est en train de mourir à la suite d’un cancer. À part cela, je viens de finir le premier film de Syrine Boulanouar intitulé Bombonera. C’est aussi un premier film explosif et tendre sur le foot de rue dans lequel je donne la réplique à Soufiane Guerrab. Après, il y aura un long-métrage de Pierre Salvadori avec Pio Marmaï, Charlotte Le Bon et Gilles Lellouche. Un film d’époque dans lequel nous incarnons un quatuor. À côté de ces projets excitants, je travaille sur mon spectacle et j’écris un film…
Mikado (2025) de Baya Kasmi, avec Vimala Pons et Félix Moati, actuellement au cinéma.