28 mars 2025

Lou Lampros, nouvel espoir du cinéma français revélé dans Vivre, mourir, renaître

Nommée Révélation des César en 2023 pour son interprétation dans le film Ma nuit, la talentueuse
Lou Lampros compte déjà, au jeune âge de 23 ans, huit films à son actif. Ils témoignent de son goût pour les rôles intenses, comme celui qu’elle incarne dans le mélodrame de Gaël Morel, Vivre, mourir, renaître, sur les années sida. C’est encore dans la peau d’un personnage sans compromis, sauvage et bouleversant, qu’elle se glisse, aux côtés de Céline Sallette dans Les Furies, premier film de fiction de Camille Ponsin.

  • Par Olivier Joyard

    Portraits par P.A Hüe de Fontenay.

  • Publié le 28 mars 2025. Modifié le 31 mars 2025.

    Lou Lampros, révélation des César 2023 et visage poignant de Vivre, mourir, renaître

    Dans le beau mélodrame de Gaël Morel sur les années sida, Vivre, mourir, renaître, sorti à l’automne 2024, Lou Lampros interprétait une jeune femme en couple avec un homme bisexuel. “L’enjeu était de savoir pourquoi elle en vient à accepter l’histoire d’amour de celui qu’elle aime. Cette question, on me l’a posée avant le film, lors d’un dîner de travail, et j’ai répondu qu’on n’allait pas parler de ces choses-là ici. On fait du cinéma pour aborder des sujets dont on ne parle pas à table !”

    Voilà une belle définition de la part de celle qui, à 23 ans, s’affirme comme l’un des espoirs du cinéma français : fouiller là où regards et pensées ne se portent pas toujours. Lou Lampros l’a compris, alors que son visage devient familier, après huit films en cinq ans de carrière.

    Fuir les normes et les conventions

    Repérée sur les quais de Seine à Paris lors d’un casting sauvage alors qu’elle n’avait que 14 ans, à cause de sa “bonne gueule”, comme elle le dit elle-même, Lou Lampros a débuté en tant que mannequin avant de regarder vers le septième art en 2019 avec Madre de l’Espagnol Rodrigo Sorogoyen. “Sur le plateau, j’étais submergée. J’ai eu l’impression que nos enfants intérieurs jouaient avec des machines. J’ai trouvé le lieu où je pouvais réellement m’échapper et rêver exactement comme quand j’étais petite.” Quand elle raconte son enfance auprès d’une famille sensible à l’art, dans le quartier parisien du Marais, la jeune femme en revient toujours à une envie de fuir ce qui a pu ressembler à une norme.

    Petite, j’étais sauvage. À l’école, je ne comprenais pas pourquoi j’étais là, assise sur une chaise, alors que je voulais partir. Ma mère était de toutes les réunions de parents d’élèves pour obtenir les contacts des autres parents et me retrouver au cas où je disparaîtrais. J’étais indomptable, c’est le mot de mes parents. Je n’ai ni le brevet ni le bac. Je me suis construite hors du cadre conventionnel et cela fait toujours partie de moi.

    Une actrice au jeu intense et physique

    Dans un parcours où elle impressionne par son engagement physique et son intensité, Lou Lampros évoque un moment charnière, le film Ma nuit, où elle tient le premier rôle. Une errance nocturne dans la capitale française,
    qui l’a marquée. “Antoinette Boulat, la réalisatrice, est la personne qui a changé ma vie. On s’est rencontrées sur le casting du film The French Dispatch de Wes Anderson, où je fais une apparition. C’est une très grande cinéphile, comme son compagnon, le réalisateur Nicolas Saada. C’est ma famille de cinéma, ils m’ont un peu adoptée à cet endroit-là. Je suis aussi très proche de leur fille Lucie, également actrice.

    Cinéphile et boulimique de théâtre au point de poursuivre ses études d’art dramatique, Lou Lampros passe ses journées hors travail à tout autre chose que courir les castings : lire, jouer, rêver à des aventures. Elle dit du cinéma qu’il est “le lieu de l’intime”, parle avec passion d’un dramaturge français de la génération de Bernard-Marie Koltès, Didier-George Gabily, dont elle lit face à nous un bel extrait : “Chaque froissement peut fournir une indication précieuse. Le bruit des hommes qui font silence, voilà ce qu’il faut deviner impérativement.” On ignore si le sens poétique du silence guide l’existence de la comédienne, mais on est impatient de la retrouver sur un écran pour éprouver sa présence.

    Les Furies, le dernier projet de Lou Lampros avec Céline Sallette

    Ce sera le cas dans le premier film de fiction du documentariste Camille Ponsin, avec Céline Sallette. “Je joue une fille sauvage qui vit dans les bois et qu’on ne cesse de chercher à faire revenir dans le monde des hommes. Forcément, je me sentais proche d’elle.” Sur le plateau, Lou Lampros a tutoyé ses limites. “Physiquement, le travail fourni pour ce rôle, où je ne parle pratiquement pas, était de l’ordre du dépassement de soi. J’ai fait du ski sans skis et sans neige, des sauts de deux mètres, je rentrais en sang à cause des ronces, je n’avais peur de rien ! J’ai pris ce rôle comme un geste extrême de liberté.

    Lou Lampros dit avoir avec son métier “un rapport d’endurance, comme une athlète”. Et il en faut dans un monde du cinéma où l’arrivée de MeToo n’a pas réglé tous les problèmes. “Les femmes qui parlent, témoignent, prennent le risque d’utiliser des aspects de leur intimité profonde pour les mettre dans l’espace public, elles se dévoilent pour nous toutes. Elles en payent parfois le prix. C’est compliqué, fascinant et beau.” L’admiration qu’elle a pour ces figures féministes la pousse : “Pour moi, ce n’est que le début. Nous traversons un moment révolutionnaire. Ma génération y est vraiment sensible. Jamais je ne voudrais faire ce métier sans ce qui se passe.”

    Coiffure : Tié Toyama chez Calliste Agency. Maquillage : Marie Lamia Bernad avec les produits Byredo. Set design : Aymeric Arnould. Assistant photographe, numérique et retouche : Paolo Caponetto. Production : Alyssa Baranzelli chez Open Space Paris.