Cannes 2025 : nos pronostics et nos coups de cœur du festival
Après dix jours intenses sur la Croisette, nos coups de cœur et pronostics parmi les vingt-deux films de la compétition du Festival de Cannes 2025.
par Olivier Joyard.
Un Palmarès engagé au Festival de Cannes 2025 ?
Pour ce Festival de Cannes 2025, nous avons joué au jeu risqué des pronostics et des coups de cœur, en attendant la cérémonie qui a lieu ce samedi à 19h. Car à quelques heures du verdict, une question brûle les lèvres : qui brandira la récompense la plus convoitée du cinéma mondial sur la scène du Grand Théâtre Lumière ?
Le Jury du Festival de Cannes 2025, présidé par Juliette Binoche, doit faire ses choix parmi 22 longs-métrages venus des quatre coins du monde. Et autant de propositions radicalement différentes, de la comédie sur le cinéma (Nouvelle Vague) au brûlot politique (Un simple accident).
Si une Palme d’Or “consciente” semble s’annoncer, alors que les conflits font rage de Gaza à l’Ukraine, le palmarès donnera quoi qu’il arrive le pouls du cinéma. Un verdict d’autant plus décisif, alors que cet art si précieux s’avère plus menacé que jamais par les censures politiques ou financières.

Quel film aura la Palme d’or à Cannes en 2025 ?
Le favori : Un simple accident de Jafar Panahi
L’an dernier, Les Graines du Figuier sauvage de l’Iranien Mohammad Rasoulof était annoncé comme une Palme sûre. Avant d’être coiffé sur le poteau par la surprise Anora de Sean Baker. Cette fois, on voit mal comment Juliette Binoche, si sensible au mouvement Femme, Vie, Liberté, pourrait ne pas décerner un prix majeur à Jafar Panahi. En effet, symbole de la résistance au pouvoir des Mollahs à Téhéran – le réalisateur a été emprisonné et interdit de tourner. Ainsi, son film Un simple accident raconte comment des victimes de torture de la part du pouvoir iranien retrouvent leur agresseur. Une réflexion sur la vengeance et le traumatisme d’une grande force politique, qui ferait une Palme d‘or consensuelle et méritée.
Nos coups de cœurs : Sirat d’Oliver Laxe et Resurrection de Bi Gan
Le frisson d’un cinéma audacieux et sans limites est ce que l’on recherche à Cannes. Et, deux films ont incarné à nos yeux ce portrait-robot. D’abord Sirat du realisateur espagnol Oliver Laxe, ainsi que Resurrection du Chinois Bi Gan. Deux invitations au voyage, l’un à travers le désert marocain dans les pas d’un troupe de teufeurs confrontés au danger, l’autre à travers le temps et l’histoire du cinéma, d’une ambition sidérante. Rares sont les Palmes qui privilégient l’exploration formelle. Mais passer à côté de gestes de cinéma aussi puissants serait une déception.
Nos pronostics pour le Grand Prix du Festival de Cannes
Le favori : L’Agent secret de Kleber Mendonça Filho
L’accueil a été unanime pour le brillant réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho, qui replonge dans les années 1970 à Recife pour raconter l’histoire d’un scientifique (Wagner Moura) acculé par la dictature militaire. Un film à la fois politique, d’une actualité brûlante, et d’une grande sensualité. Finalement, un compromis très convaincant entre engagement et esthétique.
Notre coup de cœur : Jeunes mères de Luc et Jean-Pierre Dardenne
S’ils ne raflent pas leur troisième Palme d’Or après Rosetta (1999) et L’Enfant (2005), Luc et Jean-Pierre Dardenne, ne devraient pas repartir bredouilles des agapes cannoises, grâce à leur très beau Jeunes mères. En tout cas, on l’espère. Dans ce film social et romanesque, les grands cinéastes belges dénoncent la mise au ban des plus fragiles dans nos sociétés avec une intensité bouleversante.
Qui recevra le Prix du Jury en 2025 ?
Le Favori : Sound of Falling de Mascha Schilinski
Parmi les sept réalisatrices présentes en compétition, la quadragénaire allemande Mascha Schilinski a surpris avec Sound of falling. Un film de 2h40 qui raconte de façon impressionniste le destin de plusieurs femmes du milieu du 20e siècle à aujourd’hui. Sans céder aux clichés du film historique, cette plongée stylisée dans une expérience féminine de l’oppression a beaucoup plu. Également pressenti, Two Prosecutors, le réquisitoire contre le totalitarisme de l’Ukrainien Serguei Losnitza, situé pendant les purges staliniennes des années 1930.
Notre coup de cœur : La Petite dernière de Hafsia Herzi
Après avoir remporté le César de la Meilleure Actrice pour Borgo, la comédienne et réalisatrice française Hafsia Herzi poursuit son excellente année 2025, avec La Petite dernière. Une adaptation du roman autobiographique de Fatima Daas. Ce récit délicat de la découverte par une jeune femme de banlieue de son homosexualité touche juste.
Quelles actrices pour le Prix d’interprétation féminine ?
La favorite : Jennifer Lawrence dans Die My Love
Si vous voulez voir Jennifer Lawrence danser, ramper, hurler, le dernier film de Lynne Ramsay (dont on avait remarqué We Need To Talk About Kevin en 2011) est fait pour vous. Dans le rôle d’une jeune mère white-trash insatisfaite, touchée par une dépression post-partum sévère, l’actrice américaine brille. Si le film nous a déçu, voilà le genre de rôle qui redéfinit une carrière.
Notre coup de cœur : Yui Suzuki dans Renoir
Celleux qui ont vu ce film délicat sur une enfant déphasée par la maladie grave de son père, se souviennent du regard bouleversant de la jeune Yui Suzuki. Car, Renoir est sa première incursion dans le cinéma. Elle brille sous le regard de la prometteuse réalisatrice Chie Kayakawa, basculant de la petite fille de CM2 rieuse à l’enfant hantée par des émotions irréversibles. Si le film n’obtient pas une autre récompense, l’actrice de 12 ans a vraiment sa chance de remporter le Prix d’interprétation féminine.
Et quels acteurs pour le Prix d’interprétation masculine ?
Le favori : Joaquin Phoenix dans Eddington
Joaquin Phoenix a déjà été récompensé au Festival de Cannes en 2017. Et en 2025, il pourrait bien repartir une seconde fois avec le Prix d’interprétation masculine. Et ce, grâce à sa performance intense dans Eddington d’Ari Aster, néo-western situé durant la pandémie de Covid. Dans ce portrait d’une Amérique fragmentée, l’acteur du Joker interprète le shérif asthmatique d’une petite ville du Nouveau-Mexique, qui au lieu de faire respecter la loi, ajoute du chaos au chaos du monde. Une performance sur-mesure.
Nos coups de cœur : Guillaume Marbeck dans Nouvelle Vague
Inconnu au bataillon avant son irruption sur la Croisette, le Français Guillaume Marbeck a ébloui avec son interprétation fidèle, joueuse et idéalement arrogante du maître du cinéma Jean-Luc Godard. Dans Nouvelle Vague de Richard Linklater, qui raconte de façon très plaisante le tournage du chef-d’œuvre A bout de souffle en 1959, il montre qu’il sait tout faire. Y compris marcher sur les mains.
Mais aussi, Stellan Skarsgard dans Sentimental Value
De son côté, le vétéran Stellan Skarsgard (Breaking The Waves, Dune, Andor) nous a aussi séduit. Dans Sentimental Value de Joachim Trier, incarne un réalisateur qui tente un comeback pour réparer ses erreurs passées. Et, dans ce drame virtuose inspiré de Tchekov et Bergman sur la famille et la création, l’acteur suédois apparait très émouvant.