24 mai 2025

Cannes 2025 : Resurrection, le film du prodige chinois Bi Gan, remporte le Prix spécial du jury

En lice pour la Palme d’or, Ressurection, le troisième film du réalisateur chinois Bi Gan, réunit Shu Qi et Jackson Yee dans un ambitieux hommage au cinéma. Notre chronique du long-métrage qui a remporté le Prix spécial du jury.

  • par Olivier Joyard.

  • Ressurection, un hommage au cinéma

    Alors que Nouvelle Vague de Richard Linklater rendait la vie à Jean-Luc Godard en racontant le tournage de A bout de souffle, Cannes accueille en compétition un autre film dont le cinéma est la matière, le cœur battant. Sauf, qu’avec Ressurection, nous assistons peut-être à son oraison funèbre, nécessaire avant de croire en sa résurrection.

    À mille lieues de la comédie virtuose du réalisateur américain, le surdoué chinois Bi Gan – qui a déjà réalisé Kaili Blues et Un Grand voyage vers la nuit – propose une rêverie stupéfiante et ultra-personnelle. Au programme, 2h35 saturées d’images entre rêves, souvenirs et paraboles, réalisme et conte, science-fiction, mélo et polar trouble.

    Jackson Yee et Shu Qi au casting

    Resurrection raconte plusieurs histoires découpées en chapitres. Le destin étrange d’un héros – Jackson Yee, superstar chinoise, membre du boys band TFBoys – se dessine. Il est le dernier homme capable de rêver dans un monde ayant oublié cette pratique. Il est l’homme-cinéma, devenu monstrueux. Une femme – Shu Qi, immense actrice vue notamment chez Hou Hsiao-hsien – entre dans ses rêves faits de pellicules et nous y accompagne.

    Nous parcourons alors le XXe siècle en traversant à la fois l’Histoire de la Chine et celle du 7e art. À mesure que le film avance, nous décryptons le mystère de sa composition et des effets qu’il produit sur nous. Nous flottons dans un océan de surprises et de signes, tandis que Bi Gan stimule nos sens. En effet, une partie du long-métrage est consacré à l’ouïe, l’autre au goût, une autre à l’odorat, et enfin, une dernière au toucher.

    Un troisième film ambitieux pour Bi Gan

    Le film à la fois nous saisit et nous échappe. Parfois limpide, à d’autres moments, difficile à suivre. Mais ça ne veut pas dire qu’il s’égare. Le chef-d’œuvre espéré n’est pas toujours là, mais est-ce si grave devant une tentative aussi vivante, habitée, planante ?

    À trente-cinq ans, Bi Gan fait preuve d’une ambition folle. Il travaille le cinéma et les films l’ayant précédé comme une glaise dont il veut extraire une création singulière, une lumière arrachée aux ténèbres. Celles d’un monde qui croit peut-être moins au cinéma. Et le Festival de Cannes est sans doute le meilleur endroit pour le dire.

    Que faut-il penser du film, auréolé du Prix spécial du jury ?

    Cités et copiés afin d’en retirer la substantifique moelle, on reconnait pêle-mêle L’Arroseur arrosé des frères Lumière, La Dame de Shanghai d’Orson Welles, L’Aurore de Murnau et d’autres. Mais aussi ce que l’on pourrait imaginer d’un cinéma du futur, libéré des récits linéaires, accueillant les effets spéciaux pour mieux poétiser le monde.

    AInsi, Resurrection est une sorte de remake géant et impossible. Un film qui pourrait être le dernier de l’histoire du cinéma, en même temps que le premier, un geste primitif et futuriste. Ne pas le voir au Palmarès du Jury de Juliette Binoche aurait été une déception. Mais heureusement, le long-métrage qui nous a captivés a remporté le Prix spécial du jury lors de la cérémonie de clôture du festival.

    Resurrection de Bi Gan.  En compétition au Festival de Cannes 2025.