Chef-d’œuvre ou fresque mièvre : que vaut The Fabelmans, le nouveau Spielberg ?
Autobiographie intime et bouleversante pour les uns, fresque mièvre et convenue pour les autres, The Fabelmans, le nouveau long-métrage de Steven Spielberg est une longue déclaration d’amour au 7e art. Grand favori des Oscars 2023, ce film, attendu en salle le 22 février, raconte la naissance d’une passion dévorante pour le cinéma chez un gamin devenu l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire…
Par Alexis Thibault.
1. The Fabelmans : Steven Spielberg se raconte dans son nouveau film
Janvier 1952. Installé, entre ses parents, sur un siège rouge deux fois trop grand pour lui, le petit Sammy Fabelman vit un grand moment : sa toute première séance de cinéma. Au programme ce soir, The Greatest Show on Earth [Sous le plus grand chapiteau du monde], film grandiose de Cecil B. De Mille. Soudain, un train convoyant toute une ménagerie à son bord déraille brutalement et fonce droit sur l’enfant terrifié. Mais comme par magie, Sammy Fabelman s’en sort indemne. Sur le chemin du retour, ses parents Burt et Mitzi (incarnés par Paul Dano et Michelle Williams) vont assister aux conséquences irrémédiables de cette expérience inédite : plus qu’une simple passion, le cinéma va devenir une sorte d’infection à laquelle l’aîné de la famille ne pourra échapper. Victime de sa nouvelle obsession, il ne sort plus de sa chambre où, plongé dans le noir, il passe son temps à projeter des images. Inlassablement, il recompose l’accident qui l’a tant marqué grâce à une maquette et à un instrument qui ne le quittera plus jamais à partir de ce moment-là : une caméra. Pendant 2h30, Steven Spielberg va alors raconter la passion dévorante d’un gamin pour le cinéma, entre exploration des relations amoureuses, poids de son ambition artistique et bricolages d’effets spéciaux.
2. Une œuvre taillée pour les Oscars
Autobiographie bouleversante pour les uns, interminable fresque d’une mièvrerie sans nom pour les autres, le nouveau long-métrage de Steven Spielberg est une longue déclaration d’amour au 7e art taillée pour les Oscars. Dans ce film-confidence directement inspiré de sa jeunesse – la caméra de l’Américain ne nous emmènera pas plus loin que son adolescence – Steven Spielberg s’adjoint encore les services du compositeur John Williams et du scénariste Tony Kushner, déjà aux manettes de Munich (2005), Lincoln (2013) ou West Side Story (2021) sacré “Meilleur film musical” aux Golden Globes mais pas vraiment aux Oscars où seule Ariana Debose décrochera la statuette du “Meilleur Second rôle”. Cette année, The Fabelmans compte toutefois sept nominations et s’impose comme le grand favori, porté par son propos, ses acteurs et son scénario.
3. Une œuvre académique qui évoque le propre cinéma de Steven Spielberg
The Fabelmans livre un secret de fabrique : comment devient-on réalisateur ? D’abord, en essayant et en étant imaginatif. Ensuite, en se trompant. On découvre comment Steven Spielberg filme les femmes pour la première fois – notamment à travers une scène magnifique avec sa propre mère. On y découvre aussi comment, à partir d’une même suite d’images il réussit à produire deux discours différents, comment il filme la guerre, comment il parvient à filmer des monstres en n’oubliant pas leur part d’humanité, en l’occurrence, les étudiants antisémites qui ont croisé sa route à l’université. De ce récit initiatique on retiendra surtout l’adage du réalisateur américain John Ford, dont Spielberg s’amuse notamment à recréer une attaque de diligence. Cigare aux lèvres, inséparable de son cache-œil de pirate et incarné par un cinéaste légendaire dans The Fabelmans, John Ford déclare : “Quand l’horizon est en haut, c’est intéressant. Quand il est en bas, c’est intéressant. Quand il est au milieu, c’est chiant à mourir ! Pigé ?”
The Fabelmans de Steven Spielberg, en salle le 22 février.