5 spectacles à ne pas manquer au Festival d’Automne, entre cinéma, danse et théâtre
Cette année, le Festival d’Automne célèbre son cinquantième anniversaire. Fondé en 1972 par Michel Guy, le festival propose depuis une sélection de pièces de théâtre et danse, mais aussi de films, dans une soixantaine de lieux parisiens, toujours entre septembre et février. Numéro a sélectionné cinq spectacles à ne pas manquer cette saison.
Par Mathilde Cassan.
3. Y aller voir de plus près de Maguy Marin au Théâtre de la Ville – Les Abbesses
Ce nouveau spectacle de Maguy Marin est directement inspiré par La Guerre du Péloponèse de Thucydide, récit d’un conflit entre Athènes et Sparte, devenu un chef d’oeuvre de la littérature antique. Au fil de ses réflexions, la danseuse et chorégraphe française, s’est penché sur l’éternel recommencement des malheurs humains – entre guerres et désastres. Conçu comme un espace de résistance face à la barbarie, ce spectacle propose une relecture de l’Histoire et de ses parts d’ombre et engage une réflexion radicale sur la violence. Maguy Marin entreprend ainsi, à sa manière, d’aller y voir de plus près, tel que l’indique le titre qu’elle a choisit pour son spectacle. Elle affirme : « traiter politiquement l’Histoire, c’est la penser du point de vue de ses moments et de ses points d’intervention stratégiques » Politiques, les propositions de la chorégraphe se distinguent par leur recherche constante d’avoir une emprise sur le monde. Elle conjugue ainsi références littéraires, chorégraphie et dramaturgie avec brio, bousculant comme toujours ses spectateurs.
1. Gisèle Vienne dissèque l’âme humaine au Théâtre Paris-Villette
Née en 1976, la chorégraphe et plasticienne franco-autrichienne est devenue célèbre pour ses mises en scènes expérimentales, à l’instar de Crowd, monté en 2017 où une quinzaine d’acteurs incarnaient des fêtards en pleine rave, dansant pendant 1h30, au rythme de la musique électronique. Déjà, l’artiste pluridisciplinaire cherchait à ausculter minutieusement les fantasmes et les désirs de ses personnages pendant toute une nuit. Cette fois, Gisèle Vienne passe de la danse à la scène tout en poursuivant son exploration de la sensualité humaine et de la part obscure de l’âme humaine. Dans l’Etang, elle ausculte la relation tumultueuse entre Fritz, interprété par Adèle Hænel, et sa mère. Sur scène, les deux personnages s’entre déchirent, partagés entre amour et haine : le jeune garçon va même jusqu’à tenter de se suicider pour ressusciter l’amour de sa mère. Passant des larmes aux hurlements et prêtant sa voix à d’autres personnages, la performance d’Adèle Hænel est renversante. À la manière d’un automate, le langage corporel de l’actrice est en décalage avec le texte prononcé, mimant ainsi le dédoublement du personnage, partagé entre des sentiments ambivalents. Soulignée par une mise en scène impeccable, l’ambiance lumineuse et la musique participent à amplifier chacun des gestes des deux femmes, concourant à former une expérience sensorielle complète et perturbante, où les émotions sont disséquées sans relâche.
2. Le portrait de l’Amérique des exclus par Kelly Reichardt au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou organise une rétrospective de la réalisatrice américaine Kelly Reichardt, cinéaste américaine reconnue depuis 2009 avec Wendy et Lucy – récit d’une jeune femme dans la misère jetée sur les routes. A travers ses films – road-movie, thriller ou western – elle propose une chronique passionnante de l’Amérique contemporaine en dressant le portrait des exclus et des laissés-pour-compte, loin des canons d’Hollywood. Parcourant les paysages reculés de l’Amérique rurale, Kelly Reichardt, part à la rencontre de femmes solitaires ou d’agriculteurs précaires, comme dans son dernier film First Cow (2021), disponible sur la plateforme de streaming MUBI. En filmant ses personnages avec tendresse, elle porte un regard doux et poétique sur cette Amérique en déclin. L’Amérique retraversée au Centre Pompidou offre ainsi une traversée dans l’œuvre de la réalisatrice qui, film après film, réinvente l’histoire de son pays.
L’Amérique retraversée de Kelly Reichardt, du 14 au 24 octobre, Centre Pompidou, Paris
3. Robert Wilson réadapte une de ses pièces oubliées au Théâtre de la Ville
Chef de file du théâtre d’avant garde new-yorkais dans les années 60, Robert Wilson investit le Théâtre de la Ville avec une pièce de théâtre nommée I was sitting on my patio… Dans une scénographie bicolore, Bob Wilson propose une réadaptation majestueuse d’une de ses pièces les moins connues. L’élégance et la sobriété de la pièce font d’I was sitting on my patio une œuvre de rupture, davantage personnelle, que l’artiste pluridisciplinaire interprétait lui-même lors de la création en 1977. Mêlant arts plastiques, théâtre et musique, le tableau épuré met en valeur les deux personnages vêtus de costumes noir et blanc et maquillés de blanc à la manière de pantomimes, complétant ainsi les masques et les perruques qui dessinent les silhouettes anguleuses des personnages. Le travail plastique de Bob Wilson est ici à son apogée.
4. Anne Teresa de Keersmaeker rend hommage à son compositeur favori à La Villette
Drumming est une des pièces emblématiques de la danseuse et chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker. Créé en 1998, ce spectacle de danse rend hommage au musicien américain Steve Reich, pionnier dans les années 1960 du renouvellement de la musique classique aux Etats-Unis. La chorégraphe lui avait d’ailleurs déjà consacré une pièce en 1982 nommée Fase, signifiant Four Movements to the music of Steve Reich. Au rythme des percussions, les douze danseurs, vêtus de somptueux costumes créés par le créateur Dries Van Noten, vivent la musique au plus profond de leur corps : l’osmose entre musique et danse est complète où chaque pas de danse est fidèle à l’esprit de la musique qui raisonne dans l’ensemble de la halle de la Villette. Des deux côtés de la scène, les musiciens frappent sur les tambours éclairés par des néons blancs. Cette danse contemporaine, véritable ode à la musique est une partition en mouvement qui se vit avant tout dans l’espace. Les danseurs en constant mouvement, incarnent le rythme martelant des percussions. Plus qu’une chorégraphie, ce spectacle est magnétique : le regard du spectateur finit par se perdre parmi ces corps qui s’agitent à vive allure, se laissant porter par le rythme hypnotique des tambours.
Drumming d’Anne Teresa de Keersmaeker, du 9 au 12 décembre, Grande Halle de la Villette, Paris
5. Une exposition révèle les processus de création de l’artiste Derek Jarman
L’artiste anglais Derek Jarman, décédé du sida en 1994, est mis à l’honneur au Crédac. Ce militant pour les droits homosexuels était un acteur, scénariste, musicien et réalisateur expérimental dont les films ont notamment révélé son actrice favorite et amie Tilda Swinton au public. Après des années de débauche à Londres, il est diagnostiqué séropositif en 1986 et décide alors de se retirer dans la campagne anglaise. Là, il se consacre à l’écriture et au jardinage qui fonctionnent pour lui comme une thérapie. De même que la patience et l’attention que Derek Jarman accordait à ses fleurs, cette exposition, l’une des premières en France qui revient sur le parcours de l’artiste, se consacre à l’analyse de l’importance des processus de création dans son travail. Cette sélection rassemble une cinquantaine de peintures ainsi de plusieurs films, issus de la collection de la fondation LUMA récemment installée à Arles, où l’on peut prendre le temps de voir l’artiste à l’œuvre. En effet, l’acte de collecter est un temps clé de sa pratique, puis il aime ensuite à magnifier ces éléments trouvés tel un alchimiste des temps modernes. Se concentrant uniquement sur la dernière partie de sa vie, l’exposition rend hommage à ce grand artiste du XXème siècle, mort à l’âge de 52 ans.
Deap Soul Whispers, du 25 septembre au 19 décembre, Crédac, Ivry