Les secrets des premiers parfums Balmain racontés par Olivier Rousteing et Dove Cameron

Rencontre croisée avec Olivier Rousteing et Dove Cameron

Numéro : Olivier, pourquoi lancez-vous aujourd’hui la beauté Balmain ?
Olivier Rousteing : Après plus d’une décennie aux rênes de Balmain, il était temps pour moi d’écrire un nouveau chapitre. La beauté va vraiment faire office de révolution pour la maison. Pierre Balmain a créé son premier parfum, Élysée 64-83 [le numéro de téléphone du salon de couture], dès 1946, juste un an après avoir fondé la maison. Il était important pour moi de m’inscrire dans son héritage : de nombreuses personnes ignorent sans doute que la maison a produit des parfums iconiques, comme Vent Vert, en 1947, Ivoire, en 1979, Ébène, en 1983. Pour ma part, je voulais proposer d’emblée huit parfums, car la maison est aujourd’hui connue pour la “Balmain Army”, une army of love, beaucoup d’inclusivité, de diversité. Lancer un seul parfum n’aurait pas reflété cette diversité. Les huit fragrances représentent un vaste éventail de personnalités. Vent Vert mêle le vert de mandarine et le jasmin. Il correspond à un type de personnalité qui recherche la fraîcheur et une certaine énergie. Mon préféré, c’est Carbone, fondé sur du musc, qui dégage une certaine chaleur et reste mystérieux. Rouge est plus scintillant, plus sensuel. Ivoire reste dans un certain classicisme, celui des codes parisiens. Sel d’Ambre est plus épicé. Bleu, très solaire, évoque l’été et la Méditerranée. Ébène est un boisé. Au-delà des ingrédients, c’est surtout une histoire de personnalités très diverses qui peuvent se retrouver dans l’une ou l’autre des fragrances.

Votre credo, pour cette ligne de parfums que vous lancez, est que la beauté permet de se trouver soi-même. Qu’entendez-vous par là ?

O. R. : Je pense que la beauté est une façon d’exprimer sa personnalité avec une certaine pudeur. Le parfum est une invitation extrêmement élégante à se faire connaître : il permet de ressentir très fortement quel est l’univers d’une personne, et l’on sait intuitivement si elle pourrait nous attirer ou non. Le choix d’un parfum en dit long sur
une personnalité. C’est ce que j’ai souhaité dire ici : choisir une fragrance, c’est se faire connaître ou se connaître soi-même. Il y a là une forme de thérapie, ou de catharsis.

“Après plus d’une décennie aux rênes de Balmain, il était temps pour moi d’écrire un nouveau chapitre. La beauté va vraiment faire office de révolution pour la maison.”

Olivier Rousteing

Dove, vous élaborez avec soin vos looks beauté, qui sont très créatifs. Quelle importance accordez-vous au choix de votre coiffure, de votre maquillage ? Et quelle est votre relation avec les parfums ?
Dove Cameron : Pour moi, la beauté, les parfums et l’écriture de chansons permettent de traduire une partie de soi-même en quelque chose de tangible. La mode et la beauté permettent aussi de communiquer ce que l’on est aux autres, et je suis une communicatrice par nature. Je m’amuse beaucoup à trouver des idées de looks en rapport avec ce sur quoi je travaille, ou avec l’étape où je me trouve dans ma vie, pour aider les autres à me comprendre, et pouvoir me rapprocher d’eux. À mes yeux, c’est une forme d’intimité, une façon de se livrer, jamais de se cacher. Quant aux parfums, j’aime ceux qui me donnent confiance en moi. Les huit parfums Balmain sont tous uniques et intenses, mais Carbone est vraiment celui qui a le plus résonné en moi. Il me donne un sentiment de puissance. Il appartient à la famille des muscs, il est à la fois irrévérencieux et maximaliste, mais aussi innocent d’une manière vraiment sincère. J’aime le fait qu’il ait des notes à la fois masculines et féminines, ce qui me permet de m’exprimer pleinement. Je suis attirée par les parfums qui racontent une histoire lorsque la personne qui les porte entre et sort de la pièce, et c’est pleinement le cas de Carbone. Je suis très honorée d’avoir l’opportunité de participer au lancement de quelque chose qui m’enthousiasme vraiment. Travailler avec l’équipe de Balmain Beauty et Olivier est un rêve devenu réalité. Au fil des ans, Olivier a été un véritable ami et une source d’inspiration pour moi.

Olivier, les huit parfums Balmain sont non genrés, les avez-vous sciemment pensés comme tels ?

O. R. : La réalité, c’est que je n’ai jamais pensé à cette question. Jamais je ne me suis dit : “Celui-ci est plutôt pour une femme, celui-là pour un homme.” J’aime le fait, au contraire, que des femmes et des hommes puissent aimer les mêmes fragrances. Dans les huit parfums qui constituent cette collection, je serais bien en peine d’attribuer un genre à l’un ou à l’autre. Cela fait partie des éléments qui me rendent très fier.

Dove, en tant que personne queer, le fait que ces parfums soient non genrés vous touche- t-il particulièrement ? Par le passé, vous avez décrit le sentiment d’aliénation que vous éprouviez lorsque vous vous efforciez, pour plaire aux hommes, d’incarner certains archétypes féminins…
D. C. : J’aime le fait qu’Olivier ait conçu chaque parfum de manière à ce qu’il ne soit pas genré. Au fil des ans, j’ai beaucoup souffert de la différence entre ma relation à moi-même et la façon dont les autres me perçoivent, et plus particulièrement des attentes relatives aux normes archétypiques du genre. L’expérience humaine n’est pas monolithique. C’est un paysage. Plus nous accepterons les nombreuses facettes de la présentation et de la représentation de soi, mieux l’espèce humaine se portera. J’aime le message d’Olivier, qui souhaite créer une marque pour toutes les beautés. C’est une célébration de l’expression et de la non-conformité, ce qui est mon rêve personnel.

Olivier, pourquoi avez-vous souhaité construire ces fragrances sur une dualité entre deux notes fortes ?
O. R. : Pour moi, la dualité est ce qui rend le parfum le plus énigmatique possible, ce qui crée une magie. Je n’aimais pas l’idée d’extrapoler autour d’un ingrédient dominant. Ivoire, le parfum iconique lancé par Pierre Balmain en 1979, joue sur le contraste fort entre la tubéreuse et une note boisée. Les huit fragrances que nous proposons reprennent chacune ce principe. Carbone, par exemple, fait dialoguer le musc et la rose.

Dove Cameron, égérie des premiers parfums Balmain Beauty

Dove, cela évoque pour moi des propos que vous avez tenus en interview au sujet de votre goût pour les rôles de méchants dans les films ou les séries – vous expliquiez que ces personnages sont plus complexes et intéressants. Dans le clip de votre chanson Boyfriend, les deux personnages féminins sont également deux “méchantes”… La complexité, la dualité des êtres (et des parfums qui l’expriment) résonne-t-elle fortement en vous ?
D. C. : Quand Olivier m’a expliqué qu’il explorait la dualité et la complexité des êtres, je me suis dit que c’était une bonne chose. La dualité fait partie de la nature humaine, c’est la raison pour laquelle je suis si fascinée par les personnages complexes. Je n’ai jamais rencontré un être humain qui ne soit pas une mosaïque de facettes. Souvent, les seuls personnages qui ont droit à cette complexité, à l’écran, sont les méchants. Dans le monde réel, les joies profondes et les traumatismes influencent ce que nous sommes. Je pense qu’il est important d’accepter des aspects de soi que nous pensons devoir dissimuler, souvent par peur que personne d’autre ne ressente ce que nous ressentons. L’acceptation de notre propre complexité mène à l’amour total de soi et à la guérison.

Comment décririez-vous votre relation ? Dove est venue assister à votre défilé printemps-été 2023, qui était aussi un festival de musique.
O. R. : Dove est une ambassadrice forte qui aime jouer avec les codes. Elle vit à Los Angeles, mais elle adore jouer avec la mode parisienne. C’est une actrice dont le talent de musicienne est également en plein accomplissement. C’est une des raisons pour lesquelles je l’ai invitée dans l’univers Balmain Beauty : en 2023, elle a publié son album Alchemical: Volume 1, et sa musique est en adéquation parfaite avec l’univers que je développe en ce moment. Une histoire d’amour est née quand nous nous sommes rencontrés. Elle est mystérieuse, et il émane d’elle une sorte de danger. Elle est très élégante, un peu femme fatale, et c’est une artiste très novatrice. Je suis extrêmement fier de faire partie de son histoire, de son monde. Et j’aime allier la musique, la beauté et la mode.

D. C. : Notre histoire est vraiment une histoire d’amour ! Dès le jour où nous nous sommes rencontrés, j’ai eu le sentiment qu’Olivier et toute l’équipe de Balmain étaient comme une famille pour moi. Quand j’étais enfant, je
voulais vraiment devenir créatrice de mode. Mes parents concevaient des bijoux, j’ai donc grandi dans le milieu de la création. J’ai commencé à coudre des vêtements quand j’étais toute jeune sur une petite machine rudimentaire. J’ai donc toujours eu une sorte de vénération pour les créateurs de mode, ces visionnaires capables de matérialiser leur esprit. Non seulement j’étais une fan de longue date d’Olivier et de la marque, mais nous sommes devenus de vrais amis en 2022. Nous avons immédiatement sympathisé. Quelques mois plus tard, il m’a proposé de poser avec lui pour la couverture d’un magazine, et j’ai fondu en larmes. Lorsqu’il m’a appelée pour me proposer d’être l’ambassadrice des parfums de Balmain, j’ai été extrêmement émue, et j’ai vraiment eu l’impression que pour nous la boucle était bouclée. Je trouve tellement rare et magique que deux personnes se connectent d’une manière très humaine dans cette industrie, et encore plus lorsque cela aboutit à un magnifique partenariat. Je me sens profondément honorée de représenter la marque, vraiment.