24 juin 2025

Adrien Coelho, un coiffeur parisien très confidentiel

Il parle des cheveux comme on parle d’un tissu, d’un volume, d’un mouvement intérieur. Passé par les studios et les défilés, Adrien Coehlo défend aujourd’hui une approche sensible et minimaliste de la coiffure dans son salon parisien, Très confidentiel. Au cœur de son geste : la coupe à sec, le respect de la matière, et une écoute absolue de l’autre.

  • par Léa Zetlaoui.

  • Il parle du cheveu comme d’un langage. D’une matière vivante, intime, parfois rebelle, souvent révélatrice. Formé par l’observation plus que par l’école, Adrien Coelho a construit son geste à l’écoute des volumes, des visages et des rythmes de vie. Installé au cœur du jardin du Palais Royal, dans un salon de coiffure aussi discret que lui – Très confidentiel – il défend une approche intuitive. Sa vision se prolonge également avec une ligne de soins pensée pour sublimer les chevelures. Rencontre avec un coiffeur pour qui chaque coupe est une conversation silencieuse.

    Interview d’Adrien Coehlo

    Numéro : Quel est votre tout premier souvenir lié aux cheveux ?

    Adrien Coelho : Je pense que j’ai très peu de mémoire sur mes jeunes années, mais l’un des premiers souvenirs marquants remonte à cette fois où, enfant, j’ai attrapé une paire de ciseaux et coupé ma frange tout seul. C’est un geste qu’on fait souvent petit, une impulsion spontanée : on prend ce qui traîne et on se fait une coupe maison. Ce n’est pas un souvenir spectaculaire, mais c’est sans doute le premier moment où les cheveux ont pris une forme d’importance dans ma vie. Et, avec le recul, je crois qu’il y avait déjà quelque chose de révélateur là-dedans.

    Dans quel sens ?

    Le cheveu traduit souvent ce que l’on vit, ce que l’on ressent ou ce que l’on veut exprimer. Quand un enfant fait ça, ce n’est pas anodin. C’est peut-être pour attirer l’attention ou parce qu’il sent que quelque chose ne va pas. C’est un acte inconscient, mais signifiant.

    Un coiffeur passionné du cheveu

    Qu’est-ce qui vous a mené à devenir coiffeur ?

    J’ai toujours été attiré par la beauté et la mode. Je viens d’une famille issue de ce milieu, donc ça aurait naturel pour moi de suivre la voie du stylisme ou du design. Mais il me manquait quelque chose. Car pour moi, la beauté ne se limite pas à un vêtement ou à un visage. C’est un tout. Et les cheveux, c’est la parure ultime. C’est une matière qu’on peut aborder comme un textile, en fonction des textures, des volumes, des couleurs… On peut jouer avec comme avec un tissu, ou comme avec le maquillage. Et surtout, il y a un effet immédiat : on voit le changement, on ressent la transformation.

    C’est ce dernier aspect qui vous a convaincu ?

    J’avais besoin de cette immédiateté, de ce rapport direct avec les gens. Toucher, échanger, apporter du bonheur rapidement… Dans ce métier, on voit les visages s’éclairer presque instantanément. Et puis, c’est un acte très intime. Peu de personnes vous touchent la tête, vous voient les cheveux mouillés. Il se passe quelque chose de très fort dans ce moment-là.

    Pensez-vous que c’était une vocation ? Auriez-vous pu exercer un autre métier ?

    Je ne sais pas. Je n’ai jamais fait autre chose. J’ai mille centres d’intérêt, mais tout ce que je développe est une prolongation de ce que je fais déjà. Même mes produits, je les pense comme une extension de ma main. Je mets la même exigence dans tout ce que je touche.

    Un salon de coiffure très confidentiel à Paris

    Avez-vous eu un mentor ou une figure formatrice ?

    Pas vraiment. J’ai eu la chance de côtoyer des personnes talentueuses, mais j’ai toujours été assez indépendant, avec mes propres idées. J’ai admiré des figures comme Vidal Sassoon, Trevor Sorbie, Angelo Seminara… des coiffeurs très artistiques, surtout en studio. Leurs créations m’ont beaucoup inspiré, que ce soit dans des magazines professionnels ou des publications comme Vogue. Je suis un grand observateur. Je regarde, j’analyse, et j’essaie de comprendre comment reproduire ou adapter, même si ce n’est jamais exactement pareil.

    Que faisiez-vous avant d’ouvrir votre salon à Paris

    Je vivais aux États-Unis, où je travaillais en freelance : beaucoup de studio, de célébrités, de missions dans tout le pays. Puis, j’ai été contacté pour une mission avec Gucci, qui lançait sa ligne de haute joaillerie à Paris. C’était un bel événement, avec des invités du monde entier. Il faisait beau, je suis resté un peu plus longtemps, puis les fêtes arrivaient, la Fashion Week aussi… Et là, le confinement est tombé. Comme beaucoup, j’ai eu peur : pas de vols, l’inquiétude pour les proches… J’ai choisi de rester.

    Comment est né le concept du Très confidentiel, un salon intimiste et secret ?

    J’ai ouvert le Très confidentiel entre les deux confinements. Et cet espace plus petit, plus confidentiel correspondait parfaitement à l’ambiance post-Covid. En effet, les gens avaient besoin d’intimité, de sécurité. Ce projet est tombé à point nommé.

    Ses icônes et ses anecdotes

    Avez-vous une icône de beauté ou une muse qui vous inspire particulièrement ?

    Pas vraiment. Je n’ai jamais fantasmé sur l’idée de coiffer une célébrité en particulier. On peut facilement être déçu. Et je ne suis pas dans une démarche de groupie. En studio, il m’est arrivé de coiffer des stars sans même savoir qui elles étaient. Camila Mendes, par exemple : je n’avais jamais regardé Riverdale. Et ce n’est pas grave. J’aborde tout le monde avec la même attention, qu’il s’agisse d’une célébrité ou non. Ils font juste leur métier. La célébrité ne m’impressionne pas.

    Vous avez une anecdote marquante en studio ?

    On me pose souvent cette question, mais en réalité… non. Quand on est dans le feu de l’action, on est concentré. Il m’est souvent arrivé d’apprendre le nom d’une personne après l’avoir coiffée. Et ça crée une relation plus naturelle. Je pense que c’est bénéfique. Ce que je retiens surtout, c’est la simplicité de l’échange humain, et le fait de ne pas mettre les gens sur un piédestal.

    Avez-vous un exemple de coupe de cheveux iconique dans la pop culture ?

    La coupe de Leeloo dans Le Cinquième Élément, c’est une coiffure vraiment iconique. Elle marque autant par sa forme que par sa couleur, très audacieuse. C’est un vrai statement visuel. En musique aussi, on a eu des figures marquantes : si je pense à la France, il y a toute une époque où Mylène Farmer dominait, avec une image très construite. Ses cheveux faisaient partie intégrante de son identité artistique. C’était fort.

    Les secrets d’un coiffeur parisien

    Comment définiriez-vous votre signature en tant que coiffeur ?

    Je dirais « sur-mesure » et « effortless ». Mon objectif, c’est que la personne puisse vivre avec sa coupe facilement, qu’elle s’intègre à son quotidien. Je coupe exclusivement sur cheveux secs pour comprendre comment la matière tombe, comment elle vit. C’est un gain de précision énorme. Ça permet d’éviter les mauvaises surprises : quand vous repartez chez vous, les cheveux ne remontent pas, ne réagissent pas différemment.

    Pourquoi tout le monde ne coupe-t-il pas sur cheveux secs alors ?

    Je pense que c’est une question d’enseignement. À l’école, on apprend sur cheveux mouillés. C’est plus simple, plus standardisé. Mais ce n’est pas adapté à tout le monde. Ma technique, je l’ai développée au fil du temps, en fonction de mes observations et de mes expériences. Je prends en compte le cheveu, bien sûr, mais aussi le visage, le port de tête, les implantations, la manière dont la personne vit ses cheveux. C’est une vision à 360°.

    Satisfaire une clientèle exigeante

    Comment réagissez-vous face à des demandes qui ne vous semblent pas adaptées ?

    Cela dépend de la relation. Je suis là pour faire plaisir, tout en apportant ma touche. Comme un architecte qui respecte les besoins de son client mais apporte sa vision. Je ne vais pas imposer une colonne au milieu du salon si ça ne sert à rien. C’est pareil avec les cheveux. J’essaie de concilier l’esthétique, le style et le mode de vie de la personne.

    Quel est le plus beau compliment qu’une cliente puisse vous faire ?

    Quand elle me dit qu’elle se trouve belle, qu’elle se reconnaît, voire mieux encore qu’elle ne s’était jamais imaginée ainsi, mais que c’est exactement elle. Ça, c’est la plus belle chose qu’on puisse entendre. Je ne cherche pas qu’on me dise que je suis le meilleur. Ce n’est pas ma quête. Ce qui me plaît, c’est d’être un designer du cheveu, un architecte de l’image. Et de voir quelqu’un se révéler sous mes mains.

    Son conseil ultime pour une belle chevelure

    Quel serait le meilleur conseil beauté que vous donneriez pour bien entretenir ses cheveux ?

    Avant tout, il faut comprendre ce qu’on fait. C’est comme en skincare : beaucoup de gens appliquent des produits sans vraiment savoir pourquoi. Ils suivent une tendance ou un tuto sans en saisir le sens. Et ça peut faire plus de mal que de bien. Par exemple, les huiles capillaires : je ne les applique jamais sur cheveux mouillés, surtout pas après le shampoing. Et encore moins aux racines. Sur cheveux secs, en revanche, appliquées de manière ciblée, elles peuvent vraiment apporter un effet glossy ou de la nutrition. Mais il faut adapter selon son type de cheveux. Personnellement, sur moi, les textures trop riches ne fonctionnent pas du tout. Ce qui marche sur quelqu’un d’autre ne marchera pas forcément sur vous. Il faut tester, observer, comprendre.

    Très Confidentiel, 44 Galerie de Montpensier, Paris 1er. Réservation. Les lignes de soins Adrien Coelho sont disponibles sur adrien-coelho.com.