Comment 1 Million de Rabanne s’est hissé au rang d’icône de la parfumerie
Best-seller de la maison Rabanne depuis son lancement en 2008, le parfum 1 Million est aujourd’hui connu de tous. De sa fragrance rare et envoûtante à son flacon au design percutant, retour sur la fabrique d’une icône de la parfumerie.
Par Matthieu Jacquet.
Une fragrance rare et flamboyante
Puissant et persistant, le parfum 1 Million – prononcer “one”, à l’anglaise – inspire aujourd’hui à la plupart un même sentiment : la séduction. Pour obtenir cet effet impalpable, si difficile à fabriquer, Paco Rabanne s’entoure en 2008 non pas d’un mais de trois parfumeurs français de talent, Christophe Raynaud, Olivier Pescheux et Michel Girard, qui travaillent de concert à la création de cette formule unique. Inspiré par l’or, quintessence de la préciosité, et ses nombreuses symboliques, le triumvirat se tourne alors vers les senteurs d’Orient afin de composer une fragrance rayonnante, chaleureuse et rare, s’approchant de la flamboyance du métal et des objets, bijoux et autres artefacts de luxe qui en sont constitués.
Si ses notes de tête à base de pamplemousse, mandarine sanguine et menthe attirent d’abord par leur apparente fraîcheur, l’intensité arrive rapidement avec un cœur en écorce de cannelle et absolu de rose, avant de culminer dans une note de fond mêlant cuir et ambre, bois blanc et patchouli. Ainsi, 1 Million se distingue par la rencontre rare d’odeurs sucrées et boisées, souvent confinées respectivement aux parfums féminins et masculins, saupoudrées de notes épicées pour opérer un effet immédiat qu’une seule pression permettra de maintenir pendant plusieurs heures. Paco Rabanne lui-même parlera d’un “parfum étrange avec de bonnes vibrations”, qui sera au fur et à mesure décliné en gamme complète : lotion et baume après-rasage en flacon ou en tube, déodorant ou encore gel douche. En juin dernier, pour la fête des pères, le parfum faisait peau neuve avec une nouvelle déclinaison, 1 Million Royal, agrémentée cette fois-ci de lavande, de benjoin et bois de cèdre pour une odeur toujours plus intense.
Un design marquant et étincelant
En attestent les nombreuses icônes de la parfumerie, le succès d’un parfum passe par un flacon marquant au design efficace. En vue de créer celui de 1 Million, la maison Rabanne se tourne vers le designer français Noé Duchaufour-Lawrance. Connu pour son mobilier épuré et harmonieux inspirée par les pierres, plantes et autres formes de la nature, auxquels il emprunte souvent les lignes pures et courbes pour dessiner les formes de ses pièces, le créateur prend cette fois-ci pour point de départ un objet séculaire : le lingot d’or. Incarnation parfaite de la préciosité de l’or mais aussi du luxe, de la richesse et de l’opulence, ce volume en forme de parallélépipède ou de pyramide tronquée est habituellement réalisé à partir de métal coulé, ensuite gravé d’informations sur sa masse, sa provenance et son raffineur.
La surface lisse et brillante du parfum 1 Million reprend cette idée en intégrant, en son centre, le chiffre 1 stylisé en grand, prolongé en dessous par une ligne aux airs d’arabesque. Inspirée par le monde du western et ses décors iconiques, la police du chiffre premier rend aussi un hommage à la ruée vers l’or, période fondamentale dans la construction des États-Unis au milieu du 19e siècle. À l’image des numéros qui distinguent habituellement les lingots d’or, les références du parfum et sa contenance – 50, 100 ou 200 ml – sont inscrits en bas du flacon. Là aussi, les formes courbes séduisent autant que le doré étincelant de son matériau appelle le toucher. Et invite le propriétaire du parfum à lui accorder une place de choix sur son étagère.
Un lien fort avec l’histoire de la maison Rabanne
Au-delà du lingot d’or, le parfum 1 Million fait explicitement référence à l’histoire de la maison Rabanne, dont l’un des fers de lance fut l’utilisation du métal dans le vêtement. En février 1966, dans les salons de l’hôtel George V, le jeune créateur franco-espagnol Paco Rabanne surprend le public de son tout premier défilé parisien en présentant douze robes réalisées en “matériaux contemporains”, soit des matières non textiles comme les sequins, l’aluminium et des plaques de Rhodoïd fixées par des anneaux métalliques, dont le tintement résonne au rythme de la démarche des mannequins.
Face au succès de ces pièces surprenantes et ultra contemporaines, dont les icônes de l’époque Brigitte Bardot ou Jane Fonda s’entichent rapidement, Paco Rabanne repousse ses propres limites en 1968 en créant une mini-robe faite de neuf kilos d’or pur, découpé sous forme de plaques incrustées de diamants (trois cents carats) et maintenues ensemble par des anneaux d’or, d’après le principe d’assemblage qu’il avait développé dans ses collections précédentes. Merveille de savoir-faire dévoilée à l’Exposition Internationale de Diamant, la pièce unique est réalisée sur mesure pour la chanteuse Françoise Hardy, muse du créateur, qui la dira assez lourde à porter – la robe pèse en effet près de quarante kilogrammes. Estimée plus de 10 millions de dollars, elle sera longtemps considéré comme la robe la plus chère du monde, une incarnation de la quintessence du luxe qui ne manquera pas d’inspirer le parfum 1 Million.
Une campagne mémorable
En juillet 2008, quarante ans après l’apparition de la “robe la plus chère du monde”, 1 Million débarque dans le monde de la parfumerie, dans lequel Paco Rabanne s’est déjà bien implanté avec les parfums Calandre (1966), La Nuit (1985) ou, plus récemment, Black XS (2005). Largement diffusée, sa campagne marquera les esprits : dans une vidéo en noir et blanc ponctuée de flashs rappelant ceux des appareils photo, le mannequin Mat Gordon, visage phare de la fin des années 2000, danse avec énergie, faisant apparaître à chaque nouveau claquement de doigts une nouvelle image. Paire de dés, sac à main empli de liasses de billets, roulette et jetons, carrosserie d’une décapotable ou encore feux d’artifice, faisant surgir d’éclatantes lumières dorées…
Sur un morceau du duo culte de l’électro The Chemical Brothers, les symboles du luxe, de la richesse et des jeux d’argent s’enchaînent, jusqu’à l’ultime plan qui clôturera la campagne : deux mollets féminins juchés sur des escarpins à talons, sur lesquels glisse une robe transparente. Signé Nathaniel Goldberg, le clip réunit là aussi les deux principaux caractères du parfum : l’opulence et la sensualité. Dans les futures campagnes 1 Million, le “snap” initié par Mat Gordon reviendra d’ailleurs systématiquement, alors que le parfum s’imposera comme un véritable best-seller et une icône de la maison.